Laxisme ou légalisme, un dilemme fatal ?

Laxisme ou légalisme, un dilemme fatal ?

La loi divine est chargée d’une telle autorité qu’elle exerce son pouvoir sur tous les hommes. Elle est bonne et parfaite, mais l’homme est faillible et répréhensible ; elle est spirituelle, mais nous sommes charnels (Rm 7.14). Chacun de nous subit donc son exigence et sa menace. Toutefois, comme un aimant magnétise ou rejette, cette loi produit des réactions opposées chez les hommes qui ressentent son pouvoir. Certains, pour lui obéir, s’en rendent esclaves, d’autres lui résistent et se révoltent. Quelle est à ce sujet, la voie que le Christ nous a ouverte ?

« Nul n’est censé ignorer la loi »

La Parole nous révèle que ces réactions sont vaines et vouées à l’échec : à cause du péché, la loi a un ministère de mort et de condamnation (Rm 5.13 ; 2 Co 3.6). Ni le laxisme, ni le légalisme ne peuvent nous délivrer de son emprise. L’équilibre et la modération ne sont, non plus, d’aucun secours dans ce domaine ; car nous n’obéissons pas à moitié à un commandement si notre éternité en dépend (Rm 2.13). La liberté ? Celle des hommes s’arrache et se défend, mais l’on ne s’affranchit pas soi-même de la loi divine. Reste la fuite. Mais que vaut la liberté d’un déserteur qui rencontrera nécessairement son maître, en cours ou au terme de son périple ? Dieu, dans sa grâce, laisse courir les hommes le temps de sa patience, mais viendra un jour où chacun devra rendre compte devant le tribunal divin de ce qu’il aura fait dans son corps, soit en bien, soit en mal (2 Co 5.10).

La loi nous enseigne ce que Dieu veut, or la volonté divine n’est pas facultative, nous n’avons pas d’autre choix que de nous y conformer. En cela, les lois de l’univers lui ressemblent : nous devons bien nous soumettre à la loi de la gravité ; même si certains l’ont défiée, par bravoure ou ignorance, celle-ci a bien fini par les rattraper… Nous retrouvons aussi ce caractère inéluctable de la législation dans les sociétés humaines. Il ne suffit pas d’ignorer une loi pour que son pouvoir s’évapore : qu’il soit ignare ou bien renseigné, un hors-la-loi est un hors-la-loi et il devra rendre compte de ses agissements. La culpabilité du pécheur est d’autant plus grande que nul – ni juifs ni païens – n’ignore la loi divine (Rm 2.14, 15).

La loi et la foi

L’autorité et l’exigence de la loi sont telles que, plus nous prenons à cœur de nous y soumettre, plus nous sentons son joug (Jc 2.10). Certains, ne supportant pas l’étau d’une telle contrainte, se révoltent et se résignent à vivre en faisant abstraction de ce qu’ils savent et qui reste pourtant enfoui au fond de leur âme. Que faire alors ? L’histoire de l’église chrétienne révèle que le rapport à la loi n’a jamais été chose simple. Pris à son piège, les pasteurs et leurs fidèles ont oscillé entre légalisme et laxisme. C’est-à-dire, entre une observation rigoureuse et justifiante de la loi (et de principes surajoutés, érigés en absolus) qui fait déchoir de la grâce (Ph 3.9 ; Ga 5.4); et un certain recul dans l’allégeance à celle-ci, allant à son égard du relativisme à l’indifférence et au mépris. « Le chrétien est libre, il n’est plus sous la loi » affirment certains, pensant se débarrasser du problème.

En effet, nous sommes affranchis de la loi et de sa malédiction : « Christ est la fin de la loi pour la justification de tous ceux qui croient » (Rm 10.4). La Nouvelle Alliance ne repose plus sur son observance et les rituels sont rendus caducs. La justification et l’héritage nous sont accordés par le seul moyen de la foi en Jésus-Christ. Pourtant, Christ lui-même n’a pas aboli la loi, mais l’a accomplie (Mt 5.17) et le régime de la foi ne l’annule pas non plus, mais la confirme (Rm 3.31). La loi ne cesse de nous indiquer ce que Dieu aime et veut, celui qui l’aime garde ses commandements (Jn 14.21). Comment ne pas en tenir compte, alors que notre vie est livrée à son service ? Mais comment obéir à la loi sans se remettre sous son pouvoir ?

La loi et l’Esprit

« La loi n’est pas faite pour le juste, mais pour les méchants » (1Ti 1. 9). Parce qu’elle s’oppose au mal et à la nature pécheresse de l’homme (la tendance de la chair), la loi préserve son rôle de surveillance et de dénonciation sur quiconque vit « selon la chair » (Ga 5.13). Ainsi, seuls ceux qui vivent selon l’Esprit, c’est-à-dire qui marchent en crucifiant la chair avec ses passions sont véritablement dégagés de son pouvoir (Ga 5.18). Si le chrétien est libéré de la loi, c’est avant tout parce qu’il est mort à ce qui le tenait captif du péché et qui faisait de lui un « méchant ». Ce changement miraculeux est le fruit d’une action du Saint-Esprit, qui rend le croyant capable d’obéir à la loi, en l’inscrivant directement dans son cœur (Hé 8.10).

Celui qui a reçu l’Esprit Saint a aussi reçu l’adoption (Rm 8.14, 15). D’esclaves ou rebelles que nous étions (Ps 68.19), nous sommes devenus des fils et des filles de Dieu. Le lien froid et provisoire de la servitude a été remplacé par celui indestructible de l’amour de Dieu en Jésus-Christ (Rm 8:38) : « l’esclave ne demeure pas toujours dans la maison; le fils y demeure toujours » (Jn 8.35). Dès lors, la crainte, la servilité de l’esclave qui cherche à gagner et conserver la faveur de son maître, laisse place au service doux et paisible de l’enfant qui se sait aimé et qui aime en retour.  Dans sa liberté et par amour, le chrétien se rend esclave de ses frères (Ga 5.13). L’amour aboutit à l’amour et la loi trouve son accomplissement (Rm 13.8-10).

Conclusion

La marche chrétienne ne se situe pas dans un équilibre entre laxisme et légalisme. On ne guérit pas de l’un par un juste dosage de l’autre, mais par la connaissance de Jésus-Christ. En accomplissant la loi, Jésus-Christ est devenu à la place de celle-ci, notre intermédiaire auprès du Père (Ga 4.4, 5). Dès lors, notre vis-à-vis n’est plus la loi, mais le Christ lui-même. Nous sommes délivrés d’une appartenance, par une appartenance supérieure (Rm 7.3, 4), d’un joug par un joug supérieur (Mt 11.29), d’une loi, par une loi supérieure (la loi de la vitesse peut nous affranchir de la gravité…). Paul ne disait-il pas : « je ne suis pas moi-même sans la loi de Dieu, mais sous la loi de Christ » (1 Co 9.21) ?

Pour aller plus loin

  • George E. Ladd, Théologie du Nouveau Testament, Editions Excelsis, 2010, « La Loi », pp.511-526.
  • Mission Timothée, Plus esclave mais fils, Editions Cocebal, 2008.
  • Pierre Gisel (sous dir.), Encyclopédie du protestantisme, PUF, 2006, « Loi », pp.831-844.
  • Timothy Keller, La prédication, Editions Clé, 2017, « Les deux ennemis de l’Évangile », pp.55-69.

3 Commentaires

  • Paul 2 juin 2018 0 h 50 min

    Bonjour, qu’entendez-vous par “Christ lui-même n’a pas aboli la loi, mais l’a accomplie (Mt 5.17)”?

  • Trackback: En lumière #24 – Semaine 22/2018
  • Guilhem Jaussaud 4 juin 2018 17 h 19 min

    Bonjour Paul,

    L’expression « la loi et les prophètes » désignait l’ensemble de la bible juive en vigueur à l’époque de Jésus. Le verbe grec traduit
    par « accomplir » qui signifie d’abord remplir (cf. Mt 13.48; Mt 23.32), est utilisé pour exprimer la réalisation des paroles des prophètes (Mt 1:22) aussi bien que l’obéissance à la loi (Ro 13.8; Ga 5.14).

    Cela signifie que la doctrine de Jésus ne contredisait pas et n’abrogeait pas l’enseignement de la loi (Mt 5.18) mais en révélait plutôt le sens complet et spirituel qui échappait aux pharisiens. La suite du passage en est une démonstration (Mt 5.20-48). Puis, Jésus a lui-même accomplit la loi et son exigence par sa vie sainte. Il a aimé parfaitement et s’est conformé en toute chose à la volonté de Dieu (Hb 10.510). Il a donc accomplit la loi tant par son message que par sa vie.

Ajouter un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués d'un *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Abonnez vous à notre Newsletter et recevez gratuitement les nouveaux articles par mail