La plupart des Églises évangéliques francophones rechignent à utiliser le terme « sacrement » pour désigner le baptême et la Cène, sans doute pour se démarquer d’autres traditions chrétiennes. Mais d’où vient ce mot et que signifie-t-il ? Tertullien (150-220), auteur du premier traité sur le baptême (De baptiso) est le premier théologien chrétien à avoir utilisé le vocable de sacrement dans un sens chrétien. Dans son usage militaire, le sacramentum désignait le serment d’allégeance prêté par les soldats à l’Empire romain.
En appliquant ce concept au baptême, Tertullien voulait signifier, entre autres, qu’il représentait la manifestation publique et physique du transfert d’appartenance et du changement d’allégeance du nouveau chrétien. Si cette vision n’épuise pas le sens du baptême, elle a été particulièrement mise en valeur par les Églises évangéliques dites crédo-baptistes (ne baptisant que les croyants). Dans cette conception, le baptême exprime corporellement un serment de fidélité envers Dieu, Jésus et l’Église …
L’allégeance au Dieu trinitaire
L’acte baptismal précède la naissance de l’Église, puisqu’il était d’abord pratiqué par Jean-Baptiste (Jn 3.23). Le rite de Jean représentait le témoignage visible de la repentance du reste fidèle d’Israël dans l’attente du Messie (Ac 19.4). Avant son départ, Jésus va en changer le sens en enjoignant les apôtres à baptiser « au nom (singulier) du Père, du Fils et du Saint Esprit » (Mt 28.20). Ainsi, un baptême n’est chrétien que s’il est réellement basé sur la foi trinitaire. Rien de plus logique : le Fils est précisément venu révéler le Père par l’Esprit (Mt 3.16-17), ses disciples devront eux aussi faire connaitre le Dieu trine au monde (Mt 28.18-20).
Lors de la cérémonie baptismale, le baptisé fait ceci en confessant son allégeance au Dieu unique qui l’a sauvé : Le Père l’a choisi pour l’adoption filiale, le Fils s’est incarné pour faire de lui son frère et co-héritier, l’Esprit a scellé son adoption. De même que la cérémonie du mariage scelle l’union maritale entre un homme et une femme, le baptême rend visible et officiel l’union spirituelle entre le Dieu trine et le baptisé. Cet acte allianciel scelle ainsi la réalité du salut accompli par le Dieu trine en faveur du régénéré qui témoigne publiquement de son appartenance à celui-ci devant le monde visible et invisible.
L’allégeance à Christ
Comme l’écrit Matthew Bates, « le baptême est le mieux compris comme l’acte initial qui confesse et incarne l’allégeance à Jésus comme roi » [1] . Lors des tous premiers baptêmes chrétiens de l’histoire, le jour de la Pentecôte, l’apôtre Pierre a encouragé les membres de la diaspora qui avaient été touchés par la prédication apostolique à reconnaitre la seigneurie de Christ par l’immersion baptismale (Ac 2.38). Ceux qui se sont exécutés ont ainsi fait la démonstration extérieure de l’œuvre intérieure de l’Esprit Saint. Cette œuvre consistait à reconnaitre que le Jésus crucifié avait été fait Seigneur et Christ par le Père (Ac 2.36).
De même aujourd’hui, par le baptême le disciple se place sous la juridiction du Seigneur Jésus et manifeste sa loyauté au Roi des rois qui est mort et ressuscité pour lui. Ainsi est mise en valeur la dimension éthique du baptême : on pourrait dire qu’il représente le premier acte d’obéissance au Ressuscité du nouveau croyant qui le prépare à une vie de fidélité à la suite du Christ. Cela implique que l’attachement à Christ dépasse toute autre allégeance (familiale, professionnelle, politique, nationale) quoiqu’il en coûte. L’exemple des chrétiens persécutés en témoigne.
Par le baptême le disciple se place sous la juridiction du Seigneur Jésus et manifeste sa loyauté au Roi des rois qui est mort et ressuscité pour lui.
L’allégeance à l’Église
De l’avis d’Alain Nisus, « devenir chrétien c’est devenir un être ecclésial ». Le Nouveau Testament ne conçoit en effet le disciple que comme faisant partie intégrante du corps de Christ (1 Co 12.13). Dès lors, contrairement à ce que l’on entend trop souvent, on ne se baptise pas, on se fait baptiser. En effet, le baptême est administré par un représentant officiel de l’assemblée. Le geste baptismal représente donc un acte ecclésial d’introduction dans la communion des saints », « le baptême est l’entrée publique instituée par Dieu dans la communauté des confessants[2]».
L’Église reconnait et accueille le nouveau membre dans la famille de Dieu en recevant sa confession de foi manifestée par son témoignage et son immersion. De plus, selon Stanley Grenz, « le rite consacre le nouveau croyant dans les pratiques partagées de la communauté des croyants qui est définie et régie par l’histoire de la vie, la mort et la résurrection du Christ[3]». Cet acte initiatique rend ainsi possible la discipline d’Eglise qui régule le corps de Christ (les croyants s’engageant mutuellement à la redevabilité), ce qui met à nouveau en évidence la dimension éthique du baptême.
Une triple allégeance à se remémorer et à perpétuer
Le sacrement du baptême constitue donc la marque primordiale de l’engagement à la fidélité du disciple c’est-à-dire le serment d’allégeance au Dieu trine pris en âme et conscience. En d’autres termes, en passant par les eaux baptismales, le croyant confesse sa foi en Christ et s’engage à le suivre dans la communion de l’Église. Cette interprétation du baptême doit être enrichie et complétée par d’autres lectures, mais elle peut rappeler aux chrétiens, qu’ils soient baptisés depuis cinq mois ou cinquante ans, leur engagement initial à la fidélité. Dans les hauts et les bas de l’existence terrestre, nous pouvons chaque jour renouveler notre triple allégeance en paroles et en actes en anticipation du jour glorieux jour où tout genou fléchira et toute langue confessera « que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2.11).
Le sacrement du baptême constitue donc la marque primordiale de l’engagement à la fidélité du disciple c’est-à-dire le serment d’allégeance au Dieu trine pris en âme et conscience.
[1] Matthew Bates, Gospel Allegiance, , p.155
[2] Stanley Grenz, The Baptist Congregation, p.34
[3] Stanley Grenz , Theology for the community of God, p.523