La vie nous réserve bien des imprévus, des bonnes ou des mauvaises surprises. Le psaume 41 est un de ces psaumes qui décrivent le genre de situation où l’on a l’impression de s’être fait avoir par la vie, où l’on ressent une certaine injustice. Dans ce psaume, le psalmiste est clairement en souffrance à cause d’une maladie. Il en fait part à Dieu et il lui demande son aide.
Mais ce n’est pas tout. En plus d’être touché par la maladie, le psalmiste est victime d’une trahison. En fait, le contexte du psaume 41, c’est la rébellion d’Absalom contre le roi David, son père, avec l’aide d’Ahitophel. Or ce personnage, Ahitophel, était un des conseillers de David et même un ami fidèle. Ses conseils étaient considérés comme des paroles de Dieu, elles avaient du poids (2 S 16.23). En s’alliant avec Absalom, Ahitophel a brisé le cœur de David qui a entendu parler de la révolte et qui a dû fuir.
Le verset 10 du psaume 41 se retrouve cité dans le Nouveau Testament sous la plume de Jean au chapitre 13 et verset 18. Jésus vient de laver les pieds de ses disciples et il commence à parler de celui qui va le trahir, Judas Iscariot : « Ce n’est pas de vous tous que je le dis ; moi, je connais ceux que j’ai choisis. Mais il faut que soit accomplie l’Écriture : Celui qui mange mon pain a levé son talon contre moi. »
Ce verset a du sens dans ce contexte car Jésus vit une trahison semblable à celle de David : un de ses plus proches amis l’abandonne et le livre aux autorités religieuses juives pour qu’il soit exécuté. Les deux récits se ressemblent beaucoup : chacun des traîtres décide de se pendre. Faire le parallèle entre ces deux tableaux est très intéressant.
Cette citation dans Jean est faite d’expressions propres au contexte juif de l’époque. S’y attarder nous permet de mieux comprendre ces deux trahisons.
« Manger le pain », c’est l’image d’une relation intime. Le traître était un ami proche, il profitait des privilèges d’une relation personnelle. Comme pour le psalmiste, ce n’est pas seulement les ennemis de Jésus qui complotent contre lui, mais c’est aussi son ami. On assiste à une violation de l’amitié. Manger le pain à la table d’un supérieur était une promesse de loyauté et trahir ce supérieur était une rupture de la tradition d’hospitalité.
Manger le pain, cela fait aussi écho à la Cène, le dernier repas du Christ. Judas faisait partie des disciples, il prenait part à tout ce que Jésus offrait. Mais il a refusé cet amour.
Judas faisait partie des disciples, il prenait part à tout ce que Jésus offrait. Mais il a refusé cet amour.
L’autre expression « lever le talon » symbolise la traîtrise et l’infidélité. C’est comme un ami, un convive, qui prend son hôte de haut. C’est une marque de mépris et un geste d’agression. C’était une insulte pire que le fait de tourner le dos à quelqu’un. Dans « lever le talon », on voit une l’hostilité dans le geste de donner un coup de pied. C’est d’autant plus fort que la personne est en relation étroite avec le traître.
Dans l’Évangile de Jean, cette attitude a beaucoup de sens dans un contexte où il venait d’être question du lavement des pieds. Jésus a lavé les pieds de ses disciples, y compris ceux de Judas. En levant son talon, ce dernier refuse l’invitation de Jésus à la relation.
Ces deux expressions mises dans un même verset expriment la volonté de Jean de montrer l’horreur de l’acte de Judas, une atrocité qui entre toutefois dans le plan de Dieu pour accomplir l’Écriture.
Jésus a lavé les pieds de ses disciples, y compris ceux de Judas. En levant son talon, ce dernier refuse l’invitation de Jésus à la relation.
Même si Jean s’inspire du psaume pour faire un parallèle avec Jésus, le personnage de David est quand même différent de Jésus. D’abord, David a été pris par surprise par la trahison tandis que Jésus, le Fils de Dieu, savait à l’avance que Judas allait le trahir. Jésus ne s’est pas trompé dans le choix de ses disciples. Ce choix a justement permis que le plan de Dieu se réalise.
Ainsi, Jésus n’est pas la victime impuissante d’une trahison insoupçonnée, mais il est envoyé par Dieu pour accomplir le plan divin, avançant calmement et sans peur, pour faire ce que Dieu avait prévu qu’il fasse. Jésus, pleinement Dieu et homme, connaissait à l’avance les événements. C’est pour cette raison que Jean ne reprend pas le début du psaume 41.10 « Même mon ami, celui qui avait ma confiance ». Cela montre bien la volonté de révéler la prescience de Christ.
Jésus n’est pas la victime impuissante d’une trahison insoupçonnée, mais il est envoyé par Dieu pour accomplir le plan divin, avançant calmement et sans peur, pour faire ce que Dieu avait prévu qu’il fasse.
David et Jésus ont aussi des réactions différentes face à la trahison. En tant que roi, David avait le pouvoir pour juger de tels hommes et dans le psaume, on voit qu’il veut punir ses ennemis après son rétablissement « Je les paierai de retour » (v.11). En revanche, Jésus fait grâce et aime ses ennemis. Devant des situations d’injustice, il est difficile de réagir comme Jésus l’a fait. Après tout, nous ne sommes pas Jésus. Pourtant, l’appel à suivre son exemple résonne dans notre cœur.
La citation du psaume 41 en Jean 13 nous présente un tableau triste d’une trahison qui ne laisse pas insensible. Elle est aussi là pour laisser entrevoir une attitude à adopter face au mal commis. Le psaume 41 donne une perspective à la trahison de Jésus : il montre que la manifestation suprême de la gloire de Dieu s’est faite dans la faiblesse. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, même l’acte le plus infidèle peut, dans les mains de Dieu, être utile pour montrer sa gloire.
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