Un lien entre le changement climatique et ma foi ?
Le changement climatique et les questions environnementales en général sont souvent vus comme des sujets de société n’ayant pas de lien direct avec notre foi. Autant les chrétiens cherchent à faire entendre leur voix sur les questions liées par exemple à la famille ou à la laïcité, autant nous sommes souvent plus discrets lorsqu’il s’agit d’environnement.
Il me semble que l’une des causes pour notre relatif silence sur ce sujet est notre difficulté à voir ce que notre foi apporte de spécifique dans notre relation avec les enjeux environnementaux.
Pour illustrer cela, je voudrais prendre l’exemple de l’amour du prochain. Je pense que nous sommes d’accord pour dire que l’amour du prochain est un des fondements de l’éthique chrétienne. Jésus nous exhorte en particulier à aimer notre prochain en agissant envers lui comme on aimerait qu’il agisse envers nous (Mt 7.12).
L’exemple du « bon Samaritain » (Lc 10.25-37) nous montre que cet amour doit dépasser les frontières ethniques et la collecte pour les pauvres de Jérusalem montre que la solidarité de l’Église s’étend au-delà des frontières géographiques (2 Co 8-9).
Enfin, nous sommes appelés à faire des pauvres les premiers bénéficiaires de notre amour généreux. Parce qu’ils ont particulièrement besoin d’être secourus, notre Roi juste choisit de s’identifier particulièrement à eux et de s’associer à ceux qui les secourent (Mt 25.31-46).
Les pauvres et le changement climatique
La question est donc : en quoi l’amour du prochain est lié au changement climatique ?
En étudiant la question du changement climatique, j’ai découvert à quel point c’était un problème qui touche, et va toucher de plus en plus les populations les plus pauvres de la planète. Si la question du changement climatique m’apparaît aujourd’hui très liée à ma foi, c’est d’abord parce que je sais que des dizaines de millions de personnes, pauvres pour la plupart, souvent chrétiennes, voient leur vie être profondément altérée à cause du changement climatique. Ce sont mes prochains, mes frères et mes sœurs, souvent à l’autre bout du monde, qui voient leurs habitats être détruits, leurs moyens de subsistance disparaître, leurs territoires être inondés et leur santé se détériorer.
Les pays pauvres sont en première ligne pour deux raisons :
- Leurs écosystèmes sont souvent plus fragiles (notamment en Afrique sub-saharienne),
- Et leurs capacités à faire face sont plus limitées (financièrement, politiquement et technologiquement).
Ainsi, si l’on regarde une carte du monde représentant l’indice de vulnérabilité au changement climatique (source : Kim, Joo-Chang & Chung, Kyungyong, 2017), on obtient une carte qui ressemble à l’inverse d’une carte de PIB :
Ce n’est donc pas une exagération de dire que ce sont les habitants des pays pauvres qui sont les premières victimes du changement climatique.
Notre responsabilité
Avec le changement climatique, cette responsabilité d’aimer notre prochain dont l’environnement est devenu quasiment invivable présente une spécificité notable. L’enseignement du Nouveau Testament parle de l’importance de répondre aux besoins de nos frères et sœurs (p. ex. Jc 2.14-17 ; 1 Jn 3.17-18), en supposant que nous ne sommes pas la cause de leurs besoins. Avec le changement climatique, les plus pauvres sont les victimes d’un problème dont nos modes de vie sont la cause.
Ce sont les niveaux d’émissions de gaz à effet de serre des pays riches qui sont la source du changement climatique. Au moins dans un premier temps, nous allons peu souffrir du changement climatique parce que nous vivons en général dans des écosystèmes naturellement résilients et parce que nous avons les ressources pour nous adapter, alors que les habitants des pays pauvres subissent les conséquences des émissions dont ils ne sont pas responsables. À titre d’exemple, nous ne sommes pas égaux face à la sécheresse. En Californie (États-Unis), plus de 80 % des terres arables sont irriguées tandis qu’elles sont moins de 1 % au Niger, au Burkina Faso et au Tchad (source : Oxfam).
Ce graphique présentant le pourcentage des émissions de CO2 en fonction des niveaux de revenus montre bien à quel point les plus pauvres sont les victimes des émissions des plus riches :
Dans ces conditions, notre responsabilité est double : 1) les aimer implique de les aider, 2) d’autant plus que nous sommes collectivement la source du problème. Bien sûr, on peut penser que c’est une « accusation » un peu aveugle contre tous ceux qui vivent dans les pays riches. Je suis peut-être relativement pauvre dans un pays riche et j’ai peut-être un mode de vie relativement simple. Mais le fait est que si vous vivez en France, sans vivre en ermite, alors vos niveaux d’émissions (et les miens) participent au changement climatique. Bien sûr, pas autant qu’un millionnaire Texan, mais bien au-dessus des niveaux visés pour limiter le réchauffement à +1,5°C.
Mon bilan carbone et ma foi
Je sais qu’en abordant ce sujet, je marche sur un terrain glissant. Pour beaucoup, c’est un sujet qu’on nous rabâche tellement qu’on aimerait au moins être tranquille lorsqu’il s’agit de notre foi. Surtout si c’est pour s’entendre dire que nos émissions rendent la vie invivable à des personnes qui n’ont rien demandé !
Malheureusement, j’ai du mal à arriver à une autre conclusion : ma foi ne me permet pas de simplement laisser mon mode de vie être une si grande source de souffrance. Parce que j’aime Dieu, alors j’aime mon prochain. Et parce que j’aime mon prochain, alors je considère que je dois limiter mes émissions de gaz à effet de serre. Je ne suis pas un modèle. J’ai encore beaucoup de progrès à faire et c’est une raison pour persévérer, pas pour abandonner. Dans ce domaine comme dans tous les autres domaines de ma vie, ma sanctification est un chantier loin d’être terminé.
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