On s’imagine parfois des bébés potelés et ailés, à l’image de Cupidon. Mais qui sont vraiment les chérubins ? Comment la Bible les présente-ils ? Sont-ils des anges ? Sont-ils seulement des êtres réels (comme le sont les anges), ou faut-il voir en eux des figures, des êtres imaginaires et symboliques ?

​Les chérubins dans la Bible

Les chérubins apparaissent pour la première fois dans la Bible en Genèse 3.24, où ils sont dépeints comme des créatures vivantes postées par Dieu à l’est du jardin d’Éden pour interdire l’accès de l’arbre de la vie aux êtres humains. Le mot français chérubin que nous utilisons est d’ailleurs une translittération (et non une traduction, puisqu’il n’y a pas de mot correspondant dans notre langue), au mot hébreu keroubim, forme pluriel du mot keroub.

On les retrouve ensuite dans le tabernacle (Ex 25.18-22 ; 37.7-9) et dans le Temple (1 R 6.23-28 ; 8.6-7), sous forme de sculptures, au-dessus de l’arche de l’alliance, dans le lieu très-saint. On ne connaît pas la dimension des deux chérubins du tabernacle mais ils étaient sculptés en or, alors que ceux du Temple de Salomon étaient sculptés en bois d’olivier et recouverts d’or. De plus, le texte biblique nous donne les dimensions de ces derniers : environ 5 mètres de hauteur, et 5 mètres d’envergure (ailes déployées).

Le tabernacle et le Temple étaient également ornés de représentations de chérubins en deux dimensions, brodés sur le voile du tabernacle qui séparait le lieu saint et le lieu très-saint (Ex 26.31), ciselés sur les portes du Temple (les portes séparant le lieu saint du lieu très-saint, et les portes d’entrées du Temple) et sur les murs (1 R 6.29-35). On trouve encore des chérubins ciselés sur les chariots qui servaient de support aux dix cuves présentes dans le parvis du Temple (1 R 7.29, 36).

Enfin, les chérubins apparaissent dans certaines visions qu’ont eues les auteurs bibliques. Ézéchiel « voit » par exemple quatre chérubins, qui se tiennent à côté de roues imbriquées les unes dans les autres (Éz 10 ; voir aussi Éz 1 où sont également présents ces quatre êtres, bien que le mot keroubim n’apparaisse pas dans ce premier chapitre). Une voûte céleste surplombe la tête des quatre chérubins, et sur la voûte céleste quelque chose qui ressemble à un trône, et au-dessus du trône ce qui ressemble à un être humain (Éz 1.26). Les chérubins semblent servir de support au trône de Dieu et de « créatures » de trait à son char céleste, par lequel il retirera sa gloire du Temple de Jérusalem (voir aussi Ps 18.11).

Dans le Nouveau Testament, ces quatre créatures de la vision d’Ézéchiel réapparaissent dans le livre de l’Apocalypse (4.6-11 ; 5.8, 11), mais le terme chérubin n’est pas repris. Ces quatre êtres vivants du dernier livre de la Bible présentent d’ailleurs aussi certains traits des séraphins d’Ésaïe 6.

Ce qui ressort de ce parcours biblique c’est que les chérubins sont étroitement associés à Dieu. Ils semblent marquer la frontière entre le domaine exclusif de Dieu et le monde humain (en Éden ils barrent l’accès de l’arbre de la vie, qui symbolise la communion avec Dieu ; dans le Temple, ils marquent la distinction des espaces). Ils sont également dépeints comme les porteurs du trône de Dieu (Éz 1 ; 10 ; Ps 18.11), ou simplement comme le « support » où il siège (dans le lieu très-saint ; voir 2 S 6.2).

La forme et l’apparence des chérubins

Mais à quoi ressemblent-ils exactement ? La réponse n’est pas évidente, car la plupart des textes qui les mentionnent ne les décrivent pas ; les premiers lecteurs devaient savoir à quoi ils ressemblaient.

Ce qui est évident, c’est qu’il s’agit de créatures ailées (ils recouvrent l’arche de l’alliance de leurs ailes). Peut-on en dire plus ? Raanan Eichler, un des spécialistes contemporains des chérubins, défend dans un article en ligne qu’il doit nécessairement s’agir de créatures qui se tiennent debout, et non à quatre pattes, et il en déduit que les chérubins sont des créatures ailées d’apparence humaine.

Un de ses arguments consiste à faire remarquer que s’il s’agissait de créatures à quatre pattes, et puisque les chérubins du tabernacle se tiennent face à face, alors leurs ailes devraient passer par-dessus leurs têtes. Or on ne trouve aucune représentation de créatures dans cette « position maladroite et bizarre » dans l’art du Proche-Orient ancien.

Si ses remarques sur le caractère bipède des chérubins me semblent convaincantes, il n’en est pas de même de la conclusion qu’il en tire. Plusieurs sceaux-cylindres du Proche-Orient ancien, datés entre le IXe et le IVe siècle avant Jésus-Christ, représentent deux créatures ailées dont les jambes sont celles d’un animal et le buste et la tête ceux d’un homme, portant une divinité. Et ces créatures se tiennent debout, sur leurs pattes animales (voir par ex. le sceau-cylindre achéménide conservé au British Museum). La station debout n’élimine donc pas a priori l’apparence de créatures hybrides homme-animal.

Les chérubins sont des créatures ailés bipèdes, avec certainement quelques traits humains au moins.

Ce qui semble donc probable quant à leur apparence, c’est que les chérubins sont des créatures ailées bipèdes, avec certainement quelques traits humains au moins (Éz 10.14 ; 41.19). Il est même possible que leur apparence ait changé selon les périodes et les influences culturelles qui s’exerçaient sur Israël. Difficile donc à mes yeux d’en dire plus.

Des êtres réels ou symboliques ?

Mais qui sont-ils ? La tradition y a vu des anges, des créatures réelles donc. Mais cela me semble assez peu probable. Les anges semblent être des esprits, des êtres immatériels (Hé 1.14 ; voir Lc 24.39), et lorsqu’ils prennent une apparence humaine pour transmettre des messages aux êtres humains, ils ne sont jamais ailés (contrairement à la représentation qu’on peut s’en faire). De plus, en Apocalypse 5.8 et 11, les chérubins sont plutôt associés aux vingt-quatre anciens dans la louange, et distingués ainsi du chœur des anges.

Le fait que les chérubins soient dépeints comme des créatures terrestres, des êtres qui mélangent des traits d’animaux et d’êtres humains (en particulier dans les visions d’Ézéchiel) suggère fortement qu’il s’agit de créatures imaginaires plutôt que de créatures célestes.

Quel est alors leur charge symbolique ? Henri Blocher l’a bien formulé : « Le plus simple, c’est de suivre Philon et Grotius, et de voir en eux le symbole de la puissance divine, telle qu’elle se manifeste dans l’univers, ou plus exactement encore, un concentré de l’univers lui-même, résumé par ses figures les plus glorieuses, mais en tant qu’il reste à la disposition du SEIGNEUR et sert d’outil à sa puissance. Ce sens convient partout. Toutes les forces vives de la création, en effet, sont là pour porter le trône de Dieu, garder son sanctuaire, ou célébrer sa louange. » (p. 186)

Sur ce sujet comme sur biens d’autres, il me semble donc intéressant de remettre nos représentations mentales sur le métier à tisser des Écritures, afin de laisser nos imaginaires être façonnés par elles et par ce que l’on peut en comprendre…

​Pour aller plus loin

  • Henri Blocher, Révélation des origines, PBU, 2001, p. 185-186 [en vente ici]
  • Matthieu Richelle, Comprendre Genèse 1-11 aujourd’hui, Excelsis, 2013, p. 98-100 [en vente ici]
  • Sylvain Romerowski, « Chérubins » dans Le Grand Dictionnaire de la Bible, Excelsis, 2010, p. 304-305 [en vente ici]
  • Raanan Eichler, « Cherub. A History of Interpretation », Biblica 96, 2015, p. 26-38 [en ligne]
  • Raanan Eichler, « What Kind of Creatures Are the Cherubim ? », The Torah.com, 2016 [en ligne]

Illustration : Cherubim (détail) YoramRaanan.com ©

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Thomas est pasteur de la FEEBF à l’Église baptiste de Lyon, et co-auteur du Petit dictionnaire de théologie (avec Clément Blanc). Il est titulaire d'un Master de recherche à la FLTE et il a écrit son mémoire sur la translocalité de l’Église. Crédits photo : Amber Stolk Photography

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