Alors que le Notre Père est moins souvent prié dans nos Églises à notre époque qu’auparavant, qu’en est-il du « Que ton règne vienne » ? Il est souvent plus chanté que prié. Mais quand nous le chantons, ou quand nous le prions même, quel sens lui donnons-nous ? Que voudrions-nous que Dieu fasse ?
Nous avons souvent de belles requêtes en tête lorsque nous chantons ce refrain : que Dieu attire plus de gens à lui, qu’il nous aide à mettre fin à l’injustice sociale, ou aux dégâts que nous faisons à notre planète, ou même – à un niveau plus personnel – la guérison d’un ami, ou la recherche de travail d’un membre de la famille. Ces requêtes « temporelles » pour notre monde sont importantes, voire essentielles. Or, en priant ainsi, est-il possible que nous oublions un élément important de cette prière que Jésus a appris à ses disciples (Mt 6.10 ; Lc 11.2) ? Omettons-nous de prier ce que j’appelle des « prières eschatologiques », à savoir, où nous demandons l’accomplissement ultime du plan de Dieu pour le cosmos ?
La prière eschatologique, c’est prier que Jésus revienne, que le jugement dernier ait lieu, ainsi que le salut de son peuple et le renouvellement de toutes choses.
La prière eschatologique, c’est prier que Jésus revienne, que le jugement dernier ait lieu, ainsi que le salut de son peuple et le renouvellement de toutes choses. Dans son commentaire sur l’Évangile de Matthieu, Donald Hagner écrit : « [Cette requête du Notre Père] se réfère au règne eschatologique de Dieu […] attendu et désiré par le peuple juif […]. L’Évangile, lui-même, est surtout l’annonce que le règne promis de Dieu a désormais commencé dans et à travers l’œuvre de Jésus le Messie […] alors les disciples sont encouragés à prier afin d’expérimenter dans toute sa plénitude ce qui a débuté dans le ministère de Jésus, et dont ils font désormais partie. » (HAGNER, D.A., Matthew 1-13, WBC, Vol 33A, 1993, Dallas, Word Books, p.148, traduction libre).
Nous vivons dans le « déjà et pas encore » du Royaume. Comme le dit Hagner, le règne promis de Dieu a désormais commencé : Jésus-Christ règne déjà. Or dans un monde qui continue à lui être rebelle, nous ne voyons pas encore ce règne dans sa plénitude. Nous n’avons pas tort de prier pour ce monde en attendant le retour du Christ : nous voulons que le règne du roi Jésus soit déjà visible dans notre vie, dans celle des autres et dans toutes les situations qui, au niveau mondial ou à notre propre échelle, ne lui rendent pas gloire. Cependant, si l’accomplissement final est en vue dans cette prière, pourquoi les chrétiens évangéliques d’Occident ne le prient-ils pas de manière plus explicite ? Il serait intéressant de creuser pour en savoir plus.
Voici quelques explications éventuelles :
Nous manquons d’exemples ou d’enseignement sur le sujet.
Nous sommes très influencés par les prières des autres. Si personne ne prie comme cela dans notre entourage, il y a peu de chances que nous le fassions. Et si nous n’avons pas d’enseignement à ce sujet, le changement est peu probable.
« À quoi ça sert », disons-nous, « de prier cela quand le calendrier de Dieu est déjà fixé (Mt 24.36 ; Mc 13.32) ? » J’affirme avec Samuel Bénétreau que « la question du moment de la réalisation eschatologique demeure et demeurera pour nous un profond mystère » (La Deuxième Épître de Pierre, L’Épître de Jude, CEB, 1994, Vaux sur Seine, EDIFAC, p.212-13). Cependant, l’apôtre Pierre enseigne que ses lecteurs peuvent « hâter l’avènement du jour de Dieu » (2 Pi 3.12) en vivant de manière sainte. Bénétreau ajoute : « [O]n peut au moins tirer de ce verset que l’existence chrétienne ne se limite pas à l’attente passive de biens à venir, qu’elle doit être travailleuse, car elle a une importance insoupçonnée, non seulement pour le destin personnel, mais encore pour le monde, dans le plan divin. » Ce qui est vrai pour la conduite sainte, est tout aussi vrai pour la prière.
Nous savons ce que le jour du jugement impliquerait pour certains de nos bien-aimés s’il devait arriver aujourd’hui, et donc, nous jouons la politique de l’autruche. Et si, au lieu d’en être paralysés, nous prenions l’occasion de dire à Dieu combien nous voudrions la restauration de toutes choses, mais avec tous nos bien-aimés à nos côtés (et puis les nommer individuellement) ? Ça serait l’occasion de transformer nos peurs en prières pour le salut.
J’ai placé cette raison en dernier, mais j’ai peur qu’elle soit en réalité la raison principale. C’est trop souvent le cas dans ma propre vie. Les « Jusques à quand, Seigneur ? » de l’Ancien Testament (Ps 6.4, 13.1, 79.5, et 89.46 et Hé 1.2) semblent trop éloignés de notre expérience – sauf en cas de souffrance extrême. Mais nous nous contentons de peu : pourquoi être tellement attachés à un monde rempli d’injustice et de souffrance quand Dieu nous promet un monde où la justice a sa demeure ?
Pour terminer sur une note plus positive je propose de considérer comment encourager la pratique de la prière eschatologique.
Voici quelques suggestions :
« Marana tha : Viens Seigneur ! » (1 Co 16.22 ; Ap 22.20).
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