Les quatre premiers versets du chapitre 12 de la Genèse rapportent la promesse que Dieu fait à Abraham. C’est une affirmation si importante qu’elle apparaît à cinq reprises, dans le récit de la Genèse, avec quelques variations (Gn 12.3 ; 18.18 ; 22.18; 26.4-5; 28.14). Va… et sois une bénédiction, tels sont les deux impératifs de Dieu pour Abraham. N’est-ce pas, d’une certaine façon, ce que Jésus ordonne, lui aussi, à ses disciples en Matthieu 28.19 : « allant[1], faites des disciples » ? Voyons ensemble comment les Écritures nous invitent à passer de Gn 12.1-4 à Mt 28.19.
Le thème de Genèse 12.1-4 est clairement celui de la bénédiction : Dieu bénira Abraham ; celui-ci doit devenir une bénédiction ; Dieu bénira ceux qui bénissent Abraham ; toutes les familles de la terre seront bénies par son intermédiaire. Mais comment comprendre cette bénédiction ? Dans le récit de la Création, la bénédiction divine est prononcée trois fois (Gn 1.22, 28 ; 2.3), dont deux suivies de l’ordre de se multiplier et de remplir la terre. C’est ensuite en Gn 9 que le mot reparaît. Dieu bénit Noé et sa famille et leur ordonne de se multiplier et de remplir la terre. Ainsi, quand on arrive à Genèse 12.1-4, le terme bénédiction doit nécessairement inclure une dimension quantitative : Dieu multipliera le nombre des gens de la famille d’Abraham, il multipliera ses biens et fera grandir sa renommée.
Les paroles de Dieu s’organisent en deux parties, introduites chacune par un impératif : Va (12.1b-2c) et sois une bénédiction (12.2d-3). Chaque impératif est suivi de trois clauses indiquant les effets de l’obéissance aux ordres divins. Le verset 4 rapporte l’obéissance d’Abraham. Ainsi s’enclenche l’accomplissement de la promesse divine. Dans une création abimée par le péché et la malédiction, comme le montrent les récits de Gn 3-11, l’espoir renaît. L’impératif d’être une bénédiction suggère qu’il s’agit d’une charge ou d’une mission confiée à Abraham. Il ne s’agit pas seulement d’être béni, avec une notion d’accroissement quantitatif, mais d’être une bénédiction. Cela dépasse la bénédiction telle qu’on la perçoit en Gn 1-11. Le sens à donner à l’expression être une bénédiction se précisera à mesure que le récit de l’Ancien Testament progressera. Elle inclura la fidélité de Dieu, la délivrance d’Égypte des descendants d’Abraham, la protection divine dans le désert, ses soins… à cause d’Abraham. Être une bénédiction consiste donc à être vecteur de la bénédiction divine.
Le cœur de l’Évangile est ici : Jésus, fils d’Abraham, est celui par lequel la promesse divine d’autrefois devient la réalité d’aujourd’hui.
Lorsque l’on se penche sur Galates 3.6-9, on remarque que Paul met quatre choses en relation : la promesse divine, la foi d’Abraham, l’intention de Dieu de bénir toutes les nations par la descendance d’Abraham et les effets salvifiques pour ceux qui ont la foi comme Abraham. Le cœur de l’Évangile est ici : Jésus, fils d’Abraham, est celui par lequel la promesse divine d’autrefois devient la réalité d’aujourd’hui. Paul et Jacques soulignent, dans leurs lettres, les deux aspects de la réponse d’Abraham, qui lui ont permis d’être une bénédiction conformément à l’injonction divine. Au cœur de cela, se trouve la foi, qui a permis à Abraham de croire aux promesses divines (Ga 3.6‑29). Jacques met l’accent sur la foi qui a poussé Abraham à obéir à l’ordre divin, ce qui a démontré l’authenticité de sa foi (Jc 2.20-24). En obéissant avec confiance à l’ordre d’aller, Abraham a, par là-même, obéi à l’ordre d’être une bénédiction. Le projet divin de bénir les nations s’est trouvé associé à une volonté humaine d’obéissance. Abraham est alors devenu vecteur de bénédiction.
Il n’est pas étonnant, ayant la même compréhension du rôle de Jésus que Paul et Jacques, que Matthieu introduise son Évangile en présentant Jésus comme fils d’Abraham (Mt 1.1). Ce qui se joue dans l’Évangile et dans la Nouvelle Alliance, trouve son point de départ explicite en Gn 12.1-4. Matthieu le souligne par une généalogie téléologique, ayant pour point de départ Abraham et pour telos (finalité) Jésus. Jésus récapitule et accomplit l’histoire commencée avec Abraham. Il n’est pas non plus surprenant que Matthieu conclue son récit par cette injonction du Seigneur : Allant, faites de toutes les nations des disciples… (Mt 28.19).
Les paroles de Jésus peuvent être entendues comme une conversion christologique du mandat abrahamique : Allez … et soyez une bénédiction … et toutes les nations de la terre seront bénies par vous. Le même projet divin de bénédiction cherche à s’associer à une volonté humaine d’obéissance. À leur tour, les disciples peuvent devenir vecteurs de cette bénédiction, par leur foi-obéissance, qui consiste à proclamer et à vivre la bonne nouvelle du salut, pour tous, en Jésus-Christ.
[1] Dans ce verset le verbe « aller » est au participe, de même pour « baptiser » et « enseigner ». Le seul impératif est « faites des disciples de toutes les nations ». C’est l’objectif de cet envoi. Les autres verbes soulignent les circonstances et la façon de remplir l’objectif de faire des disciples.”
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