Un sondage Ifop de 2010 parlait de « l’irruption des évangéliques ». Celui de 2017 de l’Institut Ipsos commandé par la Fédération Protestante de France et le journal Réforme et publié le 18 octobre, confirme cette tendance : la présence de plus en plus importante des évangéliques. Pour planter le décor : en 2017, la France compte 2 millions de protestants sur les 65 millions de Français en métropole. Il s’agit de 3% de la population, dont on peut compter 600 000 luthéro-réformés, 600 000 évangéliques et 800 000 que l’on a du mal à identifier. Cela vaut la peine qu’on s’y attarde quelque peu, le temps d’un article.
La partie positive de ce sondage concerne le chiffre des conversions vers le protestantisme : 25% des protestants en 2017 ne l’étaient pas avant, une légère hausse par rapport à 2010 (22%). A noter aussi que les chrétiens évangéliques se sont plus fréquemment convertis à l’adolescence ou à l’âge adulte, que le reste des protestants. Quelques chiffres : 62% des évangéliques sont nés dans une famille chrétienne (80% chez les protestants) et 38% se sont convertis à l’adolescence ou à l’âge adulte (contre 20% chez les protestants).
D’autre part, l’engagement. Le sociologue Sébastien Fath résume dans le journal Réforme : « Pour [Luther], puis pour les autres Réformateurs après lui, l’amour de Dieu pousse au contraire à s’engager dans la société dans laquelle on vit. » Les protestants sont donc engagés dans la société, 23% d’entre eux sont dans des associations caritatives, et 30% pour ce qui concerne les évangéliques. D’ailleurs, de nombreuses associations caritatives protestantes sont actives : l’Armée du Salut, la Cimade, le Sel ou encore plus modestement la Gerbe.
L’amour de Dieu pousse à s’engager dans la société dans laquelle on vit.
Sébastien Fath
Autre domaine encourageant (pour ne pas dire soulageant) : les enjeux environnementaux. 90% des évangéliques et 90% de l’ensemble des protestants veulent davantage lutter contre le réchauffement climatique.
Qui a dit que les jeunes ne sont pas croyants ? 32 % de pratiquants réguliers ont moins de 35 ans et 21 % ont 65 ans et plus dans l’ensemble des protestants. Cette participation de la jeunesse a une explication : le dynamisme évangélique, avec des méthodes d’évangélisation plus modernes. D’ailleurs nous voyons que 37% des évangéliques ont moins de 35 ans (contre 19% chez les protestants luthéro-réformés).
La participation de la jeunesse a une explication : le dynamisme évangélique.
Concernant la catégorie socioprofessionnelle, les protestants sont finalement diversifiés, à l’image de la population française. Jean-Paul Willaime, sociologue des religions, se dit d’ailleurs « surpris de ce non-résultat » dans le journal Réforme. Alors que l’on pouvait s’attendre à une présence plus marquée des évangéliques dans les catégories socio-professionnelles modestes, ils sont aussi issus de couches aisées.
Les évangéliques sont aussi issus de couches aisées.
Pour la politique, on observe le même phénomène. Pendant longtemps, les protestants « passaient pour plus à gauche » comme le souligne l’hebdomadaire Réforme. Mais les enquêtes récentes montrent que les protestants votent de manière plus variée. Pour les chrétiens évangéliques, l’idée reçue d’être forcément conservateur est combattue. On peut voir qu’ils se rapprochent désormais du centre : 23% des évangéliques se disent proches du mouvement “La République en Marche” du président Macron, alors qu’ils sont 17% chez les autres protestants et 16% dans la population française entière.
23% des évangéliques se disent proches du mouvement “La République en Marche” du président Macron
Par contre le sondage fait ressortir quelques chiffres inquiétants. Plus de la moitié des évangéliques (54%) sont pour une forme d’euthanasie. De même, 39% des évangéliques sont d’accord pour l’ouverture du droit au mariage aux couples du même sexe. Même si cela reste loin de l’avis des protestants, ces chiffres posent question.
Au sujet des questions bioéthiques comme l’ouverture de la Procréation Médicalement Assistée (PMA) aux couples homosexuels et la Gestation Pour Autrui (GPA), les évangéliques surprennent encore. Comme le souligne Luc Olekhnovitch, président du Comité d’éthique évangélique, pour Réforme : « Certes, il y a un décalage chez les évangéliques par rapport à l’opinion dominante mais il est moins important que je ne le pensais : 33 % d’évangéliques pour la PMA étendue à toutes et 35 % pour la GPA, c’est beaucoup ! Il faut distinguer les responsables, qui ont un avis plus tranché, de la base des fidèles, plus fluctuante et sensible à l’expérience ».
33 % d’évangéliques pour la PMA étendue à toutes et 35 % pour la GPA, c’est beaucoup !
Luc Olekhnovitch
Ensuite, on remarque avec surprise des sentiments contrastés vis-à-vis de l’immigration. Alors qu’une faible majorité (59%) des évangéliques sont d’accord pour accueillir les immigrés, 70% pensent qu’il y en a trop en France (contre 63% des protestants luthéro-réformés) ! Peut-être faut-il rajouter à cela le triste chiffre des sympathisants évangéliques au Front National : 17% ! Alors qu’ils sont 12% chez les autres protestants et 12% chez la population entière…
70% des évangéliques pensent qu’il y a trop d’immigrés en France.
Finalement, un chiffre a de quoi rendre perplexe. 30% des évangéliques sont non « pratiquants » et 36% lisent très rarement ou jamais leur Bible. Si nous nous qualifions d’évangéliques, l’un des critères (selon le sociologue Sébastien Fath qui s’appuie sur David Bebbington) est l’engagement, le militantisme: une foi chrétienne qui se voit dans le monde mais aussi dans la piété… Paradoxal.
Une remarque finale pour contrebalancer ce que nous venons de voir. Nous pouvons observer que sur certains sujets, quand on regard les chiffres concernant l’ensemble des protestants, la pratique cultuelle a une influence. La preuve, au sujet de l’accueil des immigrés, les pratiquants réguliers y sont favorables, tandis que c’est l’inverse pour l’euthanasie et la PMA. « Le critère qui fait la différence est un rapport plus ou moins forts à l’Ecriture sainte » analyse Luc Olekhnovitch.
Bien sûr, il s’agit de sondages, bien sûr il y a une marge d’erreur. Mais cette étude sur le protestantisme nous permet d’avoir une vision globale sur le phénomène, où nous sommes inclus, nous, évangéliques. Ceci devrait nous remettre en question, nous faire agir sur certains de nos comportements et peut-être changer. Les chiffres poussent parfois à l’action.
Cette enquête IPSOS auprès des protestants de France a été financée par la Fédération protestante de France et l’hebdomadaire Réforme. L’enquête s’est déroulée du 5 septembre au 3 octobre 2017 en France métropolitaine et a porté sur un échantillon de 500 protestants âgés de 15 ans et plus, y compris les 26 % qui ont préféré se qualifier de « chrétiens évangéliques ». Cet échantillon de protestants, qui ont répondu par Internet, a été extrait du panel IPSOS constitué d’un échantillon représentatif de la population française de 31 155 personnes. La marge d’erreur des réponses des 500 personnes étant de plus ou moins 4,5 points, seules les différenciations les plus fortes selon tel ou tel critère (sexe, âge…) peuvent être prises en compte (Note de l’hebdomadaire Réforme).
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