Les addictions : repères éthiques (1/2)

Les addictions : repères éthiques (1/2)

Alcoolisme, drogues, porno-dépendance, workaholisme, etc. Les addictions semblent aujourd’hui se multiplier. Notre monde serait-il devenu accro ?

Il ne faut pas croire que nos Églises et les chrétiens seraient exempts des problèmes d’addiction. Ils sont aussi touchés par ce phénomène aujourd’hui si répandu.

Mais que penser exactement des addictions ? Quel regard éthique porter sur elles ?

Mais avant cela…

Les addictions : quelques chiffres

Il existe deux types d’addictions. Des addictions liées à des produits : tabac, alcool, médicaments ou drogues. Des dépendances non liées à des produits : dépendance au travail dite « workaholisme », aux jeux, au téléphone, à la pornographie, au sport[1]

Les addictions les plus fréquentes sont celles relatives aux substances psychoactives réglementées (tabac, alcool…), détournées de leur usage (médicaments, poppers, colles, etc.)  ou illicites (cannabis, cocaïne, ecstasy…)

Il y a en France 3,4 millions de personnes ayant une consommation d’alcool à risque, 14 millions de fumeurs quotidiens, 1,5 millions de consommateurs réguliers de cannabis, 500 000 expérimentateurs d’héroïne, 2,1 millions d’expérimentateurs de cocaïne, 1,9 millions d’expérimentateurs d’ecstasy[2].

Concernant les addictions liées à des pratiques, comme les jeux d’argent, les jeux vidéo, le sexe, les réseaux sociaux ou encore les achats compulsifs, les statistiques sont moins nombreuses et nécessitent d’être mieux connues. On sait cependant qu’environ une personne sur dix qui participent à des jeux de hasard ou d’argent en ligne a une pratique à risque modéré ou est un joueur excessif[3].

Prises globalement, les addictions concernent ainsi plusieurs millions de personnes en France.

Il faut aussi savoir que 20 % de la mortalité est liée aux addictions. Ainsi 70 000 décès sont liés au tabac chaque année, 49000 personnes meurent des conséquences de l’alcool chaque année en France[4].

Autant dire qu’on ne peut prendre les addictions à la légère. Elles sont un phénomène répandu avec des conséquences graves pour la santé des personnes.

À nouveau, il ne faut pas croire que les Églises et les chrétiens échappent à ce phénomène. Les addictions peuvent même toucher les pasteurs et responsables d’Églises. Bref, nous ne pouvons pas rester indifférents face à ce problème. Mais pour agir, encore nous faut-il un juste regard sur les addictions.

Les addictions : repères éthiques. Péché ou maladie ?

À lire l’Ecriture, on est spontanément enclins à qualifier les addictions de péché lié à la « chair » et aux pratiques païennes (Col 3.5 ; 1 P 4.3). La Bible est surtout concernée par l’alcoolisme et la débauche sexuelle, mais on peut étendre le verdict de l’Écriture à toutes les addictions modernes. La condamnation de ces pratiques est sans appel. Ceux qui pratiquent ces choses ne peuvent hériter le royaume de Dieu (Ga 5.19-21). Paul conseille même de ne pas avoir de relation avec de telles personnes (1 Co 5.11-13). Les addictions relèvent du péché et la seule réponse adéquate à ces pratiques est la repentance et le changement d’attitude.

Pourtant, selon les organismes de santé, les addictions sont avant tout considérées comme des maladies. Elles sont définies comme des pathologies cérébrales, c’est-à-dire des maladies mentales[5]. Les addictions sont liées à plusieurs facteurs de vulnérabilité de la personne dont, selon les recherches récentes, des facteurs génétiques. Elles conduisent notamment à une modification de l’équilibre émotionnel lié à des déséquilibres chimiques dans le cerveau.

Comment donc qualifier les addictions ? Sont-elles d’abord péché ou d’abord maladie ? Comment concilier ces données apparemment contradictoires ? Quel regard porter sur les addictions ? Selon le regard que nous porterons sur elles, notre comportement vis-à-vis des personnes concernées ne sera pas le même. L’enjeu est donc d’importance.

Il me semble que si les addictions sont péché, elles doivent d’abord être considérées comme des maladies. En fait, les addictions doivent être vues comme des maladies spirituelles. Le terme de maladie spirituelle nous permet de concilier les deux regards, le regard médical et le regard biblique. Les personnes addicts sont des malades spirituels. À cet égard, il est intéressant de remarquer qu’une association comme les Alcooliques anonymes définit l’alcoolisme comme une maladie physique, mentale et spirituelle, et met au cœur de son programme de rétablissement la dimension spirituelle. D’ailleurs, toutes les fraternités « anonymes » (outre mangeur anonymes pour les addictions alimentaires, narcotiques anonymes pour les addictions à la drogue, dépendant affectifs et sexuels anonymes pour les addictions sexuelles, débiteurs anonymes pour les problèmes d’argent, etc.) abordent le problème de l’addiction comme une maladie spirituelle et mettent la spiritualité en avant comme remède à ces troubles.

Considérer les addictions comme une maladie spirituelle nous pousse à regarder la personne dépendante comme une personne malade qui a besoin de compassion et de soin, sans pour autant négliger le travail d’introspection et de repentance que la personne aura à faire. Il me semble que la première chose dont la personne addict a besoin est un regard bienveillant, c’est l’annonce de la grâce de Dieu qui pardonne et qui libère. Dans le cheminement vers la guérison, la personne dépendante devra prendre sa part de responsabilité et se « détourner de ses mauvaises voies », mais la conscience de la grâce de Dieu doit être première, comme toujours. Ce n’est pas d’abord le Dieu juge qui regarde cette personne, c’est le Jésus médecin divin, lui qui est venu non pour les justes mais pour les malades et les pécheurs. Cette démarche première de bienveillance et de douceur vis-à-vis de la personne dépendante évitera d’enfermer la personne dans une culpabilité mortifère et paralysante qu’elle ressent déjà et lui ouvrira la voie pour reprendre sa vie en main grâce au soutien de l’Eglise et de professionnels.

Pour aller plus loin voir l’article « les addictions : repères spirituels ».

[1] https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/addictions/

[2] https://www.drogues.gouv.fr/comprendre/chiffres-cles/en-population-generale

[3] Enquête E-Games,  France 2017

[4] https://www.addictaide.fr/chiffres-statistiques/

[5] https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/addictions

 

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