La vie de couple a de multiples dimensions, qui contribuent, chacune à sa place, à la construction du projet de vie, à l’enrichissement de l’expérience commune et au renouvellement de la relation.
La dimension spirituelle de la vie de couple est évidemment l’un des traits originaux du mariage chrétien. Prendre conscience que l’on vit sous le regard bienveillant de Dieu, environné de sa grâce, chercher à adopter ses priorités, donc vivre en chrétien, s’applique aussi à la vie à deux.
Prendre conscience que l’on vit sous le regard bienveillant de Dieu, environné de sa grâce, chercher à adopter ses priorités, donc vivre en chrétien, s’applique aussi à la vie à deux.
Concrètement, cette vie conjugale de foi prend des formes diverses, selon les couples. Ceux et celles qui ont essayé savent qu’elle peut être naturelle, évidente, ou alors difficile à mettre en œuvre, par exemple quand les deux conjoints n’ont pas le même modèle de spiritualité. Cette spiritualité de couple, il n’est pas nécessaire de la concevoir comme autonome, se suffisant à elle-même. Comme tout le reste de la vie chrétienne, elle dépend du projet global de Dieu, donc de l’Église et des ministères.
Et de ce point de vue, on peut dire que c’est une richesse de vivre la vie d’Église à deux ! Parmi les pratiques spirituelles que je considère comme les plus intéressantes spirituellement aujourd’hui, en voilà deux :
Bien sûr, il faudrait mentionner l’encouragement mutuel, pratique éminemment spirituelle : quand l’un a du mal, l’autre peut l’aider, et d’autres éléments encore, mais on voit qu’il y a place pour que chaque couple construise sa propre pratique et ses propres habitudes.
Union de l’homme et de la femme (Gn 2.24), spécificité de la relation de couple, la sexualité est à la fois une très belle expérience et une dimension parfois compliquée de la relation. Si elle peut contribuer à unir les conjoints, elle peut aussi les éloigner ; en tout cas elle est rarement un élément neutre de la relation.
La sexualité telle que l’envisage 1 Corinthiens 7.3-4, dans un passage surprenant d’égalité, est un mode de relation entre deux personnes responsables et volontaires, qui se donnent l’une à l’autre : « Le corps de la femme ne lui appartient plus, il est à son mari. De même, le corps du mari ne lui appartient plus, il est à sa femme. » Le texte n’est probablement pas pour rien dans l’idée d’un « devoir conjugal » unilatéral, et c’est bien dommage parce que ce n’est pas son message !
La sexualité, d’un point de vue chrétien, se vit dans la fidélité, et c’est aussi dans ce cadre qu’elle se renouvelle. La fidélité dans le couple, on le sait, fait partie des données chrétiennes, mais elle correspond aussi à l’aspiration de la plupart des gens, quoi qu’en disent ceux et celles qui valorisent l’infidélité comme mode de vie conjugal. Seulement la vie est longue, et la fidélité ne peut pas être une fixité permanente. « La stabilité du couple pourrait donner à penser qu’il se construit sur une vision statique », mais « traverser le temps ensemble demande sans cesse un ajustement. La dynamique du couple en est une constituante indispensable », écrit Nicole Deheuvels[1].
La fidélité est une dynamique, qui se déploie sur l’ensemble de la vie du couple ; et quand je dis « la vie », il faudrait presque dire « les vies », car dans le contexte moderne, on peut avoir l’impression de vivre plusieurs vies successives ! Les premières années du mariage, l’arrivée d’enfants lorsque c’est possible, la maturité : autant d’étapes ou de saisons qui permettent des vécus différents en matière de sexualité.
Expression joyeuse de la différence homme-femme, la sexualité peut conduire à la création d’une vie nouvelle, celle d’un enfant, mais elle est aussi, tout simplement, expression d’amour, jeu relationnel, célébration de la vie (voir Ec 9.9). De leur côté, les poèmes du Cantique des cantiques invitent les couples à célébrer leur amour et à apprécier leur relation par le moyen de la sexualité.
Mais la sexualité est aussi une construction, en tension entre (bonnes) habitudes et nouveauté, entre organisation et spontanéité. Il est sûr que, comme tous les autres aspects de la relation de couple, la sexualité nécessite un renouvellement dans la durée. Comme tous les autres aspects de la relation de couple, elle nécessite qu’on lui consacre du temps, et de la communication. La Bible ne considère pas du tout la sexualité comme un sujet tabou, et les auteurs chrétiens d’aujourd’hui non plus. Mais elle est souvent abordée dans les livres d’un point de vue masculin, et c’est plutôt dans la réciprocité qu’il est intéressant de mettre en œuvre ce renouvellement, cette communication.
Les poèmes du Cantique des cantiques invitent les couples à célébrer leur amour et à apprécier leur relation par le moyen de la sexualité.
Nicole Deheuvels, qui interroge des couples (lors de préparations au mariage) sur le sens de la sexualité, obtient ce genre de réponse : « s’amuser, rire » ; « s’unir, fusionner » ; « éprouver du plaisir physique » ; « fermer la porte à toute autre personne que son conjoint » ; « se sentir valorisé(e) » ; « se détendre, évacuer le stress, préparer le sommeil » ; « se mettre en tonicité, recevoir de l’énergie physique et morale » ; « se sentir bien dans sa peau » ; « oublier les réalités matérielles » ; « se déconnecter » ; « vivre un temps de consolation physique et morale » ; « donner de l’amour »[2]… Tout un programme !
[1] « La fidélité », dans Nicole Deheuvels et Christophe Paya, sous dir., Famille et conjugalité. Regards chrétiens pluridisciplinaires, Excelsis/La Cause, 2016.
[2] Nicole Deheuvels, « Quels défis pour une sexualité libre, heureuse et fidèle dans le mariage ? », dans Le mariage. Les questions brûlantes, Édifac/Excelsis, 2021, p. 84-85.
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