L’école de Jésus : un modèle de formation en présentiel

L’école de Jésus : un modèle de formation en présentiel

La pandémie de COVID-19 a obligé beaucoup d’écoles bibliques et théologiques à s’équiper pour pouvoir proposer une formation en distanciel. On peut se réjouir de ces avancées. Cela permet de rendre plus accessibles des formations de qualité. Pour celles et ceux qui sont déjà engagés dans un ministère ou qui ont des contraintes familiales importantes, la formation à distance permet de continuer à se former, à son rythme.

Il y a aussi le revers de la médaille : depuis 2021, de nombreuses écoles bibliques et facultés de théologie à travers le monde constatent la baisse du nombre d’étudiants inscrits en présentiel. Ce point est inquiétant. En effet, la formation à distance ne peut atteindre la qualité et la profondeur des études en présentiel. Il n’y a pas meilleure formation que celle qui consiste à consacrer quelques années de sa vie à étudier la Parole de Dieu, en dehors de chez soi, aux côtés d’autres étudiants venus d’horizons différents, en présence d’enseignants que l’on peut interrompre avec ses questions ou avec qui l’on peut discuter après le cours. Pourquoi ? Parce que c’est le modèle fourni par Jésus !

Le modèle de l’école de Jésus

Dans le contexte du Nouveau Testament, il n’existait pas d’université ou d’école supérieure semblable à ce que l’on trouve dans le monde aujourd’hui. Toutefois, il existait certaines formes d’écoles supérieures pour adultes. En Grèce antique, l’Académie et le Lycée à Athènes figurent parmi les plus célèbres. Chez les Juifs, on trouvait également des sortes d’écoles où étaient formés les experts de la Torah, des formations qui seront nommées plus tard « école rabbinique ». Ces écoles se constituaient généralement autour d’un « maître », rav en hébreu – d’où le terme « rabbi ». Ainsi, en Actes 22.3, Paul déclare qu’il a été éduqué « aux pieds de Gamaliel », un célèbre « maître de la Loi » de l’époque (cf. Ac 5.34).

Dans ce contexte, il est intéressant de noter que les Évangiles présentent Jésus comme ayant également constitué une sorte d’école supérieure pour jeunes adultes. Jésus est très souvent appelé « maître/enseignant » (voir, par exemple, Mt 8.19 ; 22.16, 24, 36 ; Mc 4.38 ; 9.17, 38 ; Lc 10.25 ; 11.45 ; Jn 3.2 ; 8.4 ; 13.13-14.), voire « Rabbi » (voir Mt 26.25, 49 ; Mc 9.5 ; 11.21 ; 14.45 ; Jn 1.38, 49 ; 3.2 ; 4.31 ; 6.25 ; 9.2 ; 11.8.) et ceux qui le suivent sont appelés « disciples (mathètaï) », c’est-à-dire, littéralement, des « apprenants », des « étudiants ». Ainsi, le groupe de disciples formé autour de Jésus correspond assez bien aux écoles supérieures de l’époque. Appelons-le l’ISTJ (Institut Supérieur de Théologie de Jésus).

Bien entendu, la formation à l’ISTJ avait une dimension pratique puisque les disciples accompagnaient Jésus dans sa mission et qu’ils étaient même envoyés faire des stages pratiques. Par exemple, en Marc 6, Jésus envoie ses disciples en mission (v. 7-13) puis ils reviennent « débriefer » avec Jésus (v. 30-31). Cela dit, étant donné la part importante de l’enseignement dans le ministère de Jésus, il est évident que l’enseignement biblique et théologique occupait une place fondamentale dans les études à l’ISTJ. Même si la formation impliquait bon nombre de déplacements à travers la Galilée, la Judée et la Samarie, il semble que l’ISTJ possédait un camp de base à Capharnaüm, un lieu que les évangiles de Matthieu et de Marc désignent comme « la maison » (voir Mt 9.9-10, 28 ; 13.1, 36 ; 17.24-25 ; Mc 2.1, 15 ; 3.20 ; 7.17 ; 9.28, 33.). Or, à plusieurs reprises, les textes montrent que Jésus va prendre le temps pour échanger et former ses disciples de façon spéciale, à l’écart de la foule, une fois que toute la classe est de retour « à la maison » (voir Marc 7.17 ; 9.28, 33).

Les textes montrent que Jésus va prendre le temps pour échanger et former ses disciples de façon spéciale, à l’écart de la foule, une fois que toute la classe est de retour « à la maison ».

Ainsi, Jésus a cru nécessaire de former ses disciples deux à trois ans à l’ISTJ avant de les laisser entrer pleinement dans leur ministère. On notera qu’il s’agissait d’une formation à temps complet, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ; et, donc, en présentiel.

Les avantages du modèle biblique

Pourquoi Jésus a-t-il choisi de suivre le modèle de l’école supérieure pour jeunes adultes de son époque (tout en l’adaptant et en le rendant accessible à des jeunes de famille modeste) ? Les textes laissent entrevoir plusieurs avantages.

Tout d’abord, devenir étudiant à l’ISTJ impliquait pour les disciples de tout laisser pour pouvoir se former à temps plein. Il s’agissait de quitter l’entreprise de pêche familiale ou une bonne situation de collecteur d’impôts pour adopter un mode de vie pouvant sembler plus précaire. Des choix difficiles qui n’ont pas toujours été compris par la famille et l’entourage (voir Mt 10.35 ; Mc 10.29 ; Lc 14.26). En fait, comme le rappellent de nombreux passages sur la vie d’étudiant/de disciple, tout laisser pour se consacrer pleinement à la formation… fait partie de la formation ! Il s’agit d’apprendre à vivre en « cherchant premièrement le règne de Dieu et sa justice » (Mt 6.25-34), d’apprendre à savoir « tout laisser pour suivre » Jésus (Mc 10.28-30).

Un deuxième avantage du modèle de l’ISTJ est qu’il implique une vie commune des étudiants. Les disciples ont passé plusieurs années à vivre ensemble aux côtés de Jésus. Eux qui venaient de familles différentes et de divers milieux sociaux ont pu comprendre tous les enjeux de la vie communautaire et, par extension, de la vie d’Église. Cette vie commune et cette confrontation d’idées ont contribué à leur formation. Lorsqu’ils se posent la question de savoir qui est le « premier » de la classe, le Maître en profite pour les enseigner sur les priorités du royaume de Dieu (voir Mc 9.33-37 ; 10.35-45). Étudier ensemble, ça forme le caractère ! Cette vie commune a aussi permis de développer des amitiés et des relations fortes qui se sont poursuivies après le départ de Jésus. C’est le cas, par exemple, de Pierre et Jean qui sont souvent mentionnés ensemble au début du livre des Actes (voir Ac 3.1 ; 4.13 ; 8.14-15). De la même manière, ceux qui ont passé plusieurs années ensemble sur les bancs de l’école biblique ou de la faculté de théologie conservent souvent des relations fortes sur le long terme. Ces relations, au-delà des dénominations, des milieux sociaux ou des lieux d’origine, contribuent à l’unité du Corps du Christ. Ceux qui ont suivi une telle formation gardent généralement gravés dans leur mémoire les temps d’échange, de partage, de discussion voire, parfois, de vif débat, qu’ils ont eu avec d’autres étudiants. Étudier ensemble, c’est aussi s’encourager les uns les autres et s’entraider, voire réviser ensemble.

Ces relations, au-delà des dénominations, des milieux sociaux ou des lieux d’origine, contribuent à l’unité du Corps du Christ.

Un troisième avantage du modèle de l’école de Jésus est qu’il permet de vrais échanges entre l’enseignant et les étudiants/disciples. Les évangiles rapportent, à plusieurs reprises, des questions posées par les disciples à Jésus lorsqu’ils sont seuls avec lui (voir, par exemple, Mc 4.10 ; 7.17 ; 9.28). Certes, le distanciel permet aussi généralement de poser des questions. Mais, ceux qui ont expérimenté les deux formats l’auront remarqué, le contact et l’échange ne sont pas les mêmes qu’en présentiel. Rien ne peut remplacer l’expérience de la « salle de classe », lieu d’échange et de débat.

On pourrait encore mentionner d’autres avantages, plus pragmatiques. Le fait de pouvoir se consacrer à temps plein pour la formation a un avantage très concret : celui de progresser beaucoup plus vite que si l’on ne consacre que quelques heures par semaine. Se former dans une école ou une faculté, c’est aussi bénéficier d’un lieu propice à l’étude, à l’écart de l’agitation de la maison, avec généralement l’accès à une bonne bibliothèque de travail.

Et les finances dans tout cela ?

Si la formation en présentiel a de nombreux avantages, reste l’enjeux pratique et financier. Un tel modèle implique que d’autres financent la formation de ceux qui se préparent au ministère. C’est d’ailleurs, là aussi, le modèle induit par les évangiles. Car si Jésus a parfois multiplié les pains pour les foules, il n’a jamais « multiplié » l’argent de la caisse de l’ISTJ. Hé oui, l’ISTJ avait bien une « caisse » (voir Jn 12.6 ; 13.29) et celle-ci était alimentée par de généreux donateurs – principalement des donatrices, si l’on en croit Luc 8.1-3. Lorsque Jésus envoie ses étudiants en stage pratique, il s’attend aussi à ce que ses stagiaires soient logés et nourris par ceux qui les accueillent car « l’ouvrier mérite salaire » (Lc 10.8). Selon le modèle de Jésus, le financement de la formation ne devrait pas peser sur les épaules de ceux qui se forment, mais sur ceux qui vont bénéficier, à terme, de la formation des ministères.

Selon le modèle de Jésus, le financement de la formation ne devrait pas peser sur les épaules de ceux qui se forment, mais sur ceux qui vont bénéficier, à terme, de la formation des ministères.

Autrement dit, cela devrait être parmi les priorités financières des croyants et des Églises de financer les lieux de formation aux ministères, ainsi que les étudiants qui s’y consacrent à temps plein. Il est vrai que la formation en distanciel coûte moins cher et que l’on peut, en plus, « garder » ceux qui se forment près de soi. J’espère avoir montré que, selon le modèle laissé par Jésus, de telles économies sont une mauvaise idée. Bien sûr, la formation en distanciel a son utilité et sa raison d’être, mais cela ne devrait pas être au détriment de la formation selon le modèle de l’école de Jésus.

 

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