Vie chrétienne

L’accompagnement des célibataires

Le célibat : une belle chose ?

Le couple et le mariage sont une belle et bonne chose ! Mais le célibat aussi est une belle et bonne chose : c’est ce que je prétends démontrer ici. Malheureusement, nous avons tendance à l’oublier dans nos Églises, et cela peut créer une souffrance pour les célibataires qui ne se sentent pas reconnus à part égale avec les couples.

Il faut dire que, dans la société, le « summum » d’une vie réussie reste, malgré tout, de se marier et d’avoir des enfants. D’ailleurs, même les personnes homosexuelles réclament le droit au mariage et à la parentalité. Et pour une femme, quoiqu’en dise le féminisme, l’épanouissement et l’identité viennent en grande partie du fait d’être épouse et mère. En étant marié et parent, on acquière un certain statut social que les célibataires n’ont pas.

Le célibat dans les Églises

Mais n’en est-il pas un peu de même dans nos Églises ? N’en sommes-nous pas trop restés à l’ancienne alliance, où la bénédiction suprême est de « devenir une seule chair » et d’avoir le carquois rempli de flèches (Psaumes 127.4-5) ? Nous valorisons le mariage, nous le fêtons, nous présentons les enfants au Seigneur et nous réjouissons… Et tout cela est bon et voulu de Dieu. Mais qu’en est-il des célibataires ?

Pourtant, le Nouveau Testament valorise le célibat et le présente comme une vocation à part entière, à côté de la vocation du couple, voire nous lance le défi de choisir de rester célibataire pour se consacrer au royaume de Dieu.

Ancienne alliance et nouvelle alliance

Il faut faire une distinction nette à ce sujet entre la réalité de l’ancienne alliance et celle de la nouvelle alliance, entre la première création et la nouvelle création inaugurée en Jésus-Christ par l’Esprit. Dans l’ancienne alliance, « la » voie est celle du mariage et de la procréation (Genèse 1-2). Le mariage et la descendance permettent d’assurer la perpétuation du nom de la famille, ce qui est d’une importance particulière.

Et la descendance est aussi indispensable dans l’histoire du salut en vertu de l’attente du Messie, qui devait venir selon la chair, de la lignée de David. L’Israélite privé de couple ou d’enfants le vit comme une malédiction et se sent exclu. Pourtant, dès l’ancienne alliance, on trouve une promesse faite aux eunuques, en Ésaïe 56.3-5 :

L’eunuque […] n’aura pas à penser : « Je suis un arbre sec ! » Car voici ce que l’Éternel déclare : À ceux qui sont eunuques, qui respecteront les sabbats que j’ai prescrits, qui choisiront de faire ce qui m’est agréable, et qui s’attacheront à mon alliance, je réserverai dans ma Maison et dans mes murs une stèle et un nom qui vaudront mieux pour eux que des fils et des filles ; je leur accorderai un nom impérissable qui ne sera jamais rayé.

Dans le Nouveau Testament

Mais c’est avec la venue de Jésus-Christ et l’inauguration de la nouvelle création que les choses changent pour les célibataires. Tout d’abord, la priorité n’est plus la fécondité biologique mais la fécondité spirituelle. Il ne s’agit plus tant de se multiplier et de remplir la terre que de faire des nations des disciples (Matthieu 28.18-20).

Le mandat missionnaire n’annule pas le mandat créationnel mais il a désormais priorité. Voilà une bonne nouvelle pour les célibataires : oui ils peuvent porter du fruit et être fécond malgré leur célibat. Ensuite, en Jésus-Christ, nous avons la promesse de la vie éternelle : plus besoin de se soucier de perpétuer son nom de génération en génération, nous vivrons éternellement !

Le mandat missionnaire n’annule pas le mandat créationnel mais il a désormais priorité.

Par ailleurs, la nouvelle alliance nous invite à vivre déjà selon notre espérance. Or dans les nouveaux cieux et la nouvelle terre, il ne sera plus question de mariage, nous vivrons en frères et sœurs, devant le Père céleste (Marc 11.25). Ainsi, les célibataires se préparent déjà pour la vie dans l’éternité ! Barry Danilak propose ainsi de considérer le célibat comme le signe du royaume qui vient. Enfin, dans la nouvelle alliance, notre identité est en Christ, elle est d’être les enfants bien-aimés du Père céleste. Peu importe d’être marié, parent… Ce n’est plus cela qui définit notre identité.

La priorité du royaume

Surtout, dans la nouvelle alliance, la priorité est le royaume de Dieu. C’est cette raison qui pousse Jésus à inviter qui veut l’entendre à se faire eunuque pour le royaume de Dieu (Matthieu 19.10-12). C’est aussi ce qui pousse l’apôtre Paul à souhaiter que tous soient célibataires comme lui, en 1 Corinthiens 7.7, et peut-être même à privilégier le célibat (7.8-9, 25-28, 32-34).

Voilà de quoi encourager les célibataires : par leur célibat, ils peuvent se consacrer à Dieu et à son service ! Oui le célibat est une belle et bonne chose. Une des conclusions que je tire de ces textes, c’est que si nous valorisions davantage le célibat dans nos Églises, il y aurait peut-être moins de souffrances chez les célibataires. Ce ne serait peut-être plus : « oh la(le) pauvre il (elle) est seul(e) », mais « béni est-elle(il) il(elle) de pouvoir se consacrer entièrement au Seigneur ! ».

De même que le mariage a la haute vocation de témoigner de l’alliance entre le Christ et l’Église, le célibat a la haute vocation de témoigner de la suffisance de l’amour du Christ. Oui je peux être un homme, une femme épanoui(e) tout en étant célibataire, sans vie sexuelle et sans enfants, car l’amour du Christ est tel qu’il me comble et me suffit. Quel témoignage auprès des non chrétiens qui n’envisagent pas la vie sans sexualité ! Quel témoignage auprès des personnes homosexuelles à qui l’on ne peut proposer, faute de changement d’orientation sexuelle, que le célibat !

Le célibat a la haute vocation de témoigner de la suffisance de l’amour du Christ.

Cela étant dit, comme le couple, le célibat n’est pas sans défi. Et le plus grand défi est celui de la solitude. Le Seigneur ne dit-il pas qu’il n’est pas bon que l’homme soit seul ? Comment accompagner cette souffrance des célibataires ?

Le rôle de la communauté

Le Seigneur sait à quel point nous avons besoin de relations. Il nous a créés comme êtres relationnels. C’est pourquoi il ne nous laisse pas seuls. En Jésus-Christ, il nous donne une famille spirituelle, une communauté à laquelle appartenir : l’Église. Je crois fermement au rôle que peut jouer la communauté chrétienne dans le soutien des célibataires qui souffrent de solitude.

Concrètement, l’Église, c’est autant de familles et de couples qui peuvent ouvrir leur porte aux célibataires, leur offrir un moment de partage autour d’un repas, leur donner pourquoi pas quelques jours de repos dans leur maison, etc. L’Église, c’est le lieu où les célibataires peuvent trouver amour et soutien. Je crois qu’une des premières choses dont a besoin le célibataire qui souffre de solitude, c’est de trouver une oreille compréhensive. Pas tant qu’on lui dise maladroitement : « Tu sais la vie de couple c’est compliqué aussi ! » mais plutôt « Je comprends ta souffrance. Viens manger à la maison demain ».

Mais les célibataires peuvent être aussi ceux qui ont le temps d’ouvrir leur maison et d’accueillir. « Accueillez-vous mutuellement les uns les autres », nous encourage Romains 15.7. L’Église est ce lieu où le célibataire peut se mettre au service, trouver sa place, se rendre utile aux autres. L’Église est ce lieu où nous pouvons nous encourager mutuellement dans notre vocation individuelle. En somme, l’Église peut être ce havre de paix et de ressourcement pour tous. Mais il restera toujours ce chemin personnel que le célibataire doit faire, cette démarche spirituelle d’accepter avec reconnaissance la condition que lui donne le Seigneur, cette recherche de la présence du Seigneur dans son quotidien pour remplir son cœur d’amour, cette confiance en Dieu qui l’aime et connaît ses besoins les plus profonds. Cette démarche peut rendre du temps. Mais au bout du chemin il y a sûrement la bénédiction du Seigneur.

 

Pour aller plus loin

Voir le très intéressant Barry Danilak, Le célibat réhabilité. Signe du royaume qui vient, Excelsis, 2012.

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Marjorie Legendre est pasteur de l'Eglise protestante évangélique de Gennevilliers et professeure assistante d'éthique à la FLTE.

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