Le mot grec parabolè a un sens assez large et tous les récits (certains sont très développés) et paroles (certaines sont très brèves) habituellement appelés « paraboles » ne peuvent pas être lus de la même façon. Plusieurs classifications des « paraboles » ont été proposées, dont celle-ci (mais les catégories 2 et 3 ont des recoupements et la 1 pourrait être subdivisée) :
(1) il y a les paroles énigmatiques et les comparaisons ou images qui mettent en mot une situation de la vie quotidienne à l’appui d’une idée, par exemple « médecin, guéris-toi toi-même » (Luc 4.23) ; ou : « Que l’exemple du figuier vous serve d’enseignement… » (Matthieu 24.32) ;
(2) il y a les paraboles proprement dites (des récits mettant en scène une situation particulière et un ou plusieurs personnages) : par exemple la parabole du roi et des deux débiteurs, en Matthieu 18.23-35, qui est un récit assez développé ;
(3) il y a les récits exemplaires qui proposent des exemples de comportement à suivre, par exemple la parabole du bon Samaritain.
Les paraboles de Jésus, malgré leur originalité, peuvent assez naturellement être mises en rapport avec les écrits de l’Ancien Testament ou avec les écrits juifs contemporains. Les prophètes bibliques utilisaient des paraboles (2 Samuel 12.1-7 ; Ésaïe 5.1-7), avec d’ailleurs des images proches de celles de Jésus, comme la vigne et le vigneron, le berger et la brebis.
Il en est de même des auteurs « intertestamentaires » (voir le Testament de Job 18.6-7) et des écrits rabbiniques (qui sont plus tardifs), ce qui donne à penser que Jésus et les rabbis de son époque se sont inspirés (en les adaptant) des techniques d’enseignement de leur temps.
Du côté du monde gréco-romain, les points de contacts sont moins convaincants, mais on peut quand même mentionner les brèves comparaisons d’Aristote, les illustrations et paroles énigmatiques des orateurs, et même les fables morales (d’Ésope, par exemple).
Comme pour nous, les paraboles de Jésus ne devaient donc pas sonner aux oreilles de leurs auditeurs comme quelque chose de totalement nouveau. Elles se situent dans la tradition prophétique et sapientiale juive, tout en la modifiant significativement à certains moments de façon à proposer une vision nouvelle de Dieu, d’Israël et du Royaume.
Les paraboles de Jésus ne peuvent pas être considérées simplement comme des outils rhétoriques au service d’un discours. À coup sûr, certaines paraboles entrent dans cette catégorie, notamment parmi les moins développées : elles ressemblent aux images ou comparaison qu’on utilise dans les prédications. Et d’autres permettent d’aborder une question de manière indirecte, permettant qu’il y ait écoute là où la vérité brute aurait fait blocage. Mais une parabole comme celle, déjà citée, de Matthieu 18.23-35, est aussi un texte qui vise à produire quelque chose, à susciter un changement chez l’auditeur ou le lecteur, dans sa façon de concevoir la réalité.
Certaines paraboles, de ce point de vue, sont des récits dont le déroulement provoque un choc entre deux conceptions de la réalité et qui peuvent ouvrir au lecteur de nouvelles perspectives. Selon cette approche, la parabole est un « événement » en elle-même. Et ce sont les éléments inattendus, extraordinaires ou paradoxaux de la parabole qui déclenchent ce choc.
Certaines paraboles sont des récits dont le déroulement provoque un choc entre deux conceptions de la réalité.
Qu’est-ce que cela veut dire ? Les paraboles fournissent des données qui permettent de mieux comprendre Dieu ou de mieux comprendre le monde ou la mission de Jésus, mais elles attaquent aussi parfois subrepticement les idées familières sur la base desquelles l’auditeur/lecteur vit son rapport à Dieu.
Ces paraboles, donc, informent l’auditeur et lui donnent à penser, tout en touchant son cœur et en produisant un changement de conception. Elles démarrent avec le monde connu du lecteur, jusqu’au moment où elles lui font voir un monde différent et l’encouragent à adopter cette nouvelle vision du monde. La parabole de Matthieu 18 part du fonctionnement du monde gréco-romain (d’autres partent du fonctionnement de la société rurale environnante) : un roi et ses serviteurs. Les disciples connaissent bien ce modèle (voir Matthieu 20.25 : « vous savez ce qui se passe dans les nations… ») ; même si l’on est en contexte rural, on connaît le fonctionnement des royaumes païens. Sauf qu’à un moment donné, l’histoire connue prend un tournant inattendu : le roi remet une énorme dette.
Que produisent en résumé ces paraboles de Jésus ?
(1) Les paraboles suscitent la discussion, le débat, elles stimulent la réflexion ; elles amènent l’auditeur ou le lecteur à se demander par exemple comment Dieu gouvernerait le monde s’il se tenait à la place de ce roi à qui l’un de ses serviteurs doit beaucoup d’argent.
(2) Mais certaines paraboles produisent aussi un choc, entre le monde de l’auditeur, dont elles reprennent les données de bases, et le monde de Jésus, c’est-à-dire le Royaume. Ce choc de conception, qui fait basculer de la réalité des royaumes du monde à la réalité du royaume de Dieu, éveille l’auditeur à une nouvelle façon de voir et le poussent à la décision et à l’action. La décision est ensuite entre les mains des auditeurs, qui peuvent accepter ou refuser l’appel de Jésus, ce qui fait qu’ils peuvent « regarder sans voir » (Matthieu 13.13).
Ce choc de conception éveille l’auditeur à une nouvelle façon de voir.
Reste la question de l’interprétation des paraboles, qui soulève de très intéressantes questions… En plus du type de parabole que l’on cherche à lire, le contexte dans lequel elle apparaît est également à prendre en compte. Le livre et l’article cités ci-dessous fournissent à ce propos des éléments très utiles.
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