Le répertoire évangélique de cantiques est en croissance constante. C’est un signe du dynamisme du mouvement. Si, en effet, la théologie et la piété ne se changent jamais en cantiques, c’est mauvais signe… Mais cette augmentation régulière du répertoire est aussi liée au désir de nouveauté du monde d’aujourd’hui. Ce qui est nouveau est plus stimulant, plus intéressant, plus agréable que ce qui est ancien. Ce n’est peut-être pas une tendance universelle, mais c’est une tendance lourde, qui s’exprime jusque dans le rythme du renouvellement des cantiques. D’où la nécessité d’analyser le répertoire, en se demandant quels sont les cantiques qu’il faut sélectionner (car on n’a pas le temps de tout chanter et tout ne se prête pas nécessairement au chant d’assemblée) et quelle place ces cantiques peuvent trouver dans le culte et dans la vie de l’Église.
Voilà trois nouvelles propositions de chants qui méritent qu’on s’y arrête : des cantiques récents, par des auteurs francophones, accompagnés de quelques réflexions.
Composé de deux strophes et d’un refrain, ce cantique célèbre le Christ, dont la présence est anticipée dans la manière dont Dieu a conduit et nourri son peuple dans le désert (strophe 1), le Christ qui est à la fois la Parole de l’alliance et le chemin vers le Père (strophe 2). L’objet du chant est légèrement ambigu : Dieu ou le Christ, mais la coloration de l’expression de foi est nette : le désert évoque la durée, « d’âge en âge » renchérit, de même que « toujours » et « tout au long des années ». La foi chantée est ainsi inscrite dans le temps, elle est vétérotestamentaire comme néotestamentaire. Le Dieu du désert et le Dieu de l’Évangile sont un seul et même Dieu, dont le rapport à son peuple est marqué par la fidélité.
Le Dieu du désert et le Dieu de l’Évangile sont un seul et même Dieu, dont le rapport à son peuple est marqué par la fidélité.
La mélodie est sobre, je fais le choix d’un tempo plutôt calme, ce qui rend ce cantique approprié, par exemple, à la lecture/prédication de la Parole : soit avant, soit après. Je me situe, en disant cela, un peu en deçà de la proposition de l’auteure elle-même dans ses enregistrements, qui donne au chant une dynamique plus forte que ce que j’imagine à la lecture des paroles et de la musique. Mais la mélodie de la fin des deux strophes met dans tous les cas en valeur le refrain et donne de la force à la reconnaissance. Le cantique peut donc aussi trouver sa place dans la louange, si elle n’est pas trop exubérante, pour célébrer la fidélité de Dieu.
Le texte fait référence à plusieurs textes bibliques : de l’Ancien Testament assez précisément, du Nouveau Testament de manière plus mêlée ou indirecte, et peut-être même aux symboles anciens (« véritable lumière », « engendré »), même si Nicée-Constantinople associe plutôt « vrai » à Dieu qu’à la lumière. Ces allusions donnent une impression de richesse, qui peut être renforcée par la lecture des textes concernés.
Inspiré du Psaume 23, ce cantique oriente la lecture du Psaume vers la note de joie qu’il contient, sans pour autant supprimer la note sombre qui est associée au poème. Le choix était risqué, puisque le texte a généralement été reçu par l’Église comme approprié aux moments d’épreuve et aux traversées douloureuses, plus qu’à l’expression directe de la joie. Mais je pense pouvoir dire que la limite n’a pas été franchie (si, en tout cas, les musiciens n’accentuent pas outre mesure la tonalité joyeuse) et que, si la joie est dominante, on perçoit bien qu’elle s’inscrit sur un fond très réaliste (voir aussi la répétition de l’appel à chanter : « Ô mon âme, chante mon âme »).
Si la joie est dominante, on perçoit bien qu’elle s’inscrit sur un fond très réaliste.
Le cantique s’éloigne quelque peu du Psaume dans le « pont » et dans la strophe 3, mais l’esprit du texte reste présent.
Le titre, qui revient dans le « pont », soulève quelques questions. Il n’est pas si habituel, dans nos traditions protestantes européennes, d’appeler Dieu « Yahwé » dans une prière ou un cantique. La Bible de Jérusalem est connue pour avoir employé « Yahvé » et l’on retrouve parfois ce nom dans la littérature théologique. Mais les traductions bibliques ont le plus souvent fait d’autres choix : « Éternel » chez Segond, prolongé par la Bible du Semeur ; « Seigneur » dans la TOB et la NBS. Certains pourront être gênés de prononcer le « nom » de Dieu pour des raisons qui leur sont propres ; mais d’autres pourront aussi simplement se demander, face à la difficulté de savoir comment rendre ou comprendre le nom divin de l’Exode, s’il était sage de trancher dans un cantique, même si c’était pour le bien de la versification (je me situe plutôt dans cette 2e catégorie). En cas de scrupule, on peut toujours remplacer « Yahwé » par « Seigneur ».
L’ensemble renouvelle agréablement la force du Psaume 23, le texte tombe globalement bien et l’adaptation des paroles du psaume originel convient (sauf pour « puisqu’il m’aime le premier », où le présent surprend). Ce cantique, qui célèbre le plus grand bienfait que reçoit le croyant, à savoir la présence de Dieu, peut être utilisé par exemple dans la partie finale d’un culte, pour faire le lien entre la présence de Dieu au sein de la communauté rassemblée et le reste de la vie, ou dans un temps de louange.
Ce cantique, qui fait allusion au Psaume 121, porte remarquablement la confiance et l’espérance du chrétien. Ce qu’on reproche parfois à la louange moderne ne peut lui être reproché : il est réaliste, évoque la « menace », les « larmes », le pas qui « chancelle », la « peur », le chavirement de l’âme, le besoin de secours. La faiblesse de l’être humain, qui subit les épreuves de la vie, contraste avec le Dieu créateur tout-puissant qui prend soin de lui. Comme dans le psaume originel, l’individu est tout petit face à des menaces qui viennent de très haut (le soleil et la lune), mais c’est aussi d’en haut que lui vient le secours. Au lieu de regarder vers le ciel avec crainte, il regarde donc vers le ciel avec confiance. La force des hauts sommets lui est donnée.
Au lieu de regarder vers le ciel avec crainte, il regarde donc vers le ciel avec confiance.
La partie espérance (« je lève les yeux / vers les hauts sommets ») appelle le refrain, affirmation de la foi, assurance du salut. J’ai mis un certain temps à comprendre le « pont » final. Quel est le rapport entre « ta victoire », « mon espoir », « ton chemin », « mon destin », « ton salut » et « mon refuge » ? S’agit-il d’une simple liste, quel est le sens de l’alternance ton/mon ? La ponctuation du JEM n’aide pas. Des « : » gagneraient à remplacer les virgules, si ma compréhension est la bonne. Ta victoire est mon espoir ; ton chemin est mon destin ; ton salut est mon refuge.
Le cantique est équilibré, il peut donc avoir plusieurs fonctions dans le culte. Au début d’un moment de louange, il fera le lien entre la petitesse de l’être humain et la grandeur du Créateur. Au terme d’un moment de confession des péchés ou de prise de conscience de la condition humaine, il dira à la fois l’humilité et le salut. Pour aller plus loin, voir ces autres propositions de cantiques :
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