Jésus critique régulièrement la foi de ses disciples. Comme il nous arrive de critiquer notre propre foi… ou celle des autres. L’histoire de Matthieu 17 en est un bel exemple. Mais quel est le problème de la foi des disciples ?
Jésus et ses disciples passent de l’isolement de la haute montagne (17.1) à la foule, de la gloire de la transfiguration à la tragique réalité de la condition humaine.
De la foule, un homme sort et s’approche de Jésus. Il invoque sa pitié non pas pour lui-même mais pour son fils. L’enfant est classiquement qualifié de « lunatique » (car le mot grec renvoie à la lune, qui serait à l’origine du mal) ; il est aujourd’hui rapproché de l’épilepsie sur la base des symptômes présentés. Ce mal amène l’enfant à se faire du mal à lui-même. On est bien loin du Christ au visage resplendissant de la transfiguration. On est face au visage de la souffrance humaine, celle d’un garçon et celle d’un père pour son fils, une souffrance absurde, et destructrice.
La demande du père va permettre de faire le point sur la situation des disciples, dont les hauts et les bas s’enchaînent : où en sont-ils ? Qu’ont-ils compris ? Dans ce récit, les disciples sont placés face à leur incapacité. Avant l’arrivée de Jésus, ils n’ont pas pu répondre à la demande du père de l’enfant malade. Ce constat suscite chez Jésus une réaction vive : « Gens incrédules et infidèles à Dieu ! Jusqu’à quand devrai-je encore vous supporter ? » (v.17).
Dans un sens, l’enchaînement paraît logique : le père a présenté une demande légitime ; les disciples n’ont pas été capables d’y répondre ; Jésus pointe leur absence de foi. Mais à bien y regarder, une question se pose. Amener quelqu’un à Jésus est une démarche évangélique, mais c’est aux disciples que l’enfant est amené, ce qui est sans précédent. Les disciples étaient-ils sensés remplacer Jésus en son absence ? Si la critique de Jésus oblige à dire que les disciples n’ont pas été à la hauteur, il n’est pas si simple de dire ce qu’ils auraient dû faire.
Le lecteur de Matthieu constate trois choses :
Les disciples ne sont pas faits pour être indépendants de Jésus.
Ce que Jésus reproche aux disciples pourrait donc ne pas être ce qui paraît : non pas : « vous n’avez pas été capables de guérir cet enfant » ; mais : « vous n’avez pas encore compris qui je suis et ce qu’est un disciple ».
On pourrait faire l’hypothèse suivante : c’est l’environnement humain de l’enfant qui se voit reprocher son absence de foi ; Jésus se trouve face à une génération qui ne répond pas à la détresse de l’enfant par la confiance en la bonté de Dieu, et qui ne le reconnaît pas (lui, Jésus) comme le porteur du salut de Dieu pour les perdus. Les disciples, dans ce contexte, n’ont pas été capables de réorienter la demande du père vers Jésus, qui seul est capable de guérir ; ils n’ont donc pas été ses témoins, porteurs de sa parole de guérison.
Jésus montre alors le regard particulier qu’il porte sur la situation et intervient : le mal de l’enfant est associé à l’action d’un démon, Jésus le rabroue, le démon sort, et l’enfant est immédiatement guéri.
La « petite foi » que Jésus reproche à ses disciples apparaissait déjà en :
Cette foi n’est pas seulement une capacité à faire : elle est d’abord la compréhension de qui est Jésus, de ce qu’il peut faire, et la confiance qui en découle.
Cette foi n’est pas seulement une capacité à faire.
La petite taille proverbiale de la graine donne une idée de la « taille » de la foi des disciples. En résumé, n’importe qui aurait davantage de foi qu’eux… Mais comment comprendre qu’une foi minuscule comme une graine de moutarde – ce que les disciples n’ont même pas eu – puisse produire de tels effets ?
On peut comprendre l’image de deux manières :
Il n’est pas facile de conclure. La foi des disciples est-elle ici trop petite : si elle avait été plus grande ils auraient pu guérir l’enfant ; ou bien est-elle mal orientée : ils ne pouvaient rien faire sans Jésus, mais ils ont cru pouvoir se passer de lui. En faveur de la lecture habituelle : l’étude du texte lui-même ; en faveur de la lecture inhabituelle : la prise en compte de la théologie du Premier évangile dans l’interprétation de l’épisode.
Je penche pour la seconde lecture, même si la première a pour elle le poids de la tradition et des commentateurs. Parce que, pour dire très brièvement la riche théologie de la présence de Dieu ou de Jésus que développe l’évangile de Matthieu, Jésus ne dit jamais : « allez…, et maintenant que votre foi est assez forte, faites le travail sans moi jusqu’à ce que je vienne ! » ; mais il dit : « allez…, je suis avec vous tous les jours [dans l’accomplissement de votre mission], jusqu’à la fin du monde ».
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