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Le président Rock ‘n’ Roll : une histoire de foi et de musique

Arte propose sur son site, et jusqu’au 18 juin 2021, un passionnant documentaire intitulé Jimmy Carter – le président Rock’n Roll. On connaissait son engagement spirituel, comme chrétien protestant et prédicateur laïc à l’Église Maranatha Baptist Church de Plains en Géorgie. On y découvre ici sa passion pour la musique et comment elle a influencé sa démarche et sa carrière politique. Dans ces quatre-vingt-douze minutes faites d’interviews, d’archives, d’extraits de concerts et d’anecdotes, on apprend notamment comment le musicien Bob Dylan et Jimmy Carter se sont rencontrés. Ce sont d’ailleurs avec des paroles du prix Nobel de littérature 2016 que le prix Nobel de la paix 2002 ouvre le film, extrait d’un discours en 1976 à New York, exprimant que l’Amérique est en train de naître et non de mourir.

Bob Dylan ne savait pas à quoi s’attendre. Il venait d’accepter une invitation à rendre visite au futur président américain Jimmy Carter, dans sa résidence même de Gouverneur de Géorgie à Atlanta après l’un des concerts de Dylan dans la ville. C’était quatre ans avant que Carter ne s’installe à la Maison Blanche en 1977. Dylan ne savait pas que le gouverneur américain était un grand fan de sa musique, et il a été étonné d’entendre l’homme politique lui réciter ses propres textes.Quand j’étais gouverneur, nous avions trois fils en âge d’aller à l’université, nous étions donc immergés dans l’univers de Bob Dylan, qui était un héros pour mes enfants“, déclare Jimmy Carter dans le documentaire à voir sur Arte. Dylan est donc venu avec son groupe.

Dylan ne m’a interrogé que sur ma foi chrétienne. Ce qu’elle signifiait pour moi et quels en étaient les principes essentiels à mes yeux.

C’était une époque où l’artiste était en plein questionnement et cheminement spirituel. Et lors d’une conversation privée dans le jardin, Carter raconte : “Dylan ne m’a interrogé que sur ma foi chrétienne. Ce qu’elle signifiait pour moi et quels en étaient les principes essentiels à mes yeux.

Un homme de foi

Ces questionnements ne sont évidemment pas surprenants. Car, il n’est pas exagéré de dire que la dimension spirituelle est un élément fondamental, lié à la personne même de Jimmy Carter. Un homme de foi, au point que Faith devient le titre de l’un de ses ouvrages, sorti en 2018. Il y examine comment la foi l’a soutenu dans le bonheur et la déception et comment nous pouvons la trouver dans nos propres vies. Le président Carter partage dans ce livre les leçons qu’il a apprises. Il écrit :

La question de la foi se pose dans presque tous les domaines de l’existence humaine, il est donc important de comprendre ses multiples significations. Dans ce livre, mon objectif principal est d’explorer la signification plus large de la foi, son effet de grande portée sur nos vies, et sa relation avec les événements passés, présents et futurs en Amérique et dans le monde. Les aspects religieux de la foi sont également abordés, puisque c’est ainsi que le mot est le plus souvent utilisé. Et j’ai inclus une description de la manière dont ma foi m’a guidé et soutenu, ainsi que de la manière dont elle m’a mis au défi et poussé à rechercher une relation plus étroite et meilleure avec les gens et avec Dieu.

Car, pour lui, la foi est relationnelle : “Jésus-Christ n’est pas un objet à vénérer, mais une personne et un compagnon constant“, écrit-il. Grâce à ce lien avec Dieu qu’il entretient, Carter se sent connu, compris et aimé. Et cette relation d’amour avec Dieu a offert à l’ancien président américain un “agréable sentiment de responsabilité” à partager cet amour avec les autres, y compris dans son travail en faveur des droits de l’homme dans lequel il s’est engagé avec force.

Ces aspects ressortent aussi dans le documentaire même si l’angle choisi est ailleurs : dans son rapport à la musique et aux artistes. Et c’est donc par le biais du gospel, de son implication contre le racisme et de certains choix politiques que cette dimension verticale de l’homme avec son Dieu apparait malgré tout. Alors rien d’étonnant qu’une discussion sur la foi chrétienne entre Dylan et Carter, puisse avoir lieu dans le jardin de la résidence du Gouverneur de Géorgie. Elle répond naturellement aux questionnements d’un homme et au goût d’un autre à partager sur ses convictions.

Dans le film, Dylan rappelle lui aussi sa version des faits, en disant : “La première fois que j’ai rencontré Jimmy, il a commencé par me citer mes paroles. C’était la première fois que je me rendais compte que mes chansons avaient atteint le monde de l’establishment. C’était nouveau pour moi et ça m’a un peu perturbé.” Mais il ajoute : “Il a su me mettre à l’aise. Il n’était pas condescendant et manifestait un amour sincère pour les chansons que j’avais écrites.

Musique à la Maison Blanche

Il faut dire qu’ensuite ce fut du jamais-vu à la Maison Blanche. Avec Jimmy Carter, la musique résonnait véritablement des bureaux. Et pas seulement par les haut-parleurs des radios mais avec des musiciens qui débarquaient parfois sans rendez-vous, juste pour le plaisir de discuter avec le nouveau locataire des lieux. Une ouverture sans barrière de style… rock, jazz, country, classique… De Johnny Cash à Vladimir Horowitz, avec Willie Nelson ou Diana Ross, Paul Simon, Aretha Franklin ou Nile Rodgers. Du haut de gamme pour un président plus rock’n’roll que ne laissait présager son allure de bon gars souriant du Sud profond. Ce qui différencie le trente-neuvième président des États-Unis de ses prédécesseurs, se situe sans doute là, dans sa culture musicale époustouflante et le plaisir sincère qu’il éprouve à fréquenter des musiciens.

Autrice notamment d’un documentaire consacré à Joan Baez (récompensé d’un Emmy Award), la réalisatrice Mary Wharton analyse dans ce film, à l’aide de très nombreuses images d’archives, de photos et de témoignages, les relations fécondes entre l’ancien président et des musiciens venus d’horizons divers. Elle a également révélé que la musique de Willie Nelson avait aidé Carter à traverser les deux années de crise des otages iraniens, qui ont joué un rôle dans la fin de sa présidence en 1981.

Il a réussi à s’en sortir en écoutant un disque de gospel de Willie Nelson.

C’était évidemment le défi le plus difficile qu’il n’ait jamais eu à relever“, a-t-elle déclaré. “Et il a réussi à s’en sortir en écoutant un disque de gospel de Willie Nelson. Même ses conseillers ne le savaient pas […] Il y avait un lien musical avec la façon dont il a réussi à traverser cette crise. Avec tant de grâce et d’humilité et la capacité de faire des choix difficiles pour s’assurer que ces cinquante-deux otages américains rentrent chez eux vivants.” Wharton a ajouté : “Carter s’est attaché au fait que ces artistes sont des diseurs de vérité, et je pense que c’est l’une des choses pour lesquelles Carter a toujours été connu. Il se tenait fermement derrière la vérité. Il a dit la vérité à l’Amérique même quand elle ne voulait pas l’entendre.

Un formidable documentaire à ne pas manquer, toujours disponible sur le site Arte.fr. Un voyage pas comme les autres au cœur du pouvoir américain, de son histoire mais également de la musique et de la foi.

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Jean-Luc Gadreau est artiste, musicien et chanteur depuis le milieu des années 80. Membre du Jury œcuménique international du Cinéma au Festival de Cannes en 2012 et au Festival de Berlin en 2013, il est depuis l‘attaché de presse de ce jury chaque année à Cannes. Critique cinéma pour le portail Regardsprotestants.com, Jean-Luc est aussi pasteur de la Fédération des Églises Évangéliques Baptistes de France. Il en est aujourd’hui son chargé du développement et de la communication.

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