Avouons-le, prier n’est pas toujours une tâche facile. Il y a bien des fois où l’on peut se sentir à court de mots. Les difficultés de la vie, la fatigue, une certaine aridité spirituelle, tout cela peut favoriser un état où l’on ne sait plus trop quoi dire à Dieu. Alors, au lieu de passer à autre chose et d’éviter la prière, voici une astuce qui pourrait bien nous aider : la « prière du cœur », aussi appelée « prière de Jésus ». C’est une courte prière adressée à Jésus que l’on répète : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pauvre pécheur ».

Son origine

Largement pratiquée dans l’Église orthodoxe, cette prière est un exercice spirituel qui remonte aux Pères de l’Église d’Orient qui reconnaissaient l’importance de l’invocation du nom de Jésus. C’est notamment avec la tradition hésychaste que cette pratique s’est développée. L’hésychasme est un courant mystique qui recherche la paix et le repos en Dieu par le silence, la contemplation et l’invocation du nom de Jésus. Cette tradition se développe dans les monastères. Le centre de cette piété est le cœur de l’homme. L’objectif est d’orienter le cœur de l’homme vers son créateur en vue d’être pleinement à l’image de Dieu, c’est ce que certains appellent la déification.

Son rayonnement

La « prière du cœur » s’est répandue dans les pays slaves tout particulièrement grâce à la Philocalie, un livre de spiritualité. Cet ouvrage explique la pratique et la présente comme une prière perpétuelle : elle appelle constamment le nom de Jésus, soit par la bouche soit par l’esprit au point qu’elle devient indispensable. On peut y voir le développement d’un sentiment de dépendance envers Dieu peu importe les circonstances de la vie. La finalité est l’union à Dieu.

Mais c’est un petit livre, les Récits d’un pèlerin russe, qui a fait sortir la « prière du cœur » du cercle des moines pour l’ouvrir aux laïcs et qui a contribué à son rayonnement au XIXème siècle. Il raconte l’histoire d’un voyageur qui rencontre plusieurs maîtres spirituels, des starets, qui l’aident à vivre le « priez sans cesse » d’1 Thessaloniciens 5.17 en pratiquant la « prière du cœur ». Le but de la répétition est de se rappeler la présence de Jésus. On peut parler d’oraison contemplative.

La « prière du cœur » était pour le pèlerin une source d’amour pour les autres personnes.

Cette pratique lui procurait des bienfaits personnels : elle l’a conduit à voir différents effets sur son esprit (paix de Dieu), dans ses sens (chaleur) et dans l’intelligence (compréhension de l’Écriture). Pour le pèlerin, c’est un état de béatitude, un bien-être et un bonheur intenses et insurpassables. La prière l’aidait aussi à contrer ses mauvaises pensées et à surpasser ses craintes. Il est vrai que la prière peut apaiser le cœur car elle rappelle une réalité plus grande que celle à laquelle nous pouvons être confrontés. Mais rapidement, il n’arrivait plus à le faire à cause de l’ennui ou du sommeil. Il fallait alors faire un effort de discipline : il répétait l’oraison des milliers de fois par jour. Une fois ces obstacles surmontés, la « prière du cœur » était pour le pèlerin une source d’amour pour les autres personnes.

La pratique de la « prière du cœur »

La « prière du cœur » est à la fois simple et difficile à pratiquer. Les Récits d’un pèlerin russe expliquent qu’il faut imaginer son cœur et placer les syllabes de la prière sur les battements du cœur. Il s’agit en fait de répéter la prière sur le rythme de la respiration. Cela permet de calmer le corps et les pensées afin que le cœur soit disponible pour Dieu. Cette prière cherche à éliminer toutes distractions de l’esprit, d’où la difficulté. C’est donc un apprentissage où Dieu est notre premier maître spirituel.

Une formule simple

La simplicité de la formule aide à éviter les distractions et à se concentrer sur la présence de Jésus. On peut parler d’un dépouillement de l’esprit. Cette simplicité rend la prière accessible à tous. La répétition de la formule peut donner l’impression d’être une formule magique. Mais, la « prière du cœur » n’est pas une fin en soi. C’est un outil pour atteindre une prière sans parole, une présence à Dieu. C’est en cela qu’elle n’a rien de magique, car la prière ne vise pas à produire quoi que ce soit mais elle aide à garder son attention sur Jésus. Ses bienfaits sur le corps et l’esprit peuvent être perçus comme des bienfaits venant de Dieu ou de simples phénomènes psyco-physiques (comme se détendre) qui sont en faveur d’une concentration sur Christ.

Mais, la « prière du cœur » n’est pas une fin en soi. C’est un outil pour atteindre une prière sans parole, une présence à Dieu.

La place de la raison

La formule peut varier et être adaptée selon nos besoins (prière de repentance, intercession pour une guérison, prière de reconnaissance, etc.). Elle enrichit un temps de prière personnel et elle nous aide aussi à nous recentrer sur Dieu pendant les différentes activités de la journée. Les transports, les files d’attente, le couché, tous ces moments peuvent soutenir une prière perpétuelle. L’avantage de cet exercice spirituel est qu’il ne demande pas d’effort intellectuel – si ce n’est d’éviter la distraction, il peut donc être pratiqué dans les temps « neutres » de la journée. La « prière du cœur » est vue comme un temps où l’on décide de mettre notre raison au repos pour laisser le relais à Dieu : c’est le cœur qui prie et non plus l’intellect. Il ne faudrait toutefois ne pas demeurer dans cet état de pause intellectuelle car Dieu nous demande de l’aimer de toute notre pensée (Mc 12.30). On se rend compte que la « prière du cœur » ne peut donc pas être la base de notre vie spirituelle car le repos pourrait laisser la place au vide…

Elle enrichit un temps de prière personnel et elle nous aide aussi à nous recentrer sur Dieu pendant les différentes activités de la journée.

Une prière ambiguë ?

Au fond, la visée de la « prière du cœur » n’est pas la pratique en elle-même, comme si elle avait un pouvoir particulier, mais l’abandon au Seigneur. Il faut reconnaître que ce type de prière ressemble beaucoup à d’autres exercices de méditation, tout particulièrement aux mantras. En fait, la grande – et seule – différence, c’est la personne à qui est adressée la prière : Jésus Christ. Alors que le mantra s’adresse à une divinité en vue d’une transformation de l’être humain, la « prière du cœur » s’oriente vers Jésus, le Fils de Dieu, et elle lui laisse libre court pour faire ce qu’il désire dans notre cœur. De même, la recherche de contrôle de l’environnement et de soi-même est absente dans la prière chrétienne. Cet exercice spirituel nous permet, non pas de nous recentrer sur nous-mêmes, mais sur Dieu, la source de la vraie paix intérieure.

Pour aller plus loin

  • Matthieu Gangloff répond à cet article dans un autre billet en proposant quelques interrogations pastorales que lui suscite la “prière du coeur”.
  • Claude Vilain, A la découverte de la prière du cœur, Saint-Prex (CH), Je sème, Dossier Vivre, n˚ 41, 2017.
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Après avoir fait une école biblique aux États-Unis ainsi qu’un stage dans une ONG au Canada, Emmanuelle a décidé de se former à la Faculté Libre de Théologie Évangélique en vue d'exercer un ministère en France. Elle aime occuper son temps libre en écoutant du Gospel et manger des plats pimentés.

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