« Dieu juge avec justice, mais il reste chaque jour un Dieu sévère » (Ps 7.11) nous dit le Psalmiste. Que voulons-nous dire lorsque nous affirmons que Dieu est juge ? Et comment exercice-t-il sa justice ? Traditionnellement, on distingue différents types de justice divine …  

La justice rectorale

En premier lieu, Dieu juge en régnant, il exerce sa justice rectorale en ce qu’il gouverne le cosmos (Ps 47.9). Contrairement aux apparences, l’univers n’est pas une réalité froide et impitoyable, mais un espace moral gouverné par un Dieu juste (Ps 14). Il ne s’agit pas de nier le mal et la souffrance, mais de rappeler qu’ils n’existent pas en dehors de la souveraineté de Dieu (1 S 2.6-7).

La justice rectorale de l’Éternel s’exerce dans l’univers visible et invisible, devant les anges et les humains : il désire que les membres de son peuple lui prêtent allégeance et lui obéissent en recherchant le bien (Ps 50). En effet, le cosmos doit refléter la nature profondément juste du créateur. En violant sa justice rectorale, le péché vient donc défigurer la bonne création de Dieu et ainsi déshonorer son gouverneur moral (Es 24.5-6). 

La justice distributive

Deuxièmement, Dieu juge en punissant et en honorant, il exerce sa justice distributive en ce qu’il s’assure que l’être humain reçoive un traitement proportionné. Il rendra à chacun selon ses œuvres, récompensant ceux qui cherchent le bien et punissant ceux qui commettent l’injustice (Rm 2.7-10). Certains théologiens parlent ainsi de justice rémunérative et justice rétributive de Dieu. Sous l’ancienne alliance, il met en place le système sacrificiel pour expier le péché (Lv 1-5). S’il s’abstenait de punir le péché, l’Éternel ne serait pas juste, pourtant dans sa liberté il peut choisir d’exercer sa patience envers ses créatures (Es 48.9).  

Certains récits nous donnent un aperçu du drame cosmique qui se déroule dans les coulisses de l’histoire : Satan joue le rôle du procureur qui accuse les humains devant Dieu grâce à la loi (Za 3.1). Loin d’être un Dieu sadique, l’Éternel ne prend pas plaisir à faire mourir le pécheur mais cherche à le pousser à la repentance (Ez 18.23). Un même sort attend pourtant tous les humains à cause du péché : la mort puis le jugement ( 9.27).  

La justice restaurative

Troisièmement, Dieu n’est pas un magistrat implacable, mais un juge compatissant. « Le Seigneur est plein de tendresse et de bienveillance il est lent à la colère et d’une immense bonté » (Ps 103.8). Il désire rétablir le dialogue avec le pécheur pour qu’il puisse s’amender et, ultimement, être réhabilité. Dès les temps immémoriaux, il juge en sauvant un reste, notamment Noé et sa famille au jour du déluge (Gn 7-9). Après cet événement cataclysmique, l’Éternel propose d’ailleurs un nouveau départ et une condition meilleure à Noé en lui confiant le mandat créationnel dans un parallèle saisissant avec Adam (Gn 9.1-7/Gn 1.26-31).

Au travers de la loi de Moïse, l’Éternel s’assure que la justice règne en Israël, avec un système de compensation et de restauration pour certaines peines (Ex 22.4-14). Si l’exil provoqué par le péché du peuple manifeste sa justice distributive, le retour en terre promise est un exemple flagrant de justice restaurative (Jr 25). Toutefois, le problème du péché persiste …  

L’Évangile ou la démonstration de la justice de Dieu

En quoi l’Évangile satisfait-il la justice de Dieu sous toutes ces formes (rectorale, distributive, restaurative) ?  

Dans le secret du conseil divin, l’Éternel avait prévu de toute éternité de faire éclater sa justice par son Fils qu’il a envoyé, au temps convenable, dans la puissance de l’Esprit (Ga 4.4). Le Fils a mené une vie d’obéissance à Dieu en accomplissant toute justice (Mt 3.15) devant les hommes et les puissances spirituelles (Mc 1.21-28). En un mot, Jésus, le Fils de Dieu, est le seul être humain parfaitement juste ayant jamais existé ( 4.15). Cependant, au lieu de recevoir la louange et l’honneur qu’il méritait, Jésus a été condamné à mort par un tribunal humain corrompu dans un déni de justice manifeste (Lc 23.21-25). Sans le savoir, les hommes pécheurs accomplissaient pourtant la volonté éternelle du Dieu trine (Ac 2.23) !   

Lors de sa Passion, Jésus le juste subit l’humiliation publique d’être livré au bois au vu et au su de tous : « la mort de Jésus est un spectacle devant tout l’univers moral[1]»ce qui démontre la justice rectorale de Dieu (Rm 3.25). Sur la croix, Jésus devient le « juge jugé à notre place[2]», il reçoit la condamnation du péché méritée par l’humanité pécheresse (Rm 8.3) ce qui satisfait la justice distributive de Dieu (Rm 4.5). La justice de Dieu ayant été satisfaite, les puissances du mal sont défaites (Col 2.14) et le procureur réduit au silence (Ap 12.10). 

Trois jours après la crucifixion, le verdict humain de mort prononcé à l’encontre de Jésus est débouté en appel par le verdict divin … La résurrection corporelle du Christ démontre son innocence (Ac 3.14-15). Lors de l’Ascension, Jésus le juste a bénéficié de la justice restaurative de Dieu en étant élevé à la plus haute place de l’univers, devenant Seigneur des seigneurs et rois des rois, c’est-à-dire juge du cosmos (Ph 2.9-11). En outre, Jésus le juste représente désormais l’humanité devant le Père et intercède pour les pécheurs comme leur avocat ! (1 Jn 2.1) Un jour, Christ reviendra pour juger les vivants et les morts (2 Co 5.10).

Jésus reçoit la condamnation du péché méritée par l’humanité pécheresse ce qui satisfait la justice distributive de Dieu

Dès à présent, tous ceux qui placent leur foi en Jésus-Christ reçoivent gratuitement la justice de Christ (Rm 10.10). Par leur union vitale avec Christ par l’Esprit, les chrétiens sont donc sauvés de la condamnation (Rm 8.1), publiquement déclarés justes (Rm 3.22) et réconciliés avec Dieu pour toujours (2 Co 5.18). Suivant leur Seigneur, ils se détournent du mal et vivent pour la justice tout au long de leur nouvelle vie (1 P 2.24).

Ainsi, Dieu est juste en gouvernant, punissant, honorant et restaurant en Jésus-Christ ! Si je me suis intéressé à la justice dans cet article, il convient de rappeler que l’Évangile démontre aussi bien la justice que toutes les autres perfections divines (comme l’amour, la beauté ou la sagesse pour n’en citer que trois). À nous d’y songer pour faire justice à la richesse biblique et toujours mieux annoncer l’Évangile de manière intelligible à nos contemporains !

 

[1] Obbie Tyler Todd, The Moral Governmental Theory of Atonement, Re-envisionning Penal Substitution, Eugene : Cascade Books, 2021, p.104

[2] J’emprunte cette expression à Karl Barth, voir sa Dogmatique IV/1, “La doctrine de la réconciliation”, chapitre 14, 2.

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Matt Moury est pasteur de l'Église protestante baptiste d'Argenteuil et missionnaire de Christ Church Cambridge, une Église anglicane évangélique. Il co-anime le podcast Le Café Théo et produit Un Café avec Henri Blocher.

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