Quels cantiques choisir lorsqu’on prépare un culte ? Et selon quels critères faire ce choix ?
Ma proposition n’apparaîtra pas très originale. Les deux chants que je vais recommander n’ont probablement pas besoin de l’être tant ils me semblent appréciés dans nos communautés. C’est au moins une occasion pour moi d’exprimer ma reconnaissance à celles qui les ont composés et d’essayer de comprendre un peu pourquoi et comment un chant porte ma louange ou ma prière de manière si naturelle et émouvante.
Dès les premières notes, le rythme nous introduit dans une scène majestueuse, royale. L’alternance des notes longues et de la succession énergique de deux syllabes rapprochées va se répéter tout au long du chant et maintenir l’atmosphère solennelle ainsi créée dès le début.
C’est la première marche d’une strophe qui va s’élever d’une ligne à l’autre. On commence par une note assez basse (ré), qui convient à la majesté de la scène et va laisser la place pour s’élever de plusieurs degrés, sans atteindre ces notes élevées qui donnent aux divas l’occasion de faire admirer leur talent, mais mettent les voix d’une communauté – et ses oreilles – à trop rude épreuve. La seconde marche nous fait franchir d’emblée trois degrés, du ré au sol, « couronné de mille couronnes », et c’est ensuite un degré après l’autre (sol, la, sib) qu’on parvient au si bémol qui prépare le final en la majeur.
Le refrain va s’élever, lui aussi, en quatre marches correspondant à chaque ligne, partant un peu plus haut, du fa (au lieu du ré), pour aboutir toujours au si bémol dans une progression régulière (fa-sol-la-sib).
La scène ainsi recréée par le chant est celle du chapitre 5 de l’Apocalypse, un grand classique de la louange chrétienne. La première strophe décrit la gloire de l’Agneau, la troisième la louange qui lui est adressée par les nations et les anges, la seconde, va chercher tout à la fin de l’Apocalypse l’appel de l’Église et de l’Esprit (22.17).
Accord, sur le fond, des paroles et de la musique, accord, indispensable, entre la diction des paroles et celle du chant. Les temps forts de la musique tombent régulièrement sur les syllabes accentuées du texte : Élevé à la droite de Dieu / Couronné de mille couronnes / Tu resplendis comme un soleil radieux. Sur le mot soleil apparaît une faute d’accent : il faudrait chanter soleil plutôt que soleil. Marier la musique et des paroles reste un art délicat. On se gardera de tenir rigueur de ce petit écart à une compositrice qui a su si bien accorder sa musique au rythme de ses paroles. Tant d’adaptateurs en français de chants étrangers ne semblent en avoir aucun souci et nous mettent des paroles à une musique qui en casse impitoyablement le rythme.
Marier la musique et des paroles reste un art délicat
Le chant est écrit en mode mineur (ré mineur), ce qui lui donne de la profondeur, mais tout au long du chant les accords majeurs alternent régulièrement (do majeur, fa majeur), lui donnant ainsi de la lumière. Et c’est aussi sur la lumière que se termine le couplet, en la majeur. Une lumière en attente, puisque cet accord n’est pas une finale naturelle dans la tonalité suivie. À la fin du refrain, l’atmosphère est encore accentuée par l’accord de la 4 suspendu, quelque peu dissonant et incomplet : le chant n’est pas fini, l’écho se prolonge dans l’attente de la venue de l’Agneau qui réalisera ce que le chant n’a fait qu’entrevoir.
La louange est assurément et à bon droit la forme majeure du chant chrétien, mais celui-ci ne saurait se limiter à la louange. Mon second chant est un chant de confession des péchés. Un genre plus difficile à intégrer au culte, malgré un usage liturgique très ancien. En effet, reprendre la même confession des péchés dimanche après dimanche, laisse l’impression troublante et peut-être démobilisatrice qu’on ne progresse pas dans la sanctification, qu’on retombe toujours dans les mêmes travers. Les liturgies traditionnelles, catholique ou protestante, ont eu la prudence de ne pas s’engager dans le détail de fautes spécifiques. Elles s’en tiennent à une confession générale et indistincte qui laisse en creux la place à la diversité des fautes et aux progrès dans la sanctification. Il faudrait donc se garder de répéter trop souvent le chant que je recommande et qui, lui, ne craint pas de préciser.
« Pardon, Seigneur pardon. » Dès le premier mot, le ton est donné.
Ton mineur, rythme inverse du chant précédent : une brève, une longue. Le premier « pardon », par l’écart important entre les deux notes, cinq degrés du la d’en bas au fa, traduit bien la supplication à Dieu, le second, moins important et, surtout, descendant, du fa au ré, l’humilité du suppliant. La phrase musicale qui soutient les quatre premières lignes du texte est reprise à l’identique pour les quatre suivantes, laissant le temps de l’entendre résonner. L’ensemble est suivi d’une double supplication « O relève-nous », avec un écart similaire au précédent, mais plusieurs tons au-dessus, ce qui la rend plus insistante et déchirante. Comment Dieu pourrait-il y rester insensible ? Et le chant s’achève par deux ensembles de notes identiques et régulières qui se concluent, le premier en mi et le second en ré mineur qui est l’accord naturel de la tonalité. Dans cette fin, je ressens aussi bien l’humilité du suppliant que son apaisement en présence d’un Dieu qui pardonne.« Pardon, Seigneur pardon. » Dès le premier mot, le ton est donné
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