Notre amour pour l’Ancien Testament, s’apparente, bien souvent, au devoir entre deux époux, dont le mariage se résumerait à un respect sacré de l’alliance. Si nous aimons le canon juif, n’est-ce pas tout d’abord par devoir, par principe ? Nous croyons en l’inspiration des Écritures tout de même… Ne cherchons-nous pas, à notre avantage, des qualités et intérêts à ses récits, comme on en chercherait chez la femme dont nous devrions, de toute manière, partager la couche jusqu’à la fin de nos jours ? Et chacun s’y retrouve : la Genèse plaira, en général, aux enfants ; la Loi, aux parents ; les Psaumes au plus pieux et les prophéties, aux érudits. Tout n’est qu’affaire de goût. Cette attitude – que je caricature sans doute – n’est certes pas sans valeur, mais nous en conviendrons, quelque chose d’essentiel doit probablement nous échapper.
L’objet principal de l’Ancien Testament, de ses oracles et de ses récits, était d’annoncer la Nouvelle Alliance et son médiateur, Jésus-Christ. Les Juifs l’attendent encore, avec enjeu et suspens, mais nous chrétiens, savons qu’il est déjà venu. En définitive, le malaise est évident : à quoi l’Ancien Testament nous sert-il, dès lors que nous avons déjà bel et bien reconnu le Messie ? À quoi sert l’annonce d’un évènement, quand celui-ci a déjà eu lieu ? Qui irait regarder une bande-annonce, après avoir visionné le film ? Voilà, ce que tend à être l’Ancien Testament, pour la majorité d’entre nous : une bande-annonce désuète.
La Parole nous révèle pourtant l’inverse : si « les oracles de Dieu » ont d’abord été confiés aux Juifs (Rm 3.2), si les alliances, la loi, le culte, les promesses leurs appartiennent (Rm 9.4), nous – qui croyons en Jésus – en sommes les véritables bénéficiaires. Car, comme l’affirme Pierre dans sa Première Épître, c’est principalement pour nous et non pour eux, que les prophètes ont travaillé. La grâce qu’ils annonçaient, ainsi que le salut qu’ils recherchaient, nous concernaient (1 P 1.10). Comment se fait-il donc que nous ayons tant de peine à le lire et à le comprendre vraiment ?
Tout comme les juifs, lorsque nous lisons l’Ancien Testament, c’est essentiellement dans le but d’y retrouver ce qui décrit le Messie. À la simple différence, que nous avons déjà rencontré le Christ, l’incarnation des prophéties. D’une certaine manière, nous continuons de chercher dans l’Écriture, ce que nous avons déjà trouvé. Cette lecture de l’Ancien Testament s’apparente assez bien, à une sorte de : « où est Charlie ? » visant à déceler, coûte que coûte, Jésus, dans un mot, un geste, un personnage du canon juif. Les plus doués et les plus « illuminés » trouvent des typologies partout, ceux qui le sont moins se découragent. Bref, au-delà de la stimulation que peut représenter une telle recherche pour un exégète, cette méthode d’interprétation de l’Ancien Testament est bien pauvre. Paul Wells, dans son ouvrage De la croix à l’Évangile de la croix, l’affirme : « nous ne comprenons pas le sacrifice de la croix au travers de l’économie de l’Ancien Testament : c’est l’inverse. […] En un sens, regarder les choses selon l’ordre chronologique revient à les interpréter à l’envers. » (p.142) Cette inversion est sans doute à l’origine de notre manque d’intérêt pour l’Ancien Testament.
Ne revient-elle pas à rechercher dans l’ombre, la réalité incarnée ; dans les ténèbres, la lumière ? Car, jusque dans ses meilleures typologies, l’Ancien Testament est davantage une ombre qu’un projecteur : « C’était l’ombre des choses à venir, mais le corps est en Christ. » (Col 2.17 ; Hé 10.1). Semblable à la lune, qui n’éclaire que lorsqu’elle reflète le soleil, l’Ancien Testament n’est porteur de lumière spirituelle, que lorsqu’il est rétro-éclairé par la révélation de Jésus-Christ. L’Ancien Testament n’est porteur de lumière spirituelle, que lorsqu’il est rétro-éclairé par la révélation de Jésus-Christ.
Nous aimons peu l’Ancien Testament, parce qu’il nous parle peu. Pire probablement, il nous trouble, nous décourage, nous conduit peut-être même dans l’incrédulité. Ce qui n’est pas étonnant lorsque l’on considère que le ministère de la Loi, qui était au cœur de l’Ancienne Alliance, était un ministère de condamnation et de mort (2 Co 3.7). L’Ancien Testament est un livre scellé, les outils académiques, même les plus légitimes sont insuffisants pour en forcer l’ouverture. À ce sujet, l’échec des scribes et les avertissements que leur adresse Jésus, sont très instructifs : « Vous sondez les Écritures, parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle : ce sont elles qui rendent témoignage de moi. Et vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie ! » (Jn 5.39).
Peut-être que lorsque nous le lisons, un voile est jeté sur nos cœurs, car c’est uniquement lorsque les cœurs se convertissent au Seigneur, que le voile est ôté, « il ne disparait qu’en Christ » (2 Co 3.14). Et cette conversion au Seigneur n’est pas un acte ponctuel ; elle n’a pas lieu uniquement le jour qui inaugure notre vie nouvelle ; elle est une attitude de cœur continuelle et conditionnelle à toute compréhension vivante de la Parole (Rm 12.2). Lorsque nous le lisons, nos yeux suivent « la lettre qui tue », mais ceux de notre cœur restent tournés en direction de Jésus Christ, de façon à ce que notre pensée et notre intelligence soient éclairées et vivifiées par sa révélation (Ep 4.23). Sans cela, le voile se referme et la révélation se dérobe.
Combien de fois, un tel sentiment ne nous a-t-il pas gagnés alors que nous entreprenions de méditer le Deutéronome, certains Psaumes ou les prophètes ? Certes, il en faut plus pour décourager le mystique qui s’efforcera de trouver tout de même des choses « touchantes », quitte à utiliser le texte comme prétexte. Et le spécialiste, quant à lui, découvrira bien, de temps en temps, par la force de son intellect et le secours d’outils académiques, des choses « intéressantes », qui n’enthousiasmeront que lui. Mais est-ce là tout l’Ancien Testament ?
Ainsi, malgré les assauts qu’il peut subir, l’Ancien Testament n’offre pas facilement sa richesse. Non pas que celle-ci soit réservée aux plus forts, aux plus intelligents, à ceux qui la méritent. Non, tout comme l’illumination du Saint Esprit et la connaissance du Fils, la richesse de l’Ancien Testament n’est accordée qu’aux « enfants », « aux humbles » (Mt 11.25) à qui le Père veut bien la révéler. Et le circuit de la révélation est à sens unique : que l’on interprète l’Ancien Testament ou le Nouveau Testament, la lumière va du Nouveau vers l’Ancien. L’Ancien Testament n’est efficace pour comprendre le Nouveau, qu’après avoir été illuminé par la révélation de Jésus-Christ. Car, sans l’illumination du Saint Esprit, qui découle elle-même de Jésus-Christ, le canon juif est lettre morte ; il ne conduit pas à Christ mais à la condamnation. Il s’agit donc de regarder à Lui, car il est lui-même la Parole faite chair (Jn 1.14) et la lumière qui éclaire tout homme (Jn 1.9). « Le témoignage de Jésus est l’esprit de la prophétie » (Ap 19.10), c’est-à-dire la source et la clé de son interprétation.
C’est dans cet esprit et selon cette méthode, que nous vous proposons de commencer une petite série d’article, intitulés « Lever le voile » visant à redécouvrir certaines réalités du culte dans l’Ancien Testament, à la lumière de Jésus-Christ et du Nouveau Testament.
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