J’ai eu le plaisir, au début des années 2000, dans le local des Groupes bibliques universitaires (GBU), de participer à une soirée du « Club pred » animé par le regretté Édouard Nelson. J’ai trouvé le concept très intéressant, je l’ai souvent pratiqué, et je me permets de présenter ma façon de faire, que j’espère fidèle à l’esprit d’Édouard.

Avec la prière, le ministère de la Parole est habituellement au cœur du ministère pastoral (Actes 6.4). Le pasteur qui a une assemblée composée en grande partie de chrétiens mûrs a peut-être la possibilité d’entretenir chez eux la flamme de la foi simplement par des prédications et des études bibliques fidèles à la Parole de Dieu. Pour celui qui voit croître son Église et qui préside une assemblée de chrétiens jeunes dans la foi et sans fondements bibliques solides, les besoins sont beaucoup plus importants. S’il passe un ou deux jours chaque semaine dans la préparation, il aura du mal à trouver le temps d’assurer à leur intention un programme plus personnalisé de formation biblique, et il sera content d’être relayé dans sa tâche.

Comment se libérer davantage pour des visites pastorales et des entretiens, ainsi que des formations plus personnalisées telles que, par exemple, la préparation au baptême, la formation biblique de base des nouveaux chrétiens, les groupes de croissance ou les cercles de lecture autour de thèmes de la doctrine et de la vie chrétienne ? Celui qui occupe la chaire doit tout d’abord faire preuve d’une certaine mesure d’humilité et être animé par la conviction qu’il n’est pas indispensable. Et il doit généralement se lancer dans la formation de nouveaux prédicateurs.

Un « club pred » offre un cadre sympathique et sécurisé permettant aux débutants de se lancer dans la prédication sans provoquer trop de dégâts dans l’assemblée. Il réunit huit à dix apprentis prédicateurs (dans ma pratique, aussi bien des femmes que des hommes) autour de quelqu’un qui est un peu plus expérimenté dans la prédication, mais qui n’a pas besoin d’avoir reçu une formation particulière. À quinze jours ou trois semaines d’intervalle, après une première réunion introductive, on programme autant de rencontres que nécessaire (huit à dix), afin de permettre à chaque participant de prêcher deux fois, à raison de deux prédications par rencontre.

Les rencontres se déroulent de cette manière :

  • 30 minutes d’échanges autour du contenu d’un chapitre de manuel de prédication[1];
  • 45 minutes consacrées à chacun des deux apprentis (une prédication de 15 min
  • suivie de 30 minutes de commentaires de ses pairs et de l’animateur).

Je favorise des prédications dites « textuelles », sur un petit choix de textes bibliques imposés, afin d’encourager les apprentis à se mettre au service de leur texte, et de le creuser. Ainsi, ils découvrent les richesses de textes qu’ils n’auraient pas forcément choisis. Pour ce faire, je laisse au choix les cinq textes proposés pour chaque dimanche dans le calendrier de la Fédération protestante[2] (un Psaume, un texte de l’Ancien Testament, un des Évangiles, un du reste du Nouveau Testament, et le texte du jour de la Ligue pour la Lecture de la Bible). J’assigne aux apprentis les textes d’un dimanche pour chaque prédication.

Je favorise des prédications dites « textuelles », sur un petit choix de textes bibliques imposés, afin d’encourager les apprentis à se mettre au service de leur texte, et de le creuser.

Je demande à chaque participant, à tour de rôle, d’évaluer un aspect de la prédication qu’on va écouter :

  1. La fidélité au texte. Le prédicateur a-t-il tenu compte du genre littéraire et du contexte ? A-t-il clairement perçu le sens du texte et l’objectif de son auteur ? A-t-il construit son message autour de l’axe principal du texte ? Etc.
  2. La richesse biblique et théologique. Le prédicateur a-t-il su creuser le texte et mettre en valeur ses principales richesses ? A-t-il su situer le texte dans l’histoire du salut, et faire des liens utiles avec d’autres parties de la révélation biblique ? Etc.
  3. La clarté des propos. Le discours du prédicateur est-il clair ? Sa démarche est-elle logique et bien articulée ? Ses phrases sont-elles bien construites ? Ses explications sont-elles précises et limpides ? Etc.
  4. La qualité de la structure. Le prédicateur a-t-il donné une structure claire et équilibrée à son travail, avec une introduction et une conclusion bien menées ? La matière est-elle divisée en chapitres, chacun avec un titre bien choisi, afin de permettre à ses auditeurs de retenir l’essentiel ? Etc.
  5. La qualité du français. Le prédicateur a-t-il une bonne maîtrise de la langue française ? S’est-il exprimé dans un français approprié au niveau intellectuel et social de son auditoire ? A-t-il fait des fautes de français à l’oral et dans ses supports écrits ? Etc.
  6. La qualité de la technique. Le prédicateur mobilise-t-il toutes les ressources de sa personne, de son corps et de sa voix dans la communication de son message ? Le volume et le rythme sont-ils adaptés ? Le message s’appuie-t-il de manière appropriée sur des anecdotes, des leçons d’objet, des illustrations ou des expériences personnelles ? Le diaporama est-il réussi du point de vue technique et apporte-t-il un bon soutien au message ? Etc.
  7. La justesse et la pertinence des applications. Les applications se fondent-elles bien sur le texte ? Sont-elles pratiques et bien adaptées aux auditeurs ? Le prédicateur semble-t-il comprendre les enjeux de son message pour ses auditeurs ? Etc.
  8. L’autorité du prédicateur. Donne-t-il envie à ses auditeurs de l’écouter et de tenir compte de ce qu’il dit ? A-t-il une manière de s’exprimer à la fois humble et digne ? Ses arguments sont-ils convaincants ? Semble-t-il être convaincu, lui-même le premier, par son message et l’incarner dans sa personne ? Etc.

Je corrige éventuellement le tir des commentaires et y apporte des compléments, si c’est utile. Je donne une brève conclusion à l’ensemble.

Le “club pred” engage dans une démarche de formation continue et crée un climat de recherche de l’excellence dans le domaine de la prédication.

Le « club pred » ouvre les portes du ministère de la Parole à de nouvelles personnes. Il stimule les participants dans l’étude personnelle de la Parole de Dieu et les habitue à employer les outils d’étude biblique. Il les engage dans une démarche de formation continue et crée un climat de recherche de l’excellence dans le domaine de la prédication. Il a le grand mérite d’habituer les apprentis prédicateurs à prendre du recul par rapport à leur travail, à accepter avec grâce les critiques de leurs pairs et à exercer leur propre sens critique. Il permet à certains prédicateurs aspirants de comprendre qu’ils n’ont pas le don, ou pas encore le don de s’exprimer en public, et de les écarter sans douleur. Il donne à d’autres la confirmation de leur potentiel, et leur ouvre la porte de l’équipe de prédicateurs réguliers.

En vue de l’accomplissement de notre mission de « faire de toutes les nations des disciples » (Mt 28.19), le « club pred » est un outil précieux, assez facile à l’emploi. Ce serait utile qu’il trouve sa place régulière dans le programme de formation de l’Église locale ou du réseau local d’Églises.

 

[1]Jules-Marcel NICOLE, Précis de prédication chrétienne, Nogent-sur-Marne, Éditions de l’Institut Biblique, 1995, 140p.
Alfred KUEN, Comment prêcher ou L’art de communiquer l’essentiel, Saint-Légier, Éditions Emmaüs, 1998, 219p.
John STOTT et Greg SCHARF, Le défi de la prédication, Transmettre la Parole de Dieu dans le monde d’aujourd’hui, Carlisle, Langham Preaching Ressources, 140p.
Florent VARAK, avec Philippe VIGUIER, Manuel du prédicateur, Du texte au message, Lyon, Éditions Clé, 2017, 312p.
Etc.SF

[2]À télécharger sur https://lire.la-bible.net/programme-de-lecture/la-bible-en-6-ans, consulté le 13/09/2021.

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André est pasteur émérite de l’Union des Églises Évangéliques Libres de France et ancien professeur de théologie pratique à l’Institut Biblique de Nogent.

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