On observe entre les Églises établies et les Églises de maison une sorte de regard suspicieux qui constitue une blessure au sein du corps de Christ. Une partie de ces Églises au moins devraient parvenir à se rencontrer, car chacune a quelque chose à dire à l’autre, de qui elle devrait aussi recevoir.
Pour les Réformateurs, le mot « ministère » est employé dans l’Écriture et dans l’Église dans un sens large et dans un sens plus précis. Ainsi, ils ont distingué sans les opposer le sacerdoce spirituel de tous les croyants et le « ministère public ». Luther écrit : « Dès que nous sommes devenus chrétiens et que nous avons été greffés en Christ, nous avons le droit et l’autorité d’annoncer la Parole que nous tenons de Lui, chacun selon ses dons et selon sa vocation. En effet, bien que nous ne soyons pas tous appelés au ministère public, chacun doit pourtant enseigner, instruire, consoler et exhorter son prochain avec la Parole de Dieu, partout où et chaque fois que c’est nécessaire. En effet, bien que nous ne soyons pas tous appelés au ministère public, chacun doit pourtant enseigner, instruire, consoler et exhorter son prochain avec la Parole de Dieu, partout où et chaque fois que c’est nécessaire. Luther
C’est ainsi que les parents doivent agir à l’égard de leurs enfants et de leurs serviteurs, et un frère, un voisin, un citoyen, un paysan, à l’égard de son semblable. Chaque chrétien peut instruire et exhorter son frère moins avancé dans la connaissance des Dix commandements, du Crédo, du Notre Père, etc. ».
Cela semble banal, mais cela ne l’est pas, et aujourd’hui encore il ne serait pas inutile de le rappeler en maints endroits.
Mais Luther ajoute : « Bien que nous soyons tous prêtres (c’est-à-dire serviteurs de Dieu), nous ne pouvons ni ne devons tous, pour autant, prêcher, enseigner et diriger. Mais dans la foule des croyants, nous devons choisir ceux d’entre eux auxquels nous confierons cet office. Et celui qui en assume la charge n’est pas fait prêtre par cet office – car tous le sont – mais il est le serviteur de tous les autres. »
Que désigne l’expression « ministère public » ? « Le ministère chrétien est appelé “publicˮ non à cause du lieu où il exerce ses fonctions, mais parce qu’il est accompli au nom et par l’autorité de la congrégation, de telle sorte que même les fonctions accomplies en privé font partie du ministère public », écrit Luther. Les ministères reconnus par l’Église agissent pour elle, avec elle, mais aussi en son nom et plus particulièrement au nom des congrégations locales. On le voit par exemple quand un missionnaire est envoyé : il va au nom et avec l’appui de ceux qui l’envoient (Ép 6.19).
Bien qu’il soit d’institution divine, il n’est pas nécessaire d’une façon absolue. En effet, tous les croyants sont tenus d’annoncer l’Évangile, de s’instruire et de s’exhorter les uns les autres. Luther disait que « le monde peut devenir si épicurien que l’on ne trouvera plus aucun ministère public chrétien sur la terre, de sorte que l’Évangile ne sera préservé que dans les foyers chrétiens, par les parents chrétiens ».
La nécessité absolue ne s’applique qu’à l’usage de la Parole de Dieu et en particulier à celui de l’Évangile de Christ sans lequel aucun homme ne peut être sauvé. Il n’empêche que, même s’il n’est pas absolument nécessaire, le ministère public ne doit pas être méprisé. Le mépris du ministère public, disent les Réformateurs, trouve son origine dans le mépris du Christ et de son Évangile.
Luther enseigne que le ministère pastoral étant celui de la Parole de Dieu, les croyants sont tenus d’obéir à leurs pasteurs aussi longtemps que les pasteurs sont de vrais serviteurs de la Parole (Hé 13.17 ; Lc 10.16). Mais s’ils s’écartent de cette Parole, ils n’ont plus aucune autorité, et leurs auditeurs doivent refuser de leur obéir, pour motif de conscience (Mt 23.8 ; Rm 16.17).
Calvin, lui aussi, dit que l’autorité des pasteurs est liée à celle de Christ, tout en précisant que « chaque membre est tenu d’apporter ce qu’il pense juste, à condition que cela se fasse décemment et par ordre, sans troubler la paix ni la discipline ».
Ce sujet est malheureusement trop souvent problématique. C’est un constat. Les pasteurs ont à la fois trop de pouvoir et sont considérés comme des valets ! Ce n’est pas bon. Peu de vocations, somme toute, et un taux d’abandon relativement important. Dans bien des cas, on peut se demander si le pasteur est plutôt un atout ou un obstacle à l’avancement de l’Église. Quand je dis « avancement », je veux dire maturité, ce qui est autre chose que d’avoir des réunions et des activités.
Il y a à cela une foule de raisons. On peut mentionner le modèle clérical hérité du catholicisme, l’influence du Siècle des Lumières et le Concordat (en France) qui ont fait du pasteur un notable, un intellectuel sur le modèle universitaire. Il y a, depuis 1905, le modèle associatif qui fait du pasteur le permanent salarié de l’Église, avec un cahier des charges multi-directionnel qui le contraint à avoir un ministère touche-à-tout et superficiel. Il y a enfin le modèle inspiré par la psychanalyse qui fait de l’accompagnement le maître mot du ministère. Accompagner est certes important et cela peut manquer dans beaucoup de cas. Mais un berger ne fait pas qu’accompagner son troupeau : il le dirige, et tous ne sont pas appelés à le faire.
Avec ces diverses dérives, on est loin du modèle biblique christocentrique et d’une Église où Dieu se sert de chaque chrétien « comme un ouvrier se sert de son instrument » (Calvin). Il serait utile que chaque Église ou fédération d’Églises examine son héritage propre et prenne conscience de ce qu’il peut y avoir d’injuste dans sa manière de reconnaître les ministères. Acceptons que l’habitude ne soit pas une manière suffisante de légitimer une pratique. Acceptons aussi de ne pas regarder comme anodin ce qui affecte la prééminence de Jésus-Christ et le témoignage rendu par chaque chrétien, considéré comme un serviteur ou une servante du Seigneur.
Les citations sont principalement tirées des livres suivants :
Propos de table de Luther,
La doctrine chrétienne de J.T. Mueller (Synode du Missouri),
Calvin et la France de J.M. Berthoud (L’Age d’homme, 1999)
Martin Luther, Jean Calvin, Contrastes et ressemblances de Jacques Blandenier (Excelsis, 2008)
Jean Calvin et la mission de l’Eglise d’Andreww Buckler (Olivétan, 2008)
Calvin et la formation des pasteurs, article de JM Berthoud dans la Revue Réformée (n° 201, 1998/5)
Histoire du Protestantisme. Emile Léonard, tome 1
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