Vie chrétienne

Vaccin, pass sanitaire et unité de l’Église

Les positions prises par les uns et les autres à propos de la vaccination contre le Covid-19, à propos du pass sanitaire ou des différentes mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la pandémie, et plus encore les manières d’exprimer ces positions, produisent des dissensions et tensions fortes au sein de notre société, de nos familles, et même de nos Églises. Ne pourrait-on pas faire autrement ?

​L’unité de l’Église

J’aimerais partager ici l’idée que l’unité de l’Église ne devrait pas être mise à mal par la question du vaccin contre le Covid-19, ou par celle du pass sanitaire. Pour Jésus et les auteurs du Nouveau Testament en effet, l’unité de l’Église est fondamentale (Jn 17.20-21 ; 1 Co 1.12-13 ; voir l’article « L’unité de l’Église et les dénominations ») ; elle doit être cultivée, déployée et manifestée par les chrétiens.

L’unité du corps de Christ en question n’implique pourtant pas une tolérance molle de toute position exprimée en son sein. L’Évangile exige parfois des séparations (Mt 3.7-12 ; 1 Tm 1.20) pour la préservation de l’Église, et même pour le bien des personnes dont on se sépare (« pour qu’ils apprennent à ne plus blasphémer », écrit Paul en 1 Tm 1.20). La naissance de l’Église confessante en 1933/1934 est un bel exemple historique de cette exigence de séparation. Face à la mainmise grandissante des Nazis sur l’Église protestante allemande, impliquant notamment l’exclusion des pasteurs juifs, un groupe de chrétiens réunis autour de Karl Barth rédige la Déclaration de Barmen (1934) et fonde une nouvelle Église, se séparant de l’Église protestante du Reich.

Ils professent : « Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle, en plus et à côté de cette seule Parole de Dieu, l’Église pourrait et devrait, pour sources de sa prédication, reconnaître d’autres événements et pouvoirs, personnalités et vérités, comme étant Révélation de Dieu. » Ou encore : « Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle l’Église pourrait abandonner la forme de son message et son organisation à son propre bon plaisir ou aux courants successifs et changeants de convictions idéologiques et politiques. »

Or dans la situation qui est la nôtre, la vérité de l’Évangile n’est pas attaquée, l’organisation de nos Églises n’est pas infiltrée par un parti politique, notre liberté de prêcher la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ n’est pas empêchée par la vaccination. Face à ces mesures sanitaires et politiques, l’Évangile n’exige donc pas séparation et anathème, mais dialogue et unité.

Nous devrions donc accepter la divergence d’opinion sur la manière de lutter contre la pandémie au sein de nos communautés, et refuser radicalement de nous condamner les uns les autres à ce sujet (par ex. en jugeant incompatible la foi chrétienne avec telle ou telle position sur le pass sanitaire ou la vaccination obligatoire).

Est-ce à dire que toutes les opinions sur la vaccination se valent ? Non, absolument pas, et cela pour trois raisons au moins.

​Toutes les opinions ne se valent pas

Dire que la question de la vaccination et du pass sanitaire est une question secondaire au regard de l’unité de l’Église, ce n’est pas dire que toutes les positions sont d’égale valeur. Déjà en Romains 14 (voir aussi 1 Co 8), à propos d’une autre question qui ne devait pas mettre à mal la communion fraternelle, Paul distingue entre les forts, ceux qui achètent au marché des viandes pourtant sacrifiées aux idoles, et les faibles, qui ne mangent que des légumes afin d’éviter absolument de consommer un produit consacré à des démons.

De plus, dans la situation qui est la nôtre, il y a une raison supplémentaire qui justifie que toutes les opinions ne se valent pas. C’est l’impact collectif de nos choix personnels. Et c’est là où le parallèle avec le sujet des viandes sacrifiées aux idoles s’arrête. Pour cette dernière question en effet, l’opinion personnelle des uns et des autres n’impacte que peu la communauté (il y a un impact dans le cas où un « fort » mange des viandes sacrifiées devant les « faibles » ; voir Rm 14.20-21). Dans le cas de la pandémie, la problématique est collective, puisque le virus circule non seulement entre les personnes, mais également d’une région à l’autre, d’un pays à l’autre. Les manières de lutter contre ce coronavirus doivent donc être, elles-aussi, réfléchies à un niveau collectif. Toute opinion qui ne prendrait pas en compte ce fait serait ainsi, à mes yeux, moins valable que les autres.

Enfin, toutes les positions sur la manière de lutter contre la pandémie ne sont pas aussi bien renseignées médicalement, économiquement ou juridiquement. Certaines opinions sont objectivement fausses, ou fondées sur de fausses informations, et sont ainsi moins valables que les autres.

L’unité de l’Église doit donc être cultivée, voire restaurée là où le débat sur la vaccination l’aurait abîmée, mais cela ne signifie pas que toutes les opinions se valent, et les chrétiens devraient contribuer à un dialogue sociétal apaisé, dans la recherche de la vérité et du bien commun.

​Vers une unité dialogale

Les relations entre chrétiens pourraient être un lieu d’expérimentation, et un lieu témoin, d’un tel dialogue en vérité et en paix sur la question de la lutte contre la pandémie, à condition cependant de suivre quelques principes dont j’aimerais proposer deux exemples.

Avec grande humilité, nous devons nous rappeler que lorsque nous formulons un regard chrétien sur ces questions politico-médicales, nous nous exprimons (pour l’immense majorité d’entre nous) sur des sujets que nous ne maîtrisons pas (voir « L’orgueil des sachants »). Il est important de chercher à comprendre au mieux les différentes problématiques liées à la pandémie pour proposer une parole théologique à leur sujet (voir Clément Blanc « Méthode éthique : ouvrir la Bible trop tôt ? »), mais adoptons pour le faire une posture humble et qui ne vise pas la condamnation de celui qui pense différemment (par ex. par des formules du type « tout chrétien devrait avoir telle position face aux mesures sanitaires »).

Évitons aussi de caricaturer la position de l’autre. Tous ceux qui critiquent les choix du gouvernement ne sont pas des anti-vaccins complotistes, et tous ceux qui soutiennent le gouvernement sur la gestion de la pandémie ne sont pas des idolâtres asservis à la bête.

Ce faisant, nous pourrons aborder des questions essentielles, passionnantes et complexes, et avancer ensemble. Je pense par exemple aux leçons que nous devrions retirer pour le long terme de la pandémie, je pense à l’utilisation de cellules souches issues d’embryons humains, à l’égalité d’accès à la vaccination, etc.

​Pour aller plus loin

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Thomas est pasteur de la FEEBF à l’Église baptiste de Lyon, et co-auteur du Petit dictionnaire de théologie (avec Clément Blanc). Il est titulaire d'un Master de recherche à la FLTE et il a écrit son mémoire sur la translocalité de l’Église. Crédits photo : Amber Stolk Photography

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