La similitude sert de passerelle à l’esprit quand il doit accéder aux choses nouvelles. Pour l’aider à s’ouvrir au mystère de la Trinité, des prédicateurs sans nombre ont cherché des analogies, des associations du principe d’unité avec celui du multiple. Puisque la divinité du Créateur reluit dans ses œuvres (Rm 1.20), puisque les créatures reflètent chacune une parcelle de la richesse divine, ils ont espéré trouver des traces, des « vestiges » de la Trinité dans le monde.
C’est à bon droit qu’on se lance dans cette enquête. Il faut seulement se rappeler que toutes les analogies sont boiteuses (És 40.25), et qu’on ne trouve nulle part, parmi les créatures, la parfaite coïncidence de l’unité et de la pluralité, ni leur rigoureuse implication réciproque, qu’on doit adorer en Dieu. On ne voit nulle part de stricte tri-unité : c’est pourquoi la raison naturelle, prétendant ériger en règles ses habitudes mondaines, bute sur le mystère révélé. Mais des reflets se laissent reconnaître partout, certains moins pâles que les autres, ils tournent notre regard vers la lumière incréée, et il est utile de les mettre en valeur.
Certaines analogies tirées de la nature physique paraissent bien grossières : triades du soleil, du rayon et de la chaleur ; de la racine, de la tige et du fruit ; de la source, de la rivière et de la vapeur. Le degré d’unité y est le plus bas. De grands docteurs, cependant, ne les ont pas méprisées (Tertullien, Basile) ; à leur rang modeste, elles peuvent suggérer une unité trine.
D’autres sont plus raffinées. Saint Augustin appréciait celle de la mesure, du nombre et du poids. Dans un livre original, peu conformiste, le théologien-prédicateur américain Nathan R. Wood découvre la tri-unité au cœur de l’univers considéré scientifique et philosophiquement (The Secret of the Universe. God, Man and Matter, Eerdmans, 1955). On peut critiquer sa tendance à traiter de simples abstractions comme des réalités, sa définition de l’espace comme extension de la puissance divine ; on peut discuter sa tri-unité de la matière, énergie-mouvement-phénomènes ! ; mais on reste frappé de l’analyse de l’espace et du temps.
Les trois dimensions de l’espace forment un seul espace, qui n’existe qu’une fois, et tout l’espace appartient à chaque dimension
Les trois dimensions de l’espace (euclidien !) forment un seul espace, qui n’existe qu’une fois, et tout l’espace appartient à chaque dimension ; elles sont impossibles à confondre et impossibles à séparer. Sur tous ces points, la similitude avec la tri-unité divine est remarquable. On peut en dire autant du passé, du présent et de l’avenir (notons qu’à la fin le temps tout entier aura été avenir, et présent, et sera passé) ; cette analogie ajoute un ordre (en commençant par l’avenir), ce qui correspond à la troisième donnée fondamentale de la doctrine trinitaire. Ce qui manque, bien sûr, c’est le caractère personnel des rapports.
On peut attendre de l’homme, créé en image de Dieu, qu’il recèle les plus beaux exemples de tri-unité. Les théologiens avertis, cependant, excluent celle qu’on tire parfois de la division « trichotomiste » de l’homme : esprit, âme et corps, conception marginale dans l’histoire de la théologie évangélique. Non seulement la division tripartite est mal fondée (elle s’accroche au sens apparent d’un texte, 1 Th 5.23, en négligeant l’étude systématique des termes « âme » et « esprit » dans l’original), mais même s’il fallait l’admettre, elle fournirait la plus mauvaise des analogies de la Trinité : les trichotomistes posent trois substances, d’inégale dignité, qui s’additionnent comme parties d’une seule personne, alors qu’en Dieu, trois personnes, éternellement égales, sont une seule substance, et sans division possible !
L’analogie tirée de la société familiale, père, mère, enfant, mérite, elle, mention. Certes, son insuffisance saute aux yeux : l’unité de la cellule familiale n’offre que le reflet le plus affaibli de l’unité de Dieu, et les personnes en font « partie » (ce qu’il ne faut pas dire des personnes de la Trinité). Mais en utilisant les noms de Père et de Fils, l’Écriture cautionne cette analogie (voir Ép 3.14-15). On aurait un argument supplémentaire si on suivant Karl Barth (après D. Bonhoeffer et W. Vischer) sur la création à l’image de Dieu : si « homme et femme » expliquait « à l’image de Dieu » en Genèse 1.27 (« notre image » a dit le Dieu Trinité au verset 26), alors le couple dans son unité différenciée, avec sa structure ordonnatrice et l’égalité des personnes, serait une image de la tri-unité.L’analogie tirée de la société familiale, père, mère, enfant, mérite mention
(À suivre)
[Ce texte est extrait d’un article paru dans la revue Ichthus, n° 79, 1978, et publié avec l’accord de l’auteur.]
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