Parfois critiqué, d’autres fois apprécié, le culte évangélique a des traits originaux qui en font une « expérience globale », au cours de laquelle les participants peuvent à la fois entendre et vivre l’Évangile (ou certains aspects de l’Évangile).
La communion fraternelle comme expérience de l’Évangile
La communion fraternelle est habituellement reconnue comme l’une des caractéristiques, et donc comme l’un des points forts, du culte évangélique : elle précède, suit et accompagne le déroulement du culte. Elle s’exprime de différentes manières, et en particulier par la qualité de l’accueil et par les échanges qui suivent le culte, pour les deux extrémités du parcours ; mais aussi, au sein même du culte, par le chant, moyen principal d’expression de l’unité fraternelle, et par l’atmosphère cultuelle détendue qui favorise la participation et l’intégration. À cette communion fraternelle chrétienne sont intégrés les visiteurs chrétiens, qui s’y attendent et notent quand elle n’est pas présente. Y sont intégrés aussi les visiteurs non-chrétiens, qui la remarquent en particulier par comparaison avec leur expérience antérieure de l’Église.
Cette communion fraternelle, si l’on cherche à l’interpréter au-delà de la chaleur d’un accueil ponctuel, est en fait une façon de faire vivre le message qui est en même temps prêché. Dans le meilleur des cas, les paroles que vous entendez prononcer par les différents intervenants et en particulier par le prédicateur, vous pouvez en éprouver la réalité dans la communion fraternelle que vous êtes en train d’expérimenter. Et réciproquement, les paroles que vous entendez de la part des intervenants donnent du sens à l’accueil et à l’atmosphère d’unité et de chaleur que vous êtes en train de vivre.
les paroles que vous entendez prononcer par les différents intervenants et en particulier par le prédicateur, vous pouvez en éprouver la réalité dans la communion fraternelle que vous êtes en train d’expérimenter
C’est évidemment dans le meilleur des cas. La réalité n’est pas toujours aussi cohérente. Mais on peut difficilement refuser en bloc au culte évangélique cette qualité. La « communion fraternelle » peut cependant entrer en conflit avec d’autres aspects du culte, ainsi qu’avec le respect du désir d’intimité des personnes. Ce dernier cas se produit si l’accueil devient trop insistant et si la personne qui souhaite seulement « venir voir » se trouve entraînée plus loin qu’elle ne l’aurait souhaité. La chaleur fraternelle peut également entrer en conflit avec le sérieux du culte. Mais le problème vaut dans les deux sens : si la communion fraternelle donne au culte une allure chaotique, alors elle n’est plus communion car elle oublie la présence de Dieu ; mais aussi (et on l’oublie parfois), si le sérieux ou la solennité du culte empêche l’entrée en relation fraternelle et détendue des participants, alors on donne une image de l’Église qui ne correspond pas à celle de la maison/famille du Nouveau Testament.
La prédication comme annonce de l’Évangile
La prédication, de même, occupe une place importante dans le culte évangélique d’aujourd’hui. Alors que, depuis plusieurs décennies déjà, l’heure est à la réduction drastique du temps des prédications, la prédication évangélique demeure relativement longue : 20 minutes minimum en général, jusqu’à 45 minutes, voire plus dans certaines cultures et traditions ecclésiales. Le prédicateur américain Bryan Chapell, dans son manuel homilétique, suggère néanmoins de ne pas dépasser 30 minutes.
Alors que le discours oral n’est pas au mieux de sa forme, surtout s’il ne sert pas de faire-valoir à l’image, ou s’il ne joue pas sur des registres excessifs, la prédication évangélique, au moins dans sa version classique, reste un simple discours oral, dans lequel l’image, lorsqu’elle est présente, ne vient qu’en second, à l’appui de la parole.
L’espace homilétique existe donc, et la prédication n’a pas à forcer la porte pour entrer dans le culte évangélique. Elle y a toute sa place, elle y est légitime, elle est même souvent attendue. Rien ne permet de dire que d’autres éléments du culte viennent empiéter sur son territoire. Au contraire, il arrive même qu’elle oriente de son thème le reste du culte. On pourrait penser que, dans certains courants, le chant grignote de la place, mais si c’est le cas, ce n’est pas au détriment de la prédication : les Églises qui survalorisent le chant ont en général des cultes longs, et dans ces cultes longs de longues prédications…
Il ne suffit évidemment pas de disposer du nombre de minutes nécessaires à la prédication pour qu’il y ait prédication. La question se pose du rapport à l’Écriture du discours prononcé, et de son actualité. Ces deux pôles essentiels de la prédication ont parfois tendance à attirer à eux les prédicateurs, alors que la prédication évangélique devrait être à la fois scripturaire et actuelle. C’est d’une part la question de la formation des prédicateurs qui se pose ici ; et d’autre part la question de leur rapport à la réalité du monde et à la vie des auditeurs. En l’absence de contenu biblique, c’est évidemment la personnalité du prédicateur, qui devient alors un acteur, qui prend le dessus. En l’absence d’actualité, ou de pertinence, on ne peut pas parler de proclamation évangélique mais simplement de discours.
communion fraternelle et prédication se répondent, la première confirmant la seconde par l’expérience, la seconde donnant du sens à la première par le message de l’Évangile
A cette double condition, la prédication est une parole porteuse de sens, qui vient éclairer la réalité. Le culte évangélique comprend alors une proclamation biblique qui vient apporter du sens à ce qui est vécu. Comme deux éléments en dialogue, donc, communion fraternelle et prédication se répondent, la première confirmant la seconde par l’expérience, la seconde donnant du sens à la première par le message de l’Évangile.
Comme l’écrit Henry Nouwen, sur le rapport plus large entre la prédication et la vie de l’Église (qui englobe la communion fraternelle), la prédication peut devenir l’énoncé soigneux et sensible de ce qui se passe dans la communauté, de sorte que ceux qui l’écoutent peuvent dire : « Vous dites ce que je soupçonnais, vous exprimez ce que je pensais ressentir, vous mettez en évidence ce que je gardais avec appréhension au fond de mes pensées » (The Wounded Healer).
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