Vie chrétienne

“Je crois en la résurrection de la chair” (2)

La Bible affirme que lors du retour de Jésus, Dieu ressuscitera nos corps mortels. Mais qu’est-ce que ça change pour nos vies quotidiennes ? Quels sont les enjeux de cette doctrine pour l’éthique et l’accompagnement pastoral ?

Cet article fait suite à « Je crois en la résurrection de la chair » (1), qui s’attelle à montrer que la Bible pointe bien une résurrection corporelle, et pas une simple immortalité de l’âme humaine.

Consolation dans la maladie

Je crois que la résurrection du corps est une source de consolation lorsque l’on traverse l’épreuve de la maladie, et en particulier lorsque l’on voit la mort s’approcher. Le chrétien malade n’attend pas désespéramment que la mort remporte enfin la victoire contre son corps, afin qu’il en soit libéré. Si c’était le cas, le corps serait perçu comme une simple enveloppe périmée en passe de disparaître. Mais la Bible enseigne au contraire que notre corps est le temple du Saint-Esprit (1 Co 6.19), et que Dieu a un projet de salut pour celui-ci.

Je peux donc dire à Stéphanie qui a un cancer du sein que le Seigneur lui promet une vie pleine et entière sans cancer – non pas une vie sans son corps qui la fait souffrir, mais une vie avec un corps transformé, incorruptible, immortel !

Pour ceux qui sont sensibles au langage informatique : notre espérance n’est pas une immortalité de notre conscience dans le cloud, comme dans le film Transcendance où la conscience du docteur Will Caster (Johnny Depp) est « transférée » sur internet. Non, notre espérance c’est que Dieu nous donnera un hardware bien meilleur pour faire de nouveau fonctionner pleinement notre software.

Une juste vision de la sexualité

La confusion sur la résurrection et le dénigrement du corps ne sont pas des réalités nouvelles. La première épître de Paul aux Corinthiens nous apprend que l’un des membres de l’Église avait pris la deuxième femme de son père. « [U]ne immoralité telle qu’il ne s’en rencontre même pas chez les païens » (1 Co 5.1), commente l’apôtre. Il semble aussi que certains continuaient à fréquenter des prostituées (1 Co 6.16‑17). Et en parallèle, des couples mariés choisissaient de ne plus avoir de relations sexuelles du tout (1 Co 7.1‑5).

Et c’est précisément par un enseignement clair sur la résurrection à venir (1 Co 15) que Paul entend reprendre les chrétiens de Corinthe sur leur éthique actuelle. On voit bien ici que l’eschatologie influence l’éthique, ou que la vie quotidienne est marquée par ce en quoi nous plaçons notre espérance (ou ce en quoi nous ne la plaçons pas). Si vous entrez une mauvaise destination dans votre GPS, vous ne pouvez pas compter prendre les bonnes routes.

C’est pourquoi dès le chapitre 6, Paul mentionne la résurrection à venir pour fonder l’union des Corinthiens au Seigneur, et ainsi leur montrer que l’on ne peut à la fois être uni au Christ et à une prostituée (1 Co 6.12‑20). La résurrection du corps rend impensable à la fois l’immoralité sexuelle et le mépris des réalités corporelles (ascèse).

Si la fréquentation de prostituées est un problème peu répandu dans nos communautés (je l’espère en tout cas !), je soupçonne que l’abstinence sexuelle des couples soit beaucoup plus fréquente. Cette abstinence peut avoir de multiples causes, mais si celle-ci est justifiée par un mépris du corps (comme chez les Corinthiens, et comme je l’ai déjà rencontré), alors il y a un problème théologique qui nécessite accompagnement et enseignement. Notre espérance en la résurrection nous aide à ne pas confondre la notion du corps avec celle du péché.

Le travail

Enfin, et même si le sujet est moins développé par l’apôtre, la résurrection du corps implique aussi toute une éthique du travail. À cet égard, le verset 58 du chapitre 15 de la première lettre aux Corinthiens est significatif. Après avoir proclamé la résurrection et ses modalités, Paul conclut : « C’est pourquoi, mes chers frères et sœurs, soyez fermes, ne vous laissez pas ébranler, travaillez sans relâche pour le Seigneur, sachant que la peine que vous vous donnez au service du Seigneur n’est pas inutile. »

Il ne s’agit pas simplement du ministère au sein de l’Église, mais de tout travail accompli au service du Seigneur. Le chrétien est appelé à vivre toute son activité quotidienne (travail, loisirs, etc.) comme un service pour le Seigneur, comme une manière d’honorer et de louer son Créateur de tout son être, corps et âme.

Déjà au chapitre 3 de la même épître, Paul avait souligné, au travers d’une métaphore, que certaines œuvres humaines conformes au projet de Dieu passeraient le feu du jugement (1 Co 3.10‑15).

Bien sûr, ce n’est pas nous qui bâtissons le royaume de Dieu par nos œuvres présentes. Seul Dieu établit son royaume. Mais puisque l’Esprit du ressuscité vit en nous, et qu’il rendra la vie à nos corps mortels, alors nos œuvres peuvent être des signes et des anticipations du royaume à venir. Quelle joie de pouvoir fonder toutes nos activités sur un tel fondement !

Conclusion

C’est toute notre manière de considérer notre corps actuel et ses activités (sexualité, travail, loisirs, etc.) qui est en jeu derrière la question de la résurrection du corps. Au vu de cette importance, on peut alors se demander pourquoi règne une telle confusion sur le sujet dans nos Églises.

J’y vois deux raisons (il y en a sûrement d’autres). La première, c’est l’influence toujours présente en Occident du platonisme (et le dualisme que cette pensée a engendré). Cette philosophie grecque, qui tire son nom de Platon, enseigne que le monde matériel n’est qu’une ombre d’une réalité idéale (le monde des Idées) qui se trouve bien au-delà. Dans cette perspective, la réalité matérielle n’est qu’une illusion que l’âme doit dépasser pour atteindre les Idées pures. Comme on l’a vu au cours du premier article, la perspective biblique est toute autre.

La deuxième raison est plus récente. La fin du XXe s. a été marquée par des conflits parfois violents autour de l’eschatologie, et du millénium en particulier (Ap 20.1‑10). En réaction, il me semble qu’il s’en ait suivi, peut-être ces deux dernières décennies, un certain désintéressement pour les « choses dernières ». Sans raviver ces conflits, ne faudrait-il pas se saisir tout à nouveau de cette doctrine si fondamentale aux yeux de Paul, et aux conséquences si essentielles pour la vie chrétienne ?

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Thomas est pasteur de la FEEBF à l’Église baptiste de Lyon, et co-auteur du Petit dictionnaire de théologie (avec Clément Blanc). Il est titulaire d'un Master de recherche à la FLTE et il a écrit son mémoire sur la translocalité de l’Église. Crédits photo : Amber Stolk Photography

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