Une repentance radicale

À la fin de l’évangile de Luc (Lc 19.1-10), Jésus rencontre un certain Zachée, chef des collecteurs d’impôts. À la suite d’un entretien privé dont nous ne savons rien, Luc nous rend témoin de la déclaration publique de Jésus et Zachée dans laquelle ce dernier s’engage à :

  • Donner la moitié de ses biens aux pauvres
  • Et rendre au quadruple l’argent qu’il aurait pris en trop.

Et alors ? En quoi ça me concerne ?

En réponse à cet engagement, Jésus déclare Zachée sauvé mais il ne dit rien à la foule qui pourrait les exhorter à suivre son exemple. La rencontre de Zachée avec Jésus a transformé sa relation avec l’argent, mais est-ce unique à Zachée ?

Ou au contraire, est-ce que Zachée doit faire jurisprudence ? Instaure-t-il une nouvelle règle qui viendrait mettre à jour les règles de l’Ancien Testament sur la dîme ?

Le texte n’apporte pas de réponse explicite à cette question. Pourtant, si ce texte doit nous enseigner quelque chose pour notre vie, nous avons besoin d’en savoir plus. Devons-nous imiter la repentance de Zachée ? et si oui, de quelle manière ?

Pour le savoir, il faut noter que l’histoire de Zachée vient répondre à deux questions que le lecteur de l’évangile de Luc a eu à se poser plus tôt.

Un riche peut-il être sauvé ?

Tout au long de l’évangile de Luc, on peut se demander si le Royaume de Dieu – que Jésus instaure – a de la place pour les riches (p. ex. Lc 1.52-53 ; 4.18-19 ; 6.24-25). Dans les lignes qui précèdent la rencontre avec Zachée, le lecteur de l’évangile de Luc a été témoin de l’échec d’un riche qui était pourtant le parfait candidat au salut (Lc 18.18-30). Donc l’annonce du salut de Zachée, l’archétype de riche pécheur, apporte une réponse retentissante : oui un riche peut être sauvé, même le pire des riches, s’il renonce à Mamon pour s’attacher à Dieu. Jésus démontre qu’il peut faire entrer un riche par le trou d’une aiguille (Lc 18.25) !

En mettant en parallèle ces deux histoires, Luc nous montre que l’enjeu principal n’est pas un renoncement total aux richesses. Alors qu’il avait demandé au jeune homme riche « vends tout ce que tu as et distribue l’argent aux pauvres » (Lc 18.22), avec Zachée, il se « contente », d’un renoncement à la moitié de ses richesses et à la réparation pour les gains injustement acquis.

Jésus ne veut pas établir une nouvelle règle, ni avec le jeune homme riche, ni avec Zachée. En revanche, il veut enseigner à tous que l’entrée dans le Royaume de Dieu implique de se détacher concrètement de ses biens pour s’attacher pleinement à Dieu.

Puis-je posséder deux chemises ?

Les deux engagements de Zachée sont étonnants, si on les compare à ce qu’un « bon juif » aurait pu attendre de lui. Il annonce donner bien plus que ce qu’un pharisien rigoureux aurait pu pratiquer lui-même et il ne mentionne pas des comportements essentiels comme la prière ou le jeûne. Pire, il ne semble pas prévoir de changer de métier !

Alors pourquoi sa repentance prend-t-elle cette forme ? En fait, Zachée reprend directement l’appel à la repentance de Jean (Lc 3.7-14). Au début de l’évangile de Luc, Jean exhortait la foule à montrer par leurs actes leur profonde repentance pour pouvoir accueillir la venue de leur Dieu. Face à la menace d’être condamnés pour ne pas avoir porté de bons fruits, les auditeurs de Jean lui demandent : « Que devons-nous donc faire ? » (Lc 3.10).

La réponse de Jean est en deux parties :

  • À la foule, il demande de ne garder que le minimum de leurs vêtements et de leur nourriture pour partager le reste avec ceux qui manquent du nécessaire (Lc 3.10-11).
  • Aux collecteurs d’impôts et aux soldats, il demande de ne pas utiliser leur pouvoir pour s’enrichir injustement (Lc 3.12-14).

Si on considère ces deux publics séparément, on pourrait se dire que Jean est nettement plus exigeant envers la foule qu’envers les collecteurs et les soldats. Mais les collecteurs et les soldats font en fait partie de la foule ! Eux aussi sont exhortés à partager leur surplus. On peut donc résumer la réponse de Jean de la manière suivante : une vie qui démontre une réelle repentance est une vie où l’argent est droitement acquis et généreusement partagé avec les pauvres.

Et c’est précisément ce que Zachée est en train de mettre en pratique : il distribue l’excédent de son capital et renonce à utiliser son métier pour s’enrichir de manière injuste. L’enseignement sur les richesses de l’évangile de Luc s’ouvre donc avec cette mise en garde : « Repentez-vous, c’est-à-dire partagez votre superflu avec les pauvres et ne vous enrichissez pas par l’extorsion ». Et il se termine avec un collecteur qui partage sa richesse avec les pauvres et qui abandonne ses extorsions, se voyant ainsi déclaré par Jésus « fils d’Abraham ». La boucle est bouclée.

Imitons cette repentance

La rencontre de Zachée n’est donc pas l’institution d’une nouvelle loi, ni une rencontre anecdotique, sans implication pour nos vies. Zachée vient nous montrer que la repentance chrétienne est un miracle qui implique un détachement de nos richesses pour s’attacher à Dieu. Ce changement d’allégeance de Mamon à Dieu façonne :

  • la manière dont nous gagnons notre argent : nous devons renoncer à tout gain qui serait le fruit d’une injustice,
  • et la manière dont nous dépensons notre argent : nous devons vivre simplement pour pouvoir partager notre surplus avec ceux qui manquent du nécessaire pour vivre.

À nous d’évaluer dans notre vie qu’est-ce que l’exemple de Zachée doit nous amener à changer.

Est-ce qu’une part de nos revenus sont liés à une injustice ?

Comment Pouvons-nous vivre plus simplement pour pouvoir partager mes biens avec ceux qui manquent du nécessaire ?

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Clément est pasteur-implanteur le plateau de Saclay, au sud-ouest de Paris depuis 2019. Il a obtenu son Master Recherche en Théologie à la Faculté Libre de Théologie Evangélique avec un mémoire consacré à la question de la générosité dans le Nouveau Testament et chez les Pères de l'Eglise.

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