En 2023, le livret de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens a proposé de méditer sur le passage d’Ésaïe 1.12-18 avec pour message clé : « Apprenez à faire le bien, recherchez la justice » (v.17, version TOB). Ce passage est une sorte d’introduction au livre du prophète. Le chapitre 1 commence fort : Ésaïe s’insurge contre l’injustice commise par le peuple de Juda au point de les comparer à Sodome et Gomorrhe, deux villes dont la réputation de méchanceté est bien connue. Voyons ensemble pourquoi.
Inspiré par Dieu, Ésaïe fait un véritable procès au peuple de Juda, il met le doigt sur leur pratique de l’injustice : les inégalités grandissaient de plus en plus, les plus faibles étaient victimes d’oppression pendant que les riches prospéraient dans leur corruption. Mais ce qui dégoûte encore plus le Seigneur, c’est que ces mêmes gens continuaient de lui rendre un culte, comme si de rien n’était. C’était absurde ! Ésaïe explique que le culte qu’on offre à Dieu ne peut être dissocié de la justice. Il dénonce une hypocrisie flagrante et une religiosité qui vide la foi de son sens, parce que le cœur n’est pas investi. Il est dit que ce culte-là est « inutile » (v.13), Dieu en a même horreur, c’est un « fardeau » pour lui, c’est devenu quelque chose qu’il doit « supporter » (v.14). Ce genre de culte pousse même Dieu à « détourner les yeux », c’est-à-dire qu’il désapprouve et il « refuse d’écouter » ce genre de prière (v.15). En fait, Ésaïe dénonce l’incohérence du peuple entre son adoration et sa pratique de l’injustice. Pour Dieu, une vraie louange passe aussi par une éthique de vie qui cherche à faire le bien et la justice.
Mais comment comprendre la réaction de Dieu quand il refuse les prières, les offrandes et les sacrifices ? Est-ce que Dieu se contredit ? Est-ce qu’Esaïe serait contre les rites religieux ?
C’est vraiment improbable de penser cela. En fait, ce que critique Esaïe, c’est le mauvais usage du culte et non pas le culte lui-même. Il n’est pas l’avocat d’une philosophie « la morale sans la religion », mais il appuie l’interdépendance qu’il doit y avoir entre le culte et l’éthique de vie. Les rites religieux sont légitimes, mais quand ils deviennent le cœur de la foi et plus seulement une aide, alors ils perdent de leur valeur.
En tant que chrétiens, nos temps spirituels à la maison et à l’Église sont importants mais est-ce qu’ils ont du sens si on délaisse notre voisin dans le besoin ? Il y a un véritable danger à vouloir s’attacher à la forme de la religion et à négliger le fond. C’est la même critique que Jésus fait aux pharisiens. Si on n’est plus sensible à la justice dans notre monde, est-ce que ce n’est pas le moment de se remettre en question sur notre état de cœur devant Dieu ?
Aujourd’hui, nous ne vivons plus dans l’ancienne alliance. Mais alors, qu’est-ce que notre culte à Dieu ? Est-ce que c’est uniquement aller à la messe, au culte, à la célébration le dimanche matin, est-ce donner une offrande, chanter ou prier ? Ou est-ce que ce n’est pas aussi toute notre relation à Dieu même en dehors de l’Église ? Paul explique aux chrétiens de Rome : « Je vous exhorte donc, frères, au nom de la miséricorde de Dieu, à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu : ce sera là votre culte spirituel » (Rm 12.1). Notre culte, c’est toute notre vie. La vraie foi n’est pas limitée à l’Église, elle se vit dans tous les domaines de notre vie.
Notre culte, c’est toute notre vie.
Esaïe nous dirait alors qu’aujourd’hui : même dans ce culte d’une vie consacrée à Dieu, si on oublie les autres, c’est comme si on oubliait Dieu. La pasteure et bibliste, Katie Badie, le dit clairement : « Au cœur des deux alliances se trouve le même “essentiel” de la relation avec Dieu qui passe également par la relation avec autrui. » (Dictionnaire de théologie pratique, Sous la direction de : Christophe Paya et Bernard Huck, Excelsis, 2021 , p.255)
Heureusement, Dieu n’en reste pas là. Il donne les moyens pour s’en sortir. Pour cela, il demande à son peuple de « se laver et de se purifier » (v.16). Ces expressions font référence à la repentance et au changement d’attitude qui en découle. Dieu demande de reconnaître la faute commise, d’être honnête avec soi-même et avec lui.
Dieu explique ensuite plusieurs manières de lui plaire : « Cessez de faire le mal. Apprenez à faire le bien » (v.16-17). Le mot « apprendre » montre qu’il y aura une progression, cela peut commencer avec des petites choses : une prise de conscience, une réflexion, une envie de changer. Esaïe invite ensuite à « rechercher la justice » comme s’il était difficile d’en trouver dans notre monde. Cela peut se décliner par « mettre au pas l’exacteur » c’est-à-dire contraindre les personnes en position d’autorité à faire leur devoir. C’est aussi « faire droit à l’orphelin et prendre la défense de la veuve », des personnes qui sont souvent mentionnées dans la Bible pour représenter les plus vulnérables de la société. Dieu nous appelle donc à prendre soin des plus pauvres et des plus faibles. Et qui de mieux que Jésus comme exemple ?
À la fin du passage, Dieu donne son verdict. Esaïe est clair : le peuple de Juda sera jugé selon ses actes. Mais le jugement prend une tournure inattendue : « Si vos péchés sont comme l’écarlate, ils deviendront blancs comme la neige. S’ils sont rouges comme le vermillon, ils deviendront comme de la laine » (v.18). Dieu dit que l’écarlate, le vermillon qui sont rouges deviendront blancs comme la neige et la laine le sont naturellement. C’est une promesse d’espoir : Dieu ne traitera pas juste les symptômes du mal mais il changera la nature de son peuple, il les transformera de l’intérieur. Le grand juge propose l’absolution totale. Même dans le jugement de Dieu, la grâce transparaît.
Même dans le jugement de Dieu, la grâce transparaît.
Quelques siècles après les paroles d’Esaïe, Dieu a montré concrètement quelle est sa volonté en la personne et la vie de Jésus. Il a manifesté sa grâce en envoyant Jésus mourir et porter sur la croix toutes les injustices de notre monde. Grâce à son seul sacrifice, Dieu nous voit aujourd’hui comme purs et justes.
Aujourd’hui, le peuple de Dieu – l’Église – est invité à rechercher la justice dans son environnement. C’est le message de Matthieu 25 où Jésus s’associe à la souffrance des personnes dans le besoin. Jésus est proche de ceux qui souffrent à tel point qu’il nous dit : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ! » (v.40). Derrière le mendiant dans la rue à qui on ne dit plus bonjour, derrière la mamie qui se sent seule et abandonnée, derrière la femme battue du voisin, il y a le visage de Jésus qui souffre. Le bien qu’on fait pour notre prochain, c’est comme si on le faisait à Dieu lui-même. Quel bel appel à la solidarité et à une justice centrée sur Jésus et motivée par lui !
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