J’enfonce certainement des portes ouvertes en formulant cette constatation : nous sommes nombreux, dans nos églises, à utiliser les réseaux sociaux. Et à raison peut-être ? Car il est évident que ces nouveaux outils nous offrent de grandes opportunités de témoignage, de communication entre frères et sœurs : on se partage des versets avec de belles illustrations sur Facebook, on crée des groupes WhatsApp pour partager nos sujets de prières, on peut garder contact avec nos frères et sœurs éloignés … Mais est-ce pour autant la seule partie de l’histoire à retenir ?
Au cours de son histoire, le mouvement évangélique a su profiter en pionnier des innovations contemporaines pour la diffusion et l’actualisation de l’Évangile. Mais la réalité, il me semble, est que nous évangéliques sommes peut-être parfois moins pionniers pour réfléchir à l’impact de ces innovations dans nos vies quotidiennes et dans la société. Sur le sujet qui nous intéresse ici, il est étonnant d’observer ces dernières années une prise de conscience grandissante des déviances du digital par notre société contemporaine ; une remise en question amenée non tant par l’Église mais par le « monde » : des sociologues, des jeunes blogueurs, des politiques et même les anciens fondateurs de ces plateformes.
Une remise en question amenée non tant par l’Église mais par le « monde »
Car des questions se posent inévitablement : les réseaux sociaux nous ont-ils transformés ? Pensons-nous ou vivons-nous différemment à cause de ces nouveaux outils ? Quel est leur impact sur l’Église ? Sur notre vie chrétienne ?
Dans cette courte série d’articles, nous réfléchirons ensemble à ce vaste sujet en tentant de comprendre comment les réseaux sociaux fonctionnent et quel impact peuvent-ils avoir sur nous. Mais avant cela, entamons les hostilités par une première question : comment un simple moyen de communication peut-il transformer la société ?
« Le moyen, c’est le message ». Ce concept surprenant fut amené par Marshall McLuhan, un philosophe et sociologue canadien et premier théoricien des médias. Que voulait-il dire ?
Quand nous transmettons un message à quelqu’un par un moyen, le message est a priori le contenu en lui-même. Mais McLuhan proposa en 1967 de considérer l’inverse : et si l’élément réellement important dans la communication n’était pas tant le contenu mais le moyen par lequel il est communiqué ?
Pour appuyer son propos, le théoricien propose de regarder l’évolution de la société suite aux changements de ses canaux de communication : de la transmission orale au développement de l’écrit, à l’invention de l’imprimerie, du télégraphe, du téléphone, à la diffusion de la radio et de la télévision, et enfin, même si le théoricien n’était plus là pour l’observer, à l’entrée dans l’ère du digital. Chacune de ces technologies, à travers son fonctionnement mais aussi ses opportunités et ses limites, a influencé sur le long terme la manière dont l’être humain communique et reçoit l’information. En effet, notre cerveau et nos sens s’adaptent de façon épatante au moyen par lequel nous est communiqué un message : nous n’utilisons pas les mêmes capacités cérébrales, nous ne communiquons pas à la même vitesse, nous n’interagissons pas de la même façon. Et en changeant ces quelques paramètres, le moyen change subtilement le message lui-même. Ainsi, l’écran de télévision, la page d’un livre ou une vidéo sur Facebook incluraient intrinsèquement une partie du message – un concept que les publicitaires ont très rapidement su saisir.
Lorsque la technologie transforme notre manière de penser, nous devenons d’une manière paradoxale le produit de notre invention.
Mais, pour le philosophe, l’impact va bien au-delà. Le constat est tel qu’à travers notre capacité d’adaptation, ce n’est pas uniquement le message qui change, mais aussi la manière dont nous pensons. Lorsque le moyen de communication est suffisamment diffusé au sein de la société, c’est alors la société elle-même qui se transforme. Lorsque la technologie transforme notre manière de penser, nous devenons d’une manière paradoxale le produit de notre invention.
Or, quand nous parlons d’un moyen de communication qui est utilisé par près des deux tiers de la population française et plus de 90 % des 18-24 ans, que nous savons que Facebook, Messenger et WhatsApp gèrent à eux seuls 60 milliards de messages par jour dans le monde, nous pouvons (plutôt nous devons !) être interpellés et réfléchir sérieusement aux conséquences de ce moyen dans notre société, dans nos Églises et dans nos vies personnelles.
Nous pouvons (plutôt nous devons !) être interpellés et réfléchir sérieusement aux conséquences de ce moyen dans notre société, dans nos Églises et dans nos vies personnelles.
Oui les réseaux sociaux nous offrent de nouvelles opportunités mais par la même occasion de nouveaux défis. A l’ère de la digitalisation de la communication, prendre du recul et confronter nos pratiques à la lumière des caractères de l’Evangile s’avère toujours aussi primordial. Dans cette réflexion, l’Église a certainement un rôle important à jouer afin de trouver ensemble, et avec l’aide de Dieu, une parole prophétique pour nos contemporains et un équilibre dans notre usage des réseaux sociaux au quotidien.
Rendez-vous dans les prochains articles pour continuer la réflexion !
Ce contenu a été initialement rédigé pour la Revue de l’Union de l’UEEL, et reproduit sur Point-Théo avec leur aimable autorisation. Nous les en remercions !
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