Le numérique a aujourd’hui pris toute la place dans nos vies, il est omniprésent : smartphones, ordinateurs, tablettes, montres connectées, etc. Tout le monde est sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat, Tiktok, etc.) Nous sommes tous connectés. Ne pas être connecté aujourd’hui reviendrait à faire le choix des Amish et à sortir du monde. Or Dieu ne nous a pas retiré du monde mais nous a laissé dans le monde et nous partageons la vie de nos concitoyens. Mais la Bible nous demande de ne pas être du monde. Comment tenir cette tension en particulier dans le domaine du numérique ? Voici quelques enjeux éthiques du numérique.
Internet, c’est le règne de l’instantanéité. Un clic et j’ai accès à tout ce que je veux. Il suffit de demander à Google et Google me répond. Cela donne un sentiment de toute puissance. Cela satisfait notre moi si impatient. Or la vie, la vraie, s’inscrit dans le temps ; la croissance en maturité nécessite le temps long ; nous sommes des êtres lents à se développer : 20 ans pour faire un homme ! Quel impact cette instantanéité du numérique a-t-elle dans ma vie spirituelle ? Quelle place a la vertu de la patience dans ma vie ? Après tout, Dieu n’est pas un automate, et s’il répond à nos prières, il y répond en son temps et à sa manière. Non, dans la vie je n’ai pas accès à tout ce que je veux d’un clic de souris. Comment est-ce que je vis cette tension entre ma vie virtuelle instantanée et ma vie réelle si lente ?
Les réseaux sociaux sont devenus le lieu par excellence de rencontres, d’échanges, de discussion et de débats. Sur les réseaux sociaux, je crée le film de ma vie à coup d’images bien choisies, de like et autres commentaires et stories. Souvent, je me crée une image de moi-même, je me cache derrière un masque, je joue un rôle. Bien sûr, dans la vie réelle, nous nous créons tous des images, nous mettons tous des masques et jouons un rôle. Mais nous n’avons pas l’écran pour nous cacher. Nous sommes à nus, dans le face à face avec notre prochain. Dieu nous a laissé ce grand commandement : aimer notre prochain comme nous-mêmes. Dans quelle mesure les réseaux sociaux m’aident à aimer davantage et mieux ? Dans quelle mesure limitent-ils ce que je pourrais vivre dans de vraies relations ? Combien de temps est-ce que je passe respectivement sur les réseaux sociaux et avec ceux qui sont autour de moi ? Vous avez tous déjà rencontré ces gens assis ensemble à un café mais chacun rivés sur leur smartphone. Ça nous interroge forcément.
Les réseaux sociaux, notamment Twitter, ne s’accommodent pas de longs développements. Seulement quelques mots. Les blogs ne publient que de courts articles. Etc. Comment développer une pensée argumentée et réfléchie ainsi ? Et puis il y a les réactions en chaîne que suscite telle ou telle publication ; tout le monde y va de son commentaire… Sans toujours savoir tenir sa langue : phrase courte, phrase choc, réactions émotionnelles. Et tout cela est très facile car on est caché derrière son écran et parfois sous un pseudonyme. L’anonymat encourage le lynchage verbal. Les écrits de sagesse et l’apôtre Jacques nous avertissent sur le pouvoir de notre langue et nous incitent à la maîtrise en ce domaine. Par notre langue, nous sommes appelés à bénir et construire, et non à maudire et détruire. Comment nous en sortons-nous ? La Parole nous invite à une certaine éthique de la parole : c’est vrai dans toutes nos relations mais les enjeux me semblent décuplés sur la toile.
Le numérique, c’est invisible, c’est immatériel : pas de poubelle à aller jeter dans le bac à ordures une fois consultés mes mails ou regardées des vidéos. Et pourtant, le stockage des données numériques représente un enjeu écologique énorme ; le numérique est loin d’être neutre de ce point de vue-là. Sans compter tous les matériaux non recyclables dont sont faits nos smartphones, nos ordinateurs et nos tablettes. La Bible nous invite à préserver la création, ce qui passe par moins de déchets et plus de sobriété. Et si j’appliquais au numérique les gestes écologiques que je fais dans mon quotidien ? Et si de temps en temps je faisais un jeûne du numérique ?
Nous sommes aujourd’hui devenus incapables de vivre sans être connectés. Nous sommes tous devenus dépendants et accros aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. La question est donc de savoir jusqu’à quel point. Pour beaucoup, notre travail même nous contraint à utiliser le numérique. Mais que fais-je quand je rentre à la maison ? Est-ce que je me mets aussitôt sur ma tablette pour voir la dernière série Netflix ? Pour vérifier tous les réseaux sociaux auxquels je suis abonné ? La Parole nous invite à ne dépendre que de Dieu. Le numérique doit rester à sa juste place : un outil utile, mais rien de plus. Je dois résister à la tentation de devenir esclave de mes objets connectés (pour plus de développement sur les addictions, voir mon article « Les addictions : repères éthiques » et « Les addictions : repères spirituels pour en sortir »).
La pornographie n’est pas une invention du numérique : elle existe depuis la nuit des temps. Mais Internet a fait prendre à la pornographie une place sans précédent : on estime que 30 % du trafic internet concerne des sites et vidéos pornographiques. Nul besoin ici de souligner tous les méfaits de la pornographie : elle déforme la juste et saine vision de la sexualité que nous sommes appelés à avoir, elle instrumentalise la femme, elle se nourrit de scènes violentes, elle fleurit sur l’injustice (réseaux de prostitution), elle devient une véritable addiction au même titre qu’une drogue, elle détruit des couples, etc. Gardons nos yeux de ce spectacle affligeant et cultivons le véritable amour.
En conclusion, mon propos n’est pas de dire que le numérique c’est le diable ! Non, le numérique est à bien des égards un beau progrès fort utile, notamment à la diffusion du message de l’Évangile. Mon propos est de mettre en avant des enjeux éthiques soit spécifiques au numérique, soit anciens mais ayant pris une proportion accrue. C’est un appel à la vigilance, à la sobriété, et à la sagesse, comme en toutes choses : « tout m’est permis, mais tout n’est pas utile » !
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