Entre persécutions et hérésies, la vie n’était pas un long fleuve tranquille pour l’Église ancienne des premiers siècles après Jésus-Christ. À cela s’ajoute la question de la place des femmes, une catégorie sociale bien souvent méprisée. En effet, la société gréco-romaine était foncièrement patriarcale. À contre-courant, le récit des évangiles dépeint l’attitude bienveillante de Jésus envers les femmes. Les chrétiens souhaitaient marcher dans ses pas en changeant de vie et cela incluait aussi le rapport aux femmes. L’Église ancienne leur a réservé alors une place atypique qui les distinguait radicalement de la femme païenne. Petit retour en arrière historique qui permet d’éclairer certains débats…
Le monde gréco-romain était hostile envers les femmes. Déjà à la naissance, leur accueil n’était pas assuré. Malformés ou non voulus, les bébés filles étaient souvent sujets à l’infanticide par noyade ou abandon. À cette époque, l’avortement était monnaie courante pour les mères. Les raisons d’adultère ou de manque de moyens pour élever l’enfant s’ajoutaient à celles des maris qui avaient le droit de vie et de mort sur leur maisonnée dans la loi romaine. De plus, l’avortement pouvait être fatal pour la mère. Les techniques peu évoluées (poison et couteaux) pouvaient mettre en danger la vie de la mère ou la rendre stérile. La faible fécondité s’expliquait aussi par une culture de mépris des hommes pour le mariage qui s’adonnaient plutôt à la prostitution ou à l’homosexualité. Ce sous-effectif des femmes débouchait alors à un dépeuplement progressif de la population gréco-romaine.
En revanche, l’organisation sociale des chrétiens était tout sauf une transposition de ce triste schéma. Dans l’Église, la répartition des sexes était à majorité féminine. La fécondité chrétienne, elle, permit largement le renouvellement des générations notamment grâce à la vision d’un mariage exclusif. Les pratiques d’infanticide et d’avortement étaient formellement interdites. L’Église ancienne luttait ainsi tout simplement pour la protection des femmes.
Quand une fille était acceptée dans la famille – souvent la fille aînée –, son calvaire ne s’achevait pas pour autant. Son individualité n’était à aucun moment de sa vie reconnue. Les filles portaient le nom de leur père à l’inverse des garçons qui en recevaient un nouveau. Les jeunes filles étaient généralement mariées très jeune, à la puberté , avec des hommes beaucoup plus âgés qu’elles. On ne peut imaginer la souffrance émotionnelle due aux mariages arrangés consommés immédiatement, aux adultères fréquents et à la perte de dignité que subissaient les femmes. Enfant, elles le demeuraient pendant toute leur vie. Elles étaient la propriété légale d’un homme, le pater familias – le père ou le mari. Ce statut inférieur rendait le divorce et la répudiation facile, entachant leur réputation . Le devoir d’une femme était de bien se comporter en matrona (mère de famille) soumise à son mari pour tisser la laine, garder son foyer et gérer sa maison. Renier cette vocation revenait à se révolter contre les dieux.
Son individualité n’était à aucun moment de sa vie reconnue.
Le contraste avec le monde chrétien est d’autant plus frappant : on y respectait la femme dans tout ce qui constitue sa personne. L’Église étaient intransigeante contre l’inceste, l’adultère et la polygamie. Elle punissait ceux qui offensaient sexuellement les femmes par une discipline d’exclusion ou de repentance. L’union du mariage n’était pas imposée, ni le choix du partenaire. Les femmes se mariaient plus tard et la virginité était respectée sérieusement. Les veuves n’étaient pas forcées au remariage. Elles pouvaient ainsi hériter des possessions de leur époux et en faire bénéficier l’Église. Elles garantissaient de cette manière leur indépendance et leur sécurité uniques. Le célibat volontaire pouvait aussi être compris comme une volonté d’affranchissement de la tutelle masculine et du fardeau de la maternité. Ce vœu de virginité s’inscrivait aussi dans cette lignée avec l’idée que l’espérance chrétienne prime sur les désirs de la chair.
Malgré leur dépréciation, les femmes païennes avaient beaucoup de responsabilités. La matrona avait du pouvoir sur ses servantes et ses enfants. La domus (maison) était une véritable entreprise à gérer et la femme devait maintenir l’ordre en absence du pater. De même, être romaine leur donnait certains droits comme le fait de témoigner devant un tribunal ou d’avoir un éloge funèbre.
Dans l’Église, les femmes étaient hautement considérées et fortement impliquées : les femmes aisées prêtaient leur maison pour les lieux de culte et certaines donnaient généreusement aux pauvres. Sans vouloir résoudre le débat exégétique les concernant, nous pouvons remarquer des points criants qui montrent une responsabilité certaine au sein de l’Église : elles étaient diacres, prophétesses et elles administraient le baptême. Les persécutions et la surreprésentation des jeunes filles pour le martyre et la torture montrent qu’elles étaient détentrices d’une forme de statut officiel, un certain prestige.
Ces avancées concernant la place des femmes dans l’Église sont certaines et seront à l’origine de leur émancipation progressive dans la société.
Dans ce contexte de société allergique aux femmes, l’Église les attirait en grand nombre. Non seulement, le message de l’Évangile les concernait, mais bien plus, il réhabilitait leur valeur et leur dignité aux yeux des hommes. Ce changement social à leur égard a grandement contribué à la croissance du christianisme des premiers siècles. Mais tout n’était pas utopique, certains retours en arrière font tache. Un exemple : la conversion du mari d’une chrétienne n’était pas automatique et pouvait entraîner un divorce voire une dénonciation. Ainsi, la conversion d’une jeune femme au christianisme n’était pas toujours promesse d’une meilleure situation. L’histoire de l’Église est aussi marquée par une supériorité masculine générale, une méfiance envers la sexualité et un portrait global péjoratif des femmes. Néanmoins, ces avancées concernant la place des femmes dans l’Église sont certaines et seront à l’origine de leur émancipation progressive dans la société.
Adalbert Gautier HAMMAN, La Vie quotidienne des premiers chrétiens (95/197), Paris, Hachette, 1971, 300p.
Nous utilisons des cookies non-publicitaires pour rendre ce site plus clair. Si vous le souhaitez, vous pouvez les désactiver. Bonne visite sur Point-Théo !