L’Église, le projet fou de Dieu

L’Église, le projet fou de Dieu
Nicolas Engel

Comment définir l’Église ? Voici une vaste et belle question qui a déjà reçu de nombreuses et savantes réponses ! Voici ma modeste contribution : l’Église, c’est le projet fou de Dieu !
Je m’explique 😊.

L’Église, le projet de Dieu : choisir ou être choisi ?

L’Église, c’est le projet de Dieu tout simplement parce que c’est Dieu qui choisit celles et ceux qui en font partie : c’est Dieu qui rassemble son peuple. Autrement dit, l’Église ce n’est pas notre idée mais c’est bien celle de Dieu : c’est lui qui en est l’auteur et le principal acteur. « Je bâtirai mon Église » a affirmé Jésus (Mt 16.18).

Jusque-là, tout va bien. En théorie au moins. Parce que j’ai quand même l’impression que, dans la pratique, nous avons fortement tendance à mettre cette évidence à mal lorsque nous choisissons « notre Église ». Pourquoi faites-vous partie de votre Église ? Pourquoi avez-vous choisi cette Église plutôt qu’une autre ? Est-ce que l’Église dont vous faites partie, c’est le choix de Dieu pour vous ou est-ce que c’est votre propre choix ?

Vous me répondrez peut-être que Dieu choisit de vous joindre à l’Église universelle tandis que vous, vous choisissez votre Église locale… peut-être, mais peut-être pas ! Quels sont vos critères de choix ? Comment justifiez-vous votre choix ? Que pensez-vous de vos critères et de vos justifications au regard des données bibliques ? Ça fait beaucoup de questions d’un coup 😊.

Dans son article intitulé « À la recherche de l’Église parfaite » (Les cahiers de l’école pastorale, n°113, 2019), Marc Declaudure écrit : « Les critères qui déterminent les choix, toujours très « bibliques », sont variés : trop ou pas assez de louange, de prière, de manifestations spirituelles, ou d’enseignement… (la liste est longue). Le moteur de ce mouvement est tout aussi varié. Ce sont autant d’expériences négatives de l’Église : mes frustrations, mes blessures, mes désillusions… Que répondre ? L’Église locale n’est pas une entité indépendante de ses membres. Ceux qui la composent lui donnent aussi sa saveur, sa forme, par ce qu’ils contribuent, dans ce qu’ils sont et accomplissent. De cette évidence, mesurons-nous toutes les conséquences ? ».

Choisir une Église, c’est forcément choisir des personnes…

Choisir une Église, c’est forcément choisir des personnes… ah, mais je croyais que c’était Dieu qui choisissait celles et ceux qui font partie de son Église ?

Il n’y a peut-être pas fondamentalement « contradiction », mais il y a au minimum « tension » entre l’Église, choix de Dieu, et notre choix d’une Église… ça vaut le coup d’y réfléchir sérieusement !

L’Église, le projet fou de Dieu : unité et diversité

L’Église, c’est le projet de Dieu… Et ce projet est complètement fou !

Rassembler en Jésus-Christ, par son Esprit, des personnes aussi différentes, ça tient de la gageure ! L’unité dans la diversité, quelle folie ! Mais quelle beauté également…

Et nous, dans une certaine mesure – et dans une mesure certaine même – en choisissant notre Église, nous remettons cette diversité, cette folie de Dieu, en cause : trop souvent, nous nous regroupons instinctivement de manière homogène. Au sein du christianisme, au sein du protestantisme, au sein du protestantisme évangélique, etc. !

Graham Tomlin, en exergue du livre Célébrations du dimanche de Michel Sommer, écrit ceci : « L’Église catholique romaine préserve l’importance de l’unité visible de l’Église comme présence du Christ sur la terre, comme prolongement de l’incarnation et comme lieu de croissance de la sainteté. Les orthodoxes rappellent au reste de l’Église le mystère essentiel de Dieu et du salut comme restauration de l’image divine en l’homme. Les luthériens nous rappellent que c’est la grâce de Dieu reçue par une confiance toute simple, et non pas nos propres efforts, qui rétablit notre relation avec Dieu. Les anglicans nous rappellent combien nous avons besoin d’une investigation théologique sérieuse […]. Les baptistes soulignent l’importance de l’Église locale comme expression de la vie du Christ et la nécessité d’avoir une foi adulte réfléchie plutôt qu’une foi reçue de seconde main des parents. Les pentecôtistes nous rappellent l’importance du dynamisme de la présence et de l’expérience de Dieu dans l’Esprit, de la ferveur comme de l’attente dans la louange. Ils préservent chacun à sa manière quelque chose de la richesse de la foi catholique (universelle), et ils ont de quelque manière besoin les uns des autres ».

J’aime cette manière positive de regarder les autres chrétiens. Trop souvent nous soulignons les manquements des uns et des autres… un travers culturel ? Peut-être… Quoi qu’il en soit, depuis que je porte ce regard bienveillant sur mes frères et sœurs en Christ, je n’ai cessé d’être enrichi par les trésors de leurs traditions et interpelé par les manquements de la mienne ! Mesurons-nous vraiment à quel point nous avons besoin les uns des autres pour grandir, pour atteindre « un stade de maturité où se manifeste la plénitude qui nous vient du Christ » (Ep 4.13b) ?

Au sein du mouvement protestant évangélique, les dénominations reflètent (tristement ?) nos regroupements homogènes : Thomas Poëtte aborde ce sujet dans son article L’unité de l’Église et les dénominations.

Si la mort ne peut rien contre l’Église de Jésus-Christ, avons-nous vraiment à craindre un peu de diversité ?!

Lorsque je suis arrivé comme pasteur – stagiaire à Pontivy, « notre » Église était la seule communauté protestante ; un vrai bonheur, dans le sens où celles et ceux qui voulaient vivre leur foi en Église n’avaient pas le choix ! Nous étions rassemblés par « la force des choses » (ou par Dieu ?!) alors qu’ailleurs nous aurions été séparés, chacun « chez soi » : les « charismatiques » d’un côté, les « pentecôtistes » d’un autre, les « classiques » ou « sans étiquette » d’un autre encore, etc. Bref ! Vous avez compris… Nous étions donc ensemble, et j’ai toujours encouragé, tant les uns que les autres, à vivre cette réalité comme un privilège, une grâce de Dieu. Y suis-je parvenu ? Y sommes-nous parvenus ? Pas forcément 😊. Mais j’y crois toujours. Je crois toujours à la beauté du projet fou de Dieu, et je suis plus que jamais convaincu que nos regroupements homogènes sont… un péché ! Là j’y vais peut-être un peu fort non ? Je vous laisse le soin d’y réfléchir…

Lorsque je suis arrivé à Auray (là encore nous sommes pour le moment les seuls protestants), nous avons planché en équipe sur un projet d’Église. Et le slogan suivant a émergé : « Vivre l’Église. Ensemble ». Des contributeurs dans une société de consommateurs ; une communauté dans une société individualiste : saurons-nous relever le défi ? Encore une fois, j’y crois.

« Je bâtirai mon Église, contre laquelle la mort elle-même ne pourra rien » (Mt 16.18). Si la mort ne peut rien contre l’Église de Jésus-Christ, avons-nous vraiment à craindre un peu de diversité ?! J’aimerais nous encourager à vivre le projet fou de Dieu, tel que lui l’a pensé, pas tel que nous l’avons adapté… Vivons l’Église. Ensemble !

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