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Les déclarations sur l’engagement chrétien dans la société (1)

Que peut-on attendre des nombreuses déclarations et textes officiels évangéliques qui ont été publiés ces dernières décennies sur le sujet de l’engagement du chrétien dans la société, de la responsabilité d’être sel de la terre et lumière du monde ? Les travaux comme ceux du Mouvement de Lausanne et des Alliances Évangéliques sont-ils vraiment utiles ?

Des paroles ou des actes ?

Certains chrétiens peuvent s’interroger sur l’opportunité de telles déclarations. N’avons-nous pas plutôt besoin d’actes ? La question est pertinente, car la tentation de substituer des prises de paroles à la mise en pratique de la Parole n’est pas imaginaire.

Cependant une déclaration est aussi un acte ! Elle unit des chrétiens et peut leur permettre :

  • De rendre témoignage de leurs préoccupations en envoyant un signal fort à l’extérieur de la communauté évangélique… et aussi en direction de ses membres. C’est le cas quand la Déclaration de Lausanne affirme que l’engagement sociopolitique comme l’évangélisation font partie de notre devoir chrétien, ou qu’un texte récent de la NAE (Alliance Évangélique aux USA) reconnaît que les chrétiens évangéliques aux États-Unis sont connus par les médias non-chrétiens pour leurs prises de positions « pro-vie » et sur les questions familiales, mais que ces medias ne prennent conscience qu’avec retard de leur implication dans des domaines comme le secours d’urgence, l’accueil des réfugiés, la lutte contre le sida, les violations des droits de l’homme, l’esclavage, le trafic sexuel ou les viols en prison.
  • D’encourager les chrétiens déjà impliqués dans la société et de susciter de nouvelles vocations. Nous n’avons pas besoin que tous les chrétiens s’engagent à plein temps dans la défense de la famille, dans la lutte contre la pauvreté ou dans une carrière politique. Mais ceux qui se reconnaissent cette vocation devraient être encouragés dans ce chemin par l’Église et les mouvements d’unité évangélique comme les Alliances Évangéliques (ou le CNEF en France).
  • De faire le point, de confesser leurs manquements et de s’engager pour l’avenir. Une déclaration devrait pouvoir faire l’objet d’un usage « liturgique » qui en facilite l’appropriation personnelle et communautaire.

Une déclaration devrait pouvoir faire l’objet d’un usage « liturgique » qui en facilite l’appropriation personnelle et communautaire

Être à la fois radicalement chrétien et connecté avec la réalité

Une déclaration sur l’engagement chrétien dans la société devrait à la fois être fondée sur l’Écriture Sainte, entraîner à la suite du Christ et être connectée avec la réalité.

Le souci d’être lisibles par nos contemporains non-chrétiens peut nous pousser à mettre sous le boisseau une partie du message biblique. Plus souvent encore, l’acceptation de pensées courantes autour de nous déforme notre lecture de la Bible sans même que nous nous en apercevions. À cet égard il faut non seulement souligner le danger d’être indûment influencés par les idées majoritaires dans le monde actuel, mais aussi celui de suivre des courants minoritaires (qu’ils soient « réactionnaires » ou « avant-gardistes ») qui ne sont pas davantage chrétiens du seul fait qu’ils sont plus marginaux. Les questions liées à la lutte contre la pauvreté, au souci de la création ou à l’engagement politique suscitent presque spontanément des prises de position idéologiques violemment contradictoires face auxquelles un besoin de discernement approfondi se fait cruellement ressentir.

D’autre part, une déclaration évangélique sur l’engagement dans la société n’aura d’utilité que si elle est profondément connectée à la réalité. Certaines questions ou affirmations ne deviennent possibles que lorsque la pensée s’affranchit des contraintes qui caractérisent le monde tel qu’il est. On peut se demander, par exemple, si certaines remises en cause radicales de la mondialisation actuelle (qui pourtant ne se diffusent que par les moyens et avec les outils de communication développés à travers cette mondialisation) ne rentreraient pas dans cette catégorie. Peut-être avons-nous besoin de méditer la mystérieuse injonction de l’Ecclésiaste à ne pas devenir juste à l’excès et à ne pas non plus être méchant à l’excès (Qo 7.16-17).

Peut-être avons-nous besoin de méditer la mystérieuse injonction de l’Ecclésiaste à ne pas devenir juste à l’excès et à ne pas non plus être méchant à l’excès (7.16-17)

Inspirer les prochains pas

Celui qui lit une déclaration sur l’engagement chrétien dans la société devrait toujours pouvoir se dire : j’ai maintenant une idée de ce que pourrait être le prochain pas à faire.

Autrement dit : il est important de tracer des perspectives bibliques et de donner des éléments sur les grandes réalités du contexte dans lequel nous vivons aujourd’hui. Par exemple, le texte de la NAE sur la responsabilité civique évoqué plus haut aborde successivement : la liberté religieuse, la famille, la justice et la compassion envers les pauvres, les droits humains, la recherche de la paix et la protection de la création. Mais il faut aussi montrer à chacun comment il peut s’impliquer à son niveau. C’est d’ailleurs aussi ce que fait le texte de la NAE. Il parle par exemple de :

  • Contribuer à ce que l’Église soit, au milieu de la société, un modèle de société transformée.
  • Participer à la vie de la cité – ne serait-ce qu’en votant.
  • Participer à la réflexion chrétienne sur les sujets complexes qui caractérisent la société actuelle.
  • Prier ; rendre grâces à Dieu pour ce qu’il y a de bon dans la société actuelle.
  • Agir concrètement pour le prochain dans la détresse.
  • Réfléchir à son style de vie pour prendre mieux soin de la création.

Celui qui lit une déclaration sur l’engagement chrétien dans la société devrait toujours pouvoir se dire : j’ai maintenant une idée de ce que pourrait être le prochain pas à faire

Conclusion

Pour évaluer l’utilité d’une déclaration sur l’engagement chrétien dans la société, nous pouvons nous demander : 1. Ce qu’elle permet aux chrétiens de faire et de dire ensemble ; 2. Quel est son ancrage dans la Bible et son rapport à la réalité actuelle ; 3. Si elle nous aide à faire les prochains pas.

À l’aune de ces critères, il y a beaucoup à découvrir dans nombre de déclarations évangéliques récentes !

Nous continuerons cette réflexion sur l’utilité des déclarations en nous attardant plus particulièrement sur celle de la NAE.

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Daniel Hillion est directeur des études au SEL où il travaille depuis 2002. Il a contribué à plusieurs ouvrages et revues, notamment sur le thème de l’implication sociale des chrétiens. Il fait partie du comité théologique du CNEF. Il a une formation en philosophie et est membre de l’équipe pastorale de la partie francophone de l’Église Évangélique des Chinois à Paris.

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