Si les membres de votre Église vous interrogeaient sur les points suivants, comment répondriez-vous ? « Que veut dire l’expression “inspiration des Écritures” au juste ? » ; « Qui est Jésus-Christ, Dieu ou homme ? » ; « Qu’est-ce que le baptême du Saint-Esprit ? »
Toutes ces questions sont complexes, mais essentielles pour la foi des croyants, elles peuvent être abordées à l’aide de la doctrine.
Certains parlent plus facilement de dogmatique ou de théologie systématique plutôt que de doctrine. Ces termes, même s’ils ne sont pas strictement synonymes, se recoupent largement. Quel que soit le mot choisi, force est de constater qu’il n’existe pas de définition exhaustive ou définitive de la doctrine. Nous adopterons volontiers celle proposée par le théologien Kevin Vanhoozer : « La doctrine chrétienne est l’enseignement conforme aux Écritures au sujet de l’Évangile de Jésus-Christ, transmis par l’Église aux disciples dans le but de connaître Dieu et d’acquérir la sagesse qui conduit au salut[1]».
En résumé, la doctrine cherche à expliquer, formuler et détailler les vérités révélées par le Dieu trine dans la Bible pour l’Église d’aujourd’hui. Loin de se cantonner à un contenu purement propositionnel et cognitif, la doctrine a de véritables conséquences pratiques sur la vie chrétienne dans son ensemble. Le pédagogue Robert de Vries rappelle à ce titre que « la foi chrétienne se manifeste de trois manières que l’on peut désigner par les termes : orthodoxie, orthopathie et orthopraxie[2]». On pourrait même dire que l’orthopathie (les sentiments justes) et l’orthopraxie (les actions justes) découlent normalement de l’orthodoxie (la doctrine juste). Par exemple, les chrétiens de l’Église ancienne ont exprimé leur compassion (orthopathie) en apportant une aide concrète (orthopraxie) aux exclus de la société (femmes précaires, enfants non désirés, victimes d’épidémie) en raison de leur compréhension de l’image de Dieu et du message du Christ (orthodoxie). À l’inverse, les gnostiques avaient tendance à dénigrer le corps et, au choix, à le brimer ou à le livrer à l’immoralité à cause de leur rejet de la bonté de la création et de la résurrection du Christ.
La foi chrétienne se manifeste de trois manières que l’on peut désigner par les termes : orthodoxie, orthopathie et orthopraxie – Robert de Vries
On pourrait même soutenir qu’une part non négligeable du grand mandat missionnaire donné par Jésus à l’Église (Mt 28.18-20) consiste à former les disciples en leur enseignant la sainte doctrine. La visée de la doctrine devient alors le discipulat et la croissance qualitative de l’Église. Kevin Vanhoozer écrit en ce sens :
« la doctrine se rapporte au dépôt de la foi, un enseignement dûment autorisé, confié aux bons soins de l’Église (1 Tm 6.20 ; 2 Tm 1.14), mais qui ne se résume pas à un ensemble de connaissances. C’est un enseignement dont la finalité est de former, d’informer des disciples en ‘faiseurs’, capables de parler, d’agir et de penser à la manière de Jésus-Christ. La doctrine est une sorte de cours de perfectionnement pour disciples (…) elle est une injonction à un engagement collectif et dynamique. Sans la doctrine pour l’orienter, l’Église est égarée et dans la confusion ; mais sans l’Église pour la mettre en scène, la doctrine reste stérile et inutile [3]».
La doctrine a donc pour finalité l’accomplissement du mandat confié par le Seigneur à l’Église et la conformité de ses membres à l’image du Christ. Vaste programme !
Si la prédication textuelle suivie d’un livre biblique ou d’une section d’un livre demeure une saine pratique, les sujets doctrinaux méritent d’être traités du haut de la chaire par une prédication thématique ou textuelle au moins une fois par an. Il peut même être intéressant pour l’Église de proposer de courtes séries de prédications doctrinales pour marquer les temps forts du calendrier liturgique :
Dans les temps plus ordinaires, il sera parfois nécessaire de revenir sur les fondamentaux de la foi (la Trinité, la création, la justification par la foi etc.) lors des prédications habituelles de l’Église au gré des textes parcourus. L’équipe de louange pourra être sensibilisée afin que le choix des chants reflète l’un ou l’autre aspect doctrinal mis en valeur lors de la prédication.
Beaucoup d’Églises évangéliques mondiales (États-Unis, Brésil, Corée du Sud) proposent déjà une école du dimanche pour adultes, souvent avant le culte dominical. En Europe francophone, un autre créneau pourrait sans doute mieux convenir, pourquoi pas une après-midi autour d’un apéro ou d’un goûter ? Au passage, si le mot « école du dimanche » vous fait frémir, trouvez un terme qui suscitera l’engouement, du moment que le principe reste le même ! Il s’agit de consacrer du temps et de l’énergie à la catéchèse des sympathisants et membres. Pour se faire, le manuel de théologie pour tous intitulé Pour une foi réfléchie (dirigé par Alain Nisus) permet de traiter les sujets en profondeur d’un point de vue évangélique en faisant droit à la diversité des opinions. Si l’on aborde quatre chapitres par an (en suivant un rythme bimensuel hors vacances, cela est tout à fait réaliste), il est possible de faire le tour des grands sujets de doctrine (Dieu, la Bible, le mal, etc.) en moins de trois années.
Les catéchumènes de l’Église ancienne devaient apprendre par cœur le Symbole des apôtres (Credo). Or le Symbole se présente comme un condensé de doctrine biblique à l’état pur ! Sans rendre cette pratique obligatoire aujourd’hui, il peut être judicieux de fournir un carnet de baptême aux futurs baptisés, dans lesquels les textes essentiels de la foi comme le « Notre Père » ou le Symbole sont consignés. Ce « package minimum » pourra faire l’objet de plusieurs séances d’enseignement créatif. Il faudra ensuite s’assurer que les nouveaux chrétiens comprennent et adhèrent à la substance de la foi résumée dans le Credo. Le jour J, les baptisés et l’Église rassemblée pourront réciter ensemble avec joie le Symbole qui résume leur foi commune !
Les petits groupes (de jeunes, de femmes, de quartier etc.) constituent des lieux de vie et d’échange qui participent à la croissance de l’Église dans son ensemble.
Plusieurs approches peuvent être adoptées pour y donner goût à la doctrine :
Chaque réalité locale étant différente, il ne sera pas possible (et même pas forcément souhaitable) de mettre en place toutes ces pistes. Mais si l’une ou l’autre entre en résonance avec votre Église, n’hésitez pas à vous lancer !
La doctrine est un outil, parmi tant d’autres, que Dieu peut utiliser pour édifier son peuple et se glorifier. En montrant la cohérence du message de la Bible dans son ensemble et la suprématie de Christ sur toutes choses, elle nous fortifie dans notre adoration du Dieu trine. Au travers de cette discipline et de l’illumination indispensable de l’Esprit Saint, le Seigneur peut changer non seulement notre manière de comprendre sa Parole mais aussi notre vision du monde, de l’Église et de nous-même. Nous serons alors mieux affermis pour partager l’Évangile à toute la création, et faire de toutes les nations des disciples, pour la gloire de Dieu et le salut du monde !
En montrant la cohérence du message de la Bible dans son ensemble et la suprématie de Christ sur toutes choses, la doctrine nous fortifie dans notre adoration du Dieu trinitaire
« l’Église dans tous ses états », une rubrique en partenariat avec Les Cahiers de l’École Pastorale
Les Cahiers de l’École Pastorale est une revue trimestrielle de théologie pratique et pastorale. À travers des articles de fond, des prédications et des présentations de livres, elle oeuvre à faire des ponts entre la théologie et la vie des Églises. Son but est d’encourager les pasteurs, les responsables d’Église et plus largement les chrétiens engagés dans un ministère, à penser et approfondir leur foi et leur pratique au sein de leurs Églises.
[1] Kevin Vanhoozer, Le théâtre de la théologie. Doctrine et formation de disciples, Charols : Excelsis, 2021, p.25-26.
[2] Robert de Vries, Transmettre la foi, Cléon d’Andran : Excelsis, 2002, p. 17.
[3] Kevin Vanhoozer, « Doctrine » in Daniel Treier, Walter Elwell (ss.dir), Le Grand Dictionnaire de Théologie, Charols : Excelsis, 2021, p.386
[4] Au moment où j’écris ces lignes, le volume 2 n’est pas encore paru, mais il devrait être disponible dans le courant de l’année 2023. D’ici-là il y a déjà fort à faire avec le premier volume !
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