La parabole du Bon samaritain (Lc 10.25-37) a servi d’innombrables fois pour justifier une sorte d’amalgame entre l’amour fraternel et l’action sociale ou l’aide humanitaire ; entre l’Amour et l’altruisme, pourrait-on dire. Est-ce juste ? Pourquoi le Samaritain est-il désigné comme le prochain ?
Dans le Nouveau Testament comme dans l’Ancien, quand il est question de la foule (Mt 5.1) ou du peuple (Ac 10.2), on est tenté de le comprendre d’une manière profane, horizontale. Pourtant, dans ce contexte, c’est du peuple de Dieu dont il s’agit. On est en Israël ! De même, l’homme blessé du début de la parabole est bien un hébreu, même si cela n’est pas précisé. Les lévites et les sacrificateurs, en effet, ne s’aventuraient pas hors d’Israël. Le samaritain, lui, est « en voyage » (v. 33).
Quand le docteur qui interroge Jésus cite le sommaire de la loi (« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu… et ton prochain » (v. 27), il sait bien qu’il s’agit d’une loi interne au peuple de Dieu et que le prochain, c’est le concitoyen, l’enfant de ce peuple, le frère (Lv 19.16-18). Quand il demande « qui est le prochain ?», Jésus lui révèle le bouleversement qui est en train de se produire : ceux qui devaient savoir et vivre cela en tant que membres du peuple élu l’ignorent ou le négligent, tandis que d’autres, qui étaient étrangers au peuple de Dieu, vont démontrer par leur attitude que l’œuvre de la grâce est agissante dans leur cœur. On se souvient de la réaction de Jésus, après la guérison des 10 lépreux : « Ne s’est-il trouvé que cet étranger pour revenir et donner gloire à Dieu ? » (Lc 17.18). C’était déjà un Samaritain.
Le Samaritain a-t-il seulement « fait du bien à quelqu’un », comme beaucoup le croient ? Pas vraiment. C’est à un membre du peuple de Dieu qu’il a prodigué des soins ! Or, ce que l’on fait à un membre du peuple de Dieu, c’est à Dieu qu’on le fait (Za 2.8).
Ainsi en a-t-il été de Rahab, la prostituée qui a accueilli les espions du peuple hébreu. « L’Eternel, je le sais, vous a donné ce pays » (Jos 2.9). Comment l’a-t-elle su ? Ainsi en a-t-il été de la veuve de Sarepta qui était aussi une étrangère et qui a accueilli un homme de Dieu car Dieu le lui avait montré (1 Rois 17.9). Cela apparaît maintes fois dans les Evangiles, avec ces étrangers qui démontrent par leur foi, traduite en actes ou en paroles, qu’ils sont la vraie descendance d’Abraham (Mt 3.8) : la femme samaritaine (Jn 4), trois centurions romains (Mt 8.5 ; Lc 7.2 ; Lc 23.47), la femme syro-phénicienne (Mt 15.27) mais aussi l’eunuque éthiopien (Ac 8.36), etc.C’est à un membre du peuple de Dieu qu’il a prodigué des soins ! Or, ce que l’on fait à un membre du peuple de Dieu, c’est à Dieu qu’on le fait.
C’est un principe repérable tout au long de l’Ecriture : ce que l’on fait à un membre du peuple de Dieu, en bien ou en mal, on le fait à Dieu ! « Je bénirai ceux qui te béniront » dit Dieu à Abram (Gn 12.3). « Il aime notre nation » disent les Juifs du centenier (Lc 7.5). « Il faisait beaucoup d’aumônes au peuple et priait Dieu continuellement » (Ac 10.2) est-il dit de Corneille le centurion. De même, Paul associe étroitement « la foi en Jésus-Christ et l’amour pour tous les saints » (Ep 1.15 ; Co 1.4 ; Phm 1.5) : il s’agit de deux fruits de la même grâce.
Ainsi en est-il du Samaritain de la parabole : son attitude ne révèle pas seulement une nature compatissante ou généreuse. Ses égards envers un membre du peuple saint expriment une forme de piété envers Dieu. On se souvient de cette parole de Jésus : « Toutes les fois que vous avez fait ces choses à un des plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25.40. Cf. Mt 10.40, 42 ; Mc 9.41). Le lien entre Dieu et son peuple est tel que l’amour pour l’un et pour l’autre sont indissociables (Hé 6.10…). En « exerçant la miséricorde » envers un enfant d’Israël, le Samaritain montre que son cœur est déjà touché par la grâce et préparé pour le Royaume de Dieu. Il est déjà proche de la communion des saints. Ce qu’il fait n’est pas une bonne œuvre, c’est une œuvre de la foi.
Jésus nous montre que le prochain n’est pas seulement celui qui est aimé en tant que frère – les deux termes sont en fait synonymes (Ep 4.25) – mais c’est aussi celui qui aime de cette manière propre au peuple de Dieu. C’est, à proprement parler, la foi démontrée par les œuvres.
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