Quand on voit des photos « Avant / Après » sur internet ou sur les pages des magazines, une amélioration est souvent évidente, si bien que l’on est amené à se poser des questions du type : « Mais comment cet homme a-t-il réussi à perdre autant de poids ? » Mais parfois, comme en temps de guerre (recherchez « marché d’Alep » sur internet), c’est la détérioration qui est mise en avant, et on se pose alors le même type de question, mais en sens inverse : « Comment cette ville a-t-elle pu en arriver à une telle déchéance ? ».
En Lamentations 4, toutes les images présentes sont des images de détériorations, de déchéance. Pratiquement chaque verset présente des images avant / après, affligeantes. Et ce qui est le plus lamentable, bien sûr, c’est de se souvenir de l’avant.
Ce ton, ce sentiment de tristesse extrême, de regret et surtout de stupéfaction, c’est aussi ce que l’on trouve en Lamentations 4 :
La stupéfaction qui domine : Mais que s’est-il passé pour que nous en arrivions là ? Le verset 12 en particulier montre combien tout le monde – les nations y compris – était sous le choc à la vue de la belle Jérusalem dévastée :
Les rois de la terre ni personne au monde n’auraient pu croire que l’ennemi vainqueur entrerait un jour par les portes de Jérusalem.
Lamentations 4.12
Ce qui est particulièrement intéressant dans ce chapitre est qu’il ne fait pas que décrire la stupéfaction, mais qu’il analyse aussi ce qu’il s’est passé, les erreurs du peuple, pour qu’il en arrive là. Ce regard honnête et sans concession sur ce qui a conduit le peuple à sa perte s’accompagne aussi de conseils et d’avertissements très utiles pour nous lecteurs, aujourd’hui encore. Pour nos propres vies chrétiennes, comme pour nos vies communautaires : saurons-nous éviter les mêmes erreurs ? Saurons-nous écouter ? Saurons-nous nous remettre en question pour ne pas tomber si bas ?
La première chose que le texte fait bien ressortir (voir v. 1-12), c’est la nonchalance de tout ce peuple. Avant, tout allait bien, il ne fallait pas s’en faire… Israël était un peu comme cet homme qui tombe d’un immeuble et qui dit, quelques mètres avant de toucher le sol : « Jusque-là, tout va bien ! ». Israël était riche et respecté, le pays était en paix, Dieu bénissait et protégeait… De plus, la ville avait la réputation d’être imprenable. Mais, dormant sur ses deux oreilles, elle est tombée de haut…
Ce n’est pourtant pas faute de les avoir mis en garde : les Écritures, et de nombreux prophètes, n’avaient eu de cesse de les avertir contre leur mode de vie et contre leur spiritualité nonchalante. Contre l’oisiveté, alors que le peuple devait être en mission. Contre l’injustice rampante et cette façon si abjecte de fermer les yeux sur le péché.
Et nous ? Ne serions-nous pas insensés de penser que nous pourrions éviter le même piège ? En tant que chrétiens, nous sommes entrés dans une relation d’alliance avec notre Dieu par Jésus-Christ, et nous pourrions facilement nous penser « en sécurité », nous convainquant nous-mêmes que, quand bien même nous ferions n’importe quoi de nos vies, Dieu n’interviendrait jamais pour nous reprendre ou nous juger… Or, quand on présume de Dieu, on tombe souvent très bas. Se savoir aimés et précieux (comme Israël l’était lui aussi), ne nous donne pas le droit de devenir des princes et des princesses, des enfants gâtés qui se croient tout permis. Non, Dieu veut que nous restions un peuple éveillé, vigilant, un peuple à l’écoute, attentif à sa parole. Un peuple qui prend son statut et sa mission de peuple de Dieu au sérieux (voir Hé 6.1-12). Il y a bien plus de repos, bien plus de paix et de joie dans une vie au service de Dieu que dans une vie au service de soi. Il y a bien plus de joie à honorer et adorer Dieu dans tous les aspects de nos vies, que de faire comme s’il n’existait pas.
Lamentations 4, particulièrement aux versets 12 à 16, montre également que le peuple s’est fourvoyé à cause de mauvais leaders. Notre texte est très virulent à l’encontre des responsables spirituels du peuple. Au verset 13, par exemple :
Ce désastre est dû aux fautes des prophètes et aux crimes des prêtres, qui ont répandu dans la ville le sang des vrais fidèles.
Lamentations 4.13
Pour l’auteur, ces responsables spirituels sont donc coupables de l’endormissement de l’ensemble du peuple. Et ils ont donc leur sang sur les mains. Ils n’ont pas fait leur travail. Ils n’ont pas enseigné la Parole, toute la Parole de Dieu. Ils n’ont pas écouté les prophètes mais les ont mis à mort pour les faire taire. Ils n’ont pas relayé auprès du peuple cette Parole qui venait de Dieu. Et plus encore, ils ont eux-mêmes participé à la décadence du peuple. Ils ont approuvé, ils ont pratiqué le mal…
Certes, il peut paraître dur de poser la culpabilité de tout un peuple simplement sur les épaules de ces responsables religieux, spirituels. Mais la Bible n’a de cesse, là encore, de montrer combien le privilège qui est offert à ces responsables de conduire le peuple de Dieu est aussi une immense responsabilité, une charge à prendre au sérieux – non seulement par eux, mais par tout le peuple avec eux. Jacques, par exemple, a dit en 3.1 : « Mes frères, qu’il n’y ait pas parmi vous un grand nombre de personnes qui se mettent à enseigner, car vous savez que nous serons jugés plus sévèrement ».
Faudrait-il, dès lors, être méfiant à l’égard des responsables spirituels de l’Église (les pasteurs, les conseillers) ? Au contraire, même en sachant que les leaders peuvent errer et se tromper, c’est au respect des responsables de l’Église que tous sont encouragés. Si ceux-ci sont placés là, ce n’est certainement pas pour qu’on ne leur fasse pas confiance et qu’on ne les écoute pas. Par contre, il est de la plus haute importance de prier pour eux, de les porter, de les encourager à demeurer fidèles dans leur enseignement et leur conduite de l’Église. De prier pour qu’ils soient protégés du mal et du découragement. De tout mettre en œuvre pour qu’ils puissent exercer leur ministère parmi vous dans de bonnes conditions (voir Hé 13.17 ; 1 Th 5.12-13).
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