To sing or not to sing (1)

To sing or not to sing (1)

Quels cantiques devrions-nous chanter, ou même quels cantiques aurions-nous tort de ne pas chanter… ? Pour répondre à cette question, il faudrait prendre en compte de multiples critères, musicaux, théologiques, littéraires, poétiques, sans sous-estimer les critères culturels, affectifs, traditionnels et autres ; et se demander quelle peut être la fonction de ce cantique dans les cultes de l’Église. Un cantique, ce n’est pas seulement un texte placé sur une ligne musicale ; c’est aussi un vécu collectif, un lien à une histoire, à des événements, et bien d’autres choses.

En cherchant les paroles d’un des cantiques que j’avais pré-sélectionnés, je suis tombé sur le blog de quelqu’un qui ne supportait pas le cantique en question : trop chanté, mis à toutes les sauces, bref overdose. Mais on pourrait citer d’autres personnes qui sont capables de chanter sans fin le même cantique, parce qu’il est attaché pour elles à telle période de leur vie ou à telle expérience de ferveur spirituelle de leur histoire. L’expérience collective du chant d’assemblée est riche et complexe à décrire.

L’expérience collective du chant d’assemblée est riche et complexe à décrire.

On pourrait faire des listes et des listes de propositions concrètes, mais en voilà trois. Ce n’est pas le top 3, mais ce sont trois exemples, pour réfléchir au répertoire chrétien que nous chantons. Je ne colle volontairement pas à l’actualité, car la réflexion hymnologique a besoin de la sagesse collective de l’Église, qui se manifeste notamment par l’accueil qu’elle réserve à tel ou tel chant.

Un classique : J’ai soif de ta présence

(Robert Lowry – Auguste Glardon ; ATG 261 ; JEM 423) Les paroles

La qualité poétique de ce grand classique est indéniable : rîmes, syllabes, les paroles tombent bien. La tonalité d’ensemble du cantique est assez sombre, donc peu en phase avec la mentalité actuelle : faiblesse, ennemis, ombre, souffrance, orage, effroi… Mais cette obscurité met en valeur la luminosité de la présence de Dieu, qui est la notion centrale du cantique. La présence du Seigneur est la bénédiction par excellence. Sans même appeler à la délivrance, le croyant du cantique invoque cette présence, synonyme de vie et de paix.

Le liturge peut rencontrer une petite difficulté. Ce cantique a tendance à surestimer la capacité de l’être humain à réaliser sa faiblesse et son besoin de Dieu. La soif de Dieu permanente (« chaque jour à chaque heure ») dont parle le texte ne correspond pas à l’expérience ordinaire du chrétien, qui connaît aussi des soifs moins spirituelles, parfois plus fortes. Le cantique pourrait donc nécessiter un contexte cultuel qui aide à cette prise de conscience. Ceci dit, quelque soit le contexte, il peut servir d’antidote aux discours de force et de puissance qui s’immiscent parfois dans nos cultes.

Même s’il ne traite pas de la croix, on peut proposer la Cène comme cadre, temps de la « présence réelle » du Christ dans le cœur des croyants et au sein de la communauté rassemblée. Un temps de confession des péchés pourrait aussi convenir, à condition que cette confession soit conçue comme (à mon avis) il faut la concevoir : au sens large : non la confession de péchés particuliers, mais la prise de conscience de la condition humaine, dans ses égarements, ses limites, ses faiblesses. Il faut cependant reconnaître que la culpabilité est absente du cantique. Peut-être mieux encore : des temps particuliers de la vie de la communauté : épreuve, baisse de moral, obstacle de grande ampleur. Si la personne qui préside peut conduire l’assembler à se dire : « Seigneur, à qui irions-nous qu’à toi ? », alors ce cantique constituera une réponse pleinement appropriée.

Les paroles de ce cantique ont été proposées sur une autre mélodie par le JEM 623. Même si cette nouvelle version est tout à fait sympathique, l’ancienne mélodie n’est pas inadaptée aux possibilités et aux goûts modernes. On peut donc la maintenir.

Une production française récente : À l’Agneau de Dieu

(Élisabeth Bourbouze, JEM 519) Les paroles

Parmi les belles expressions de louange de l’hymnologie francophone contemporaine, on peut citer ce cantique qui, comme la louange d’aujourd’hui dans ce qu’elle a de meilleur, porte remarquablement la foi collective, l’entraînant dans un crescendo global, et même dans plusieurs puisque la fin de chaque strophe, tant au niveau des paroles que de la musique, suggère un crescendo doxologique (célébration de la gloire de Dieu). Dans son contenu, il reprend des textes et des images de l’Apocalypse, qu’il met en musique de manière appropriée, rendant justice à ce qui semble bien être l’atmosphère de certains des hymnes du dernier livre de la Bible.

L’imagerie de l’Apocalypse implique un vocabulaire qui pourra paraître quelque peu ésotérique au néophyte ou au non-initié présent lors du culte. C’est un possible inconvénient. Selon la manière dont on se positionne par rapport à la culture, on pourra en tirer des conclusions différentes : les uns jugeront nécessaire d’accompagner le cantique de quelques paroles d’explications ; d’autres estimeront qu’un peu de mystère n’est pas incompatible avec la dimension missionnaire du culte ; d’autres encore pourrait penser qu’il vaut mieux s’abstenir de ce genre de cantique, mais ils auraient tort… Ces images font partie du langage biblique et il doit être possible de trouver un moyen de les intégrer dans le culte : les couronnes, le soleil, ne posent pas de problème ; les êtres autour du trône, ça passe ; les peuples, les nations et les anges, de même. Seuls finalement l’Agneau de Dieu (voir Jn 1.29), puis l’épouse fidèle et l’époux bien-aimé, pourraient nécessiter une explication. C’est au liturge de décider s’il veut ou non donner cette explication ; dans le cas négatif, on peut aussi laisser le participant perplexe se laisser porter par l’ensemble de l’œuvre.

L’utilisation évidente de ce cantique sera la louange collective. Cette louange ne vise pas le Dieu créateur, mais le Dieu sauveur, crucifié et glorifié, le Christ-roi de l’Apocalypse. Dans la progression logique d’un temps de louange, ce cantique ne viendra donc pas en premier. Il pourra venir après mention du salut, ou de la Seigneurie du Christ, ou du royaume. Il est aussi porteur, dans sa deuxième strophe, de l’espérance chrétienne, ce qui milite, d’ailleurs avec son caractère doxologique, pour un positionnement en finale.

Un fruit de la mondialisation hymnologique : Un chant s’élève (Hosanna)

(Paul Baloche – Brenton Brown, JEM 906) Les paroles

Même si l’hymnologie francophone occupe de plus en plus de place actuellement dans les Églises, l’apport anglophone reste significatif. Il n’y a rien de nouveau dans le fait que soient traduits des cantiques de l’anglais vers le français, mais l’ampleur du phénomène, ces dernières décennies, permet de parler de mondialisation hymnologique. L’avantage, c’est qu’on peut se sentir chez soi quand on voyage ; l’inconvénient pourrait être l’homogénéisation des styles. Nord-américain, Paul Baloche chante aussi en français, ce qui le rapproche un peu de la francophonie.

Hosanna représente bien les avantages et les petits défauts de cette mondialisation hymnologique, mais on aurait tort de se priver de ce cantique. Porteur des aspirations des croyants, aspirations qui sont en même temps freinées par la faiblesse et la peur, il affirme la liberté que donne la présence du Seigneur, son autorité (« tu es le roi ») et son salut (« le sauveur »). Ce qu’il dit peut se vivre parallèlement dans l’assemblée : un chant s’élève, l’espoir renaît, nous sommes délivrés de la peur. Comme beaucoup des cantiques contemporains, il est donc porteur d’un souffle et d’une expérience spirituelle musicale collective plus qu’une théologie mise en musique. Le refrain, aboutissement d’un bref crescendo, est une doxologie qui dit très simplement la gloire de Dieu.

Comme beaucoup des cantiques contemporains, il est donc porteur d’un souffle et d’une expérience spirituelle musicale collective plus qu’une théologie mise en musique.

Ceux qui préféreront ne pas le chanter feront remarquer que, comme d’autres cantiques contemporains, celui-ci laisse entendre que c’est à l’assemblée croyante d’accueillir Jésus (« Nous t’accueillons parmi nous, sois le bienvenu ô Jésus »). Cependant, s’il est important d’affirmer que le Seigneur précède son peuple et que c’est le Christ qui nous accueille, il n’est pas impossible de dire que nous accueillons en retour l’autorité du Christ, sa Parole, son salut (voir aussi Mt 21 et 1 Th 4.17 à propos de l’accueil du Seigneur). L’erreur que commettent d’autres cantiques, c’est de suggérer que la louange fait advenir la présence du Christ ; ce n’est pas le cas d’Hosanna. Une parole d’explication peut dissiper le malentendu. On peut ajouter la maladresse de la formule « entends le son des cœurs », qui gagnerait à être « entends le chant des cœurs » (ou autre équivalent).

Dans le déroulement du culte, ce cantique pourrait venir assez tôt, puisqu’il évoque la prise de conscience des croyants qui se trouvent en présence de leur Dieu. Mais il pourrait aussi accompagner un mouvement de renouveau après l’expression de craintes, de détresse, de brisement, soit liée au thème de la prédication ou à un moment d’humilité particulier. Il pourrait donner un élan à l’envoi final, si ce n’était que l’accueil qu’il évoque serait un peu tardif.

Pour aller plus loin :

 


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