Suite de l’affrontement entre une tour infernale issue d’un projet mégalomane et une tente mobile, richement décorée selon les ordres mêmes de Yahweh… Deux bâtiments, la tour de Babel et le tabernacle, bien connus des lecteurs de l’Ancien Testament. Leur comparaison est particulièrement riche de sens… pour le chrétien personnellement (cf article 1), mais aussi pour l’Église, sujet de ce deuxième article.
À Babel, tout est centré sur l’homme et non sur Dieu qu’elle prétend pourtant atteindre… Je me demande si parfois nos prédications ne sont pas trop axées sur l’homme. On insiste souvent sur les efforts à fournir en tant que chrétiens : il faut prier, il faut lire la Bible, il faut évangéliser. Ce n’est pas faux, mais on met peut-être trop l’accent sur nos efforts, nos actions et pas assez sur l’action de Dieu et sur sa personne, sur son œuvre en Jésus.
De même, je crois que bon nombre de nos écoles du dimanche enseignent la moralité chrétienne et peut être pas assez l’évangile de Jésus-Christ. Il n’y a rien de mal à faire de la morale, ou à parler des efforts et la persévérance que sont amenés à vivre les chrétiens dans leur quotidien, mais ne risque-t-on pas de dériver vers des enseignements « Babel » dans l’Église ?
Je suis aussi interpellé par des témoignages où la personne raconte son vécu, mais finalement évoque assez peu l’œuvre de Jésus. On parle de son parcours, de son expérience, et l’accent est plutôt mis sur soi que sur Jésus-Christ.
On met peut-être trop l’accent sur nos efforts, nos actions et pas assez sur l’action de Dieu et sur sa personne, sur son œuvre en Jésus
Dans le tabernacle, Dieu est au centre du peuple. Tout dans la vie du chrétien n’est que grâce, don : la justice, c’est Lui, la foi, c’est Lui, l’espérance c’est Lui… Jésus-Christ a tout fait, je ne peux que Le reconnaître, Le remercier, L’adorer pour son amour, mais je ne peux rien y ajouter. Nos actes ne sont que la réponse à ce que Dieu est et ce qu’Il fait.
À Babel, les hommes ont voulu s’élever vers le divin. Le culte, la louange, la prière sont souvent perçus comme des accès à la présence de Dieu. Je comprends l’idée, mais la louange est d’abord la proclamation de la grandeur de l’amour de Jésus-Christ. Je veux réaffirmer avec force que c’est Lui qui a fait le chemin vers nous, que c’est Lui qui nous ouvre l’accès au Père. En ce sens, la louange, le chant, le culte ou la prière ne sont pas l’accès. Ils ne sont que célébration de ce que Dieu a fait en Jésus-Christ !
Je m’interroge aussi sur la spontanéité de nos cultes. Nous avons certes une liberté d’accès inégalée en Jésus. Les formes de cultes varient dans le Nouveau Testament. Mais notre spontanéité, que je revendique et que j’apprécie, pourrait bien être un piège quand elle n’est plus nourrie par la Parole de Dieu. Lisez le Lévitique : le culte dans le tabernacle était très codifié. Le tabernacle lui-même est très précisément détaillé. Cela n’interdisait pas la spontanéité, mais la Parole de Dieu était centrale. Or, il y a une manière « existentialiste » de vivre le culte, où tout est basé sur ce que vit le chrétien, sur le soulagement de ses souffrances, l’apaisement de son cœur, l’expression de sa louange… et qui néglige la révélation affirmée par Dieu sur Dieu.
Notre spontanéité, que je revendique et que j’apprécie, pourrait bien être un piège quand elle n’est plus nourrie par la Parole de Dieu
Les textes bibliques, les psaumes, les prières bibliques sont délaissés au profit de phrases spontanées, créées de toutes pièces. Relativement peu d’évangéliques connaissent sans hésitation le Notre Père. Et je ne parle pas du Credo que nous avons en commun avec tous les chrétiens des siècles passés, qui donnait le contenu de la foi. Nous perdons progressivement le contenu de la foi au profit d’un sentiment de joie et de paix… Il n’y a plus grand-chose de solide dans cette foi-là.
Au lieu de reprendre ce que Dieu a révélé, on a construit des petits babels sympathiques, avec un beau décor et des phrases à relents bibliques, mais qui à y regarder de plus près se révèlent être des mensonges qui déforment l’image de Dieu.
Dans l’Ancien Testament, certains Israélites ont inventé de nouvelles pratiques cultuelles en imitant les Cananéens et en créant de nouveaux sanctuaires, et ils ont subi les foudres des reproches de Dieu. Alors qu’au départ, certains, je pense, voulaient vraiment adorer le vrai Dieu, de fait ils n’obéissaient plus à ce que Dieu Lui-même avait établi et mettaient en avant des réalisations humaines. C’est ce que Jésus reprochera aux évangéliques bien pensants de son temps, les pharisiens, qui vont délaisser ce qui est révélé pour ajouter de nouvelles choses plus pertinentes à leurs yeux. Il ne s’agit pas de réciter des versets chaque dimanche, mais je m’interroge sur la manière dont nous délaissons parfois ce que la Bible nous communique. Le culte spontané débouche très rapidement sur le culte de l’homme, car c’est lui qui est mis en valeur. C’est l’homme qui est l’initiateur du projet ; c’est donc lui qui doit être loué[1].
Le culte spontané débouche très rapidement sur le culte de l’homme, car c’est lui qui est mis en valeur
Les évangéliques insistent sur la liberté qu’offre le Christ, notamment dans la manière de s’approcher de Lui, en réaction à d’autres pratiques. C’est justifié, mais n’allons-nous pas dans l’autre extrême ? Je constate que la connaissance biblique qui animait Jésus, Paul, Pierre et tous les autres leur permettait une spontanéité juste et fiable.
C’est avec le texte révélé que Jésus a répondu à Satan.
C’est avec le texte révélé que Jésus a enseigné dans les synagogues.
C’est avec le texte révélé que Jésus a démontré qu’Il était le Fils de Dieu.
C’est avec le texte révélé que nous pouvons découvrir pleinement qui est Jésus-Christ.
Je plaide pour une spontanéité nourrie.
Alors qu’à Babel, les hommes ont décidé de construire de toute pièce leur bâtiment, cherchant leur gloire, dans le tabernacle les hommes ont suivi les indications de Dieu, sans se détourner ni à gauche, ni à droite, afin de glorifier Dieu. Pour prolonger la réflexion, je vous invite à considérer le texte de 2 Samuel 6, où David s’y prend à deux fois pour transporter l’arche de l’alliance. Il pourrait y avoir là un prolongement intéressant.
[1] Banon D., Derhy D., La tour et le tabernacle, éd. Bayard, p.79
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