Un sabbat forcé pour une humanité frénétique ?

Un sabbat forcé pour une humanité frénétique ?

Lévitique 26.35 : “Durant toute cette période où elle demeurera dévastée, elle se reposera pour les années de repos dont vous l’aurez frustrée le temps que vous l’aurez habitée.

S’il y a bien une chose que cette période de confinement met en valeur, c’est celle-ci : nous faisons tous partie d’une très grosse machine qui n’aime pas être arrêtée, ni même ralentie. « Mais au commencement, il n’en était pas ainsi ». Le monde que Dieu nous a donné a été créé avec un tempo ; 6 jours pour le travail, 1 pour le repos (Gn 2.2). Ce rythme, initié par le Créateur lui-même est l’une des 10 règles principales pour vivre une vie qui l’honore (Ex 20.8-11).

Mais il n’a échappé à personne que ce tempo n’est plus vraiment à la mode. Si nous faisions face à ce prof tortionnaire du film Whiplash qui demande frénétiquement à ses élèves de batterie s’ils ont tendance à ralentir ou à accélérer, il me semble que nous devrions collectivement répondre que notre tendance naturelle, depuis déjà plusieurs décennies, est à l’accélération. Cette crise mondiale apparaît pour moi comme une pause forcée dans cette frénésie généralisée. Elle sonne comme un temps mort permettant à certains de s’arrêter et peut-être, de repartir sur de nouvelles bases. Pour quelques semaines, l’humanité a l’occasion de rembourser une partie de sa dette de sabbat, envers Dieu et sa création.

Un sabbat forcé pour l’homme

Ralentir, voire s’arrêter est devenu un luxe que de moins en moins de personnes peuvent s’offrir. On nous avait promis que la mécanisation et la technologie nous donneraient une abondance de temps libre, mais force est de constater que le progrès n’a pas tenu ses promesses.

Collectivement, nous n’avons jamais autant couru ; nous n’avons jamais autant travaillé ; nous n’avons jamais aussi peu dormi, et surtout nous ne nous sommes jamais aussi peu ennuyés ! Nous découvrons peu à peu à quel point ce dernier élément n’est pas une bonne nouvelle. L’arrivée des smartphones en 2007 a marqué la fin des temps morts. Nous sommes maintenant sollicités en permanence et nous n’avons même plus l’occasion de nous écouter penser !

Non seulement nous ne consacrons plus une journée à nous arrêter, nous recentrer sur Dieu, et nous ressourcer pour vivre humainement la semaine qui vient, mais l’idée même de s’arrêter et ne rien faire nous est devenue étrangère. Nous sommes libres ! Mais qui d’entre-nous est assez libre pour passer 24h sans son téléphone et sans internet ? Qui d’entre-nous se paye-t-il encore le luxe de s’ennuyer ?

Collectivement, les conséquences sur notre santé mentale et spirituelle sont de plus en plus évidentes. De plus en plus de voix s’élèvent pour tirer la sonnette d’alarme. Si nous refusons de respecter le tempo donné par notre Créateur, nous continuerons de nous détruire en tant que créatures. Cette période, même si elle est très différente pour chacun d’entre nous peut être l’occasion de faire le point et de redécouvrir un autre rythme. Complément contre culturel, et entièrement naturel.

Un sabbat forcé pour la création

Il n’y a pas que les êtres humains qui souffrent de cette frénésie. En refusant de nous arrêter un jour par semaine, nous refusons aussi à la nature de reprendre son souffle. Le quatrième commandement concernait aussi les animaux (Ex 20.10), et la Loi prévoyait aussi une année sabbatique pour les terres cultivées (Lv 25.2-7). Mais nous, êtres « modernes et civilisés », nous avons développé des technologies pour exploiter la terre, comme jamais auparavant. Nous sommes tellement performants que ça ne nous prend que 7 mois pour consommer tout ce que la terre produit de ressources naturelles en un an1 et il faut à la France à peine plus de 2 mois pour émettre dans l’atmosphère ce que son territoire peut absorber en un an2.

Coyote dans une rue

Cette terre a bien besoin de repos et c’est précisément ce qu’elle vit depuis que nous restons chez nous. Dieu l’avait annoncé à Israël, s’ils ne laissaient pas la terre qui leur avait confiée se reposer, il les en chasserait pour qu’elle puisse recevoir son dû : « Durant toute cette période où elle demeurera dévastée, elle se reposera pour les années de repos dont vous l’aurez frustrée le temps que vous l’aurez habitée. » (Lv 26.35).

Nous avons probablement tous vu ces derniers jours des cartes montrant des niveaux de pollution de l’air radicalement inférieurs à la « normale » depuis le début du confinement (qui sait combien de vies seront sauvées grâce à cet air temporairement plus pur ?). Le cours du pétrole est en chute libre (en partie) parce que notre consommation l’est aussi. Pour quelques semaines, la terre, et en particulier les territoires qui souffrent habituellement le plus de l’activité humaine rattrapent ces sabbats qui leur ont été volé.

Carte pollution en Chine avant et après confinement

Pas de changement durable sans changer de Dieu

Alors quoi ? Ce virus serait finalement une bonne nouvelle ? Clairement pas. D’abord parce que personne ne peut se réjouir en entendant le décompte macabre qui fait maintenant partie de notre quotidien.

Mais nous pourrions espérer de cette crise qu’elle nous amène à remettre en question nos modes de vie. Nous pouvons rêver que ce sabbat ne soit pas juste un temps mort, mais un vrai changement de tempo.

Alors quoi ? Ce virus serait finalement une bonne nouvelle ? Clairement pas.

Malheureusement, la dernière fois que nous avons eu l’occasion de nous remettre collectivement en question, suite à la crise de 2008, qu’avons-nous fait ? Pour ne prendre qu’un exemple parmi d’autres, en 2009, la Chine a déployé un plan de relance de 589 milliards de dollars qui a donné lieu à des pollutions records en particulier à l’hiver 2012-2013. Après les crises, en général, nous ne changeons pas direction, nous nous « relançons » dans la même direction.

Nous ne détruisons pas la nature par plaisir. Nous ne nous détruisons pas par plaisir. Alors pourquoi n’arrivons-nous pas à ralentir ? Le problème apparaît dès le premier sabbat de l’histoire. Lorsque Dieu a dit à son peuple de récolter deux fois plus le sixième jour pour ne pas avoir besoin de récolter le septième, qu’ont-ils fait ? :

« Cependant, le septième jour, il y eut des gens qui sortirent pour faire leur provision, mais ils ne trouvèrent rien. 

Alors l’Éternel dit à Moïse :

Jusqu’à quand refuserez-vous d’obéir à mes commandements et à mes lois ?

Considérez donc que si l’Éternel vous a donné le jour du repos, il vous donne aussi, le sixième jour, de la nourriture pour deux jours ! Le septième jour, que chacun reste donc dans sa tente et que personne ne sorte de chez lui.

Ainsi le peuple se reposa le septième jour. » (Ex 16.27-30).

Pour ralentir, il faut accepter de faire confiance à Dieu. Pour ralentir, il faut accepter de ne pas accumuler pour se confier dans nos greniers. Il n’y aura pas de changement tant qu’on n’arrêtera pas de sacrifier nos vies et notre planète sur l’autel de Mamon, qui nous promet toujours plus, en nous prenant toujours plus. Il n’y aura pas de changement tant que nous ne nous reposerons pas en Dieu, notre Créateur, seul capable de pourvoir à nos vrais besoins.

« C’est donc qu’un repos reste pour le peuple de Dieu, un repos semblable à celui de Dieu le septième jour. Car celui qui est entré dans le repos de Dieu se repose de ses œuvres, comme Dieu s’est reposé des siennes. » (Hé 4.9-10).

 

 

1 Commentaire

  • Peps Cafe 27 avril 2020 7 h 54 min

    Bonjour,

    merci pour cette excellente et pertinente réflexion !
    Effectivement, comment ne pas penser à “un shabbat de la Terre” dans cet arrêt forcé de nos activités ?
    A noter que le “shabbat” n’est pas un jour de fête mais de cessation.
    Selon Deut.5v12-15, en complément des passages déjà cités dans votre article, le Shabbat a été institué pour commémorer la sortie d’Egypte, où les Israélites, esclaves, ne s’arrêtaient jamais. Bien collectif, le Shabbat est la propriété commune de tous ceux qui partagent la vie commune. La « cessation » s’étend donc à tous les proches – « fils, fille, serviteur, servante », et même animaux domestiques jusqu’à « l’émigré » admis dans la communauté nationale – afin que l’un et l’autre puissent se reposer aussi.

    Dieu a prescrit l’interruption de toute sorte de travail, écriture comprise. Et il a imposé des limites aux distances qui pouvaient être parcourues à pied ce jour-là. Le Samedi, est-il écrit, n’appartient pas à l’Adam : le Samedi appartient à la terre [Lévitique 25v2,5]. Sauf que cette injonction à la laisser respirer en s’imposant un arrêt a été ignorée, comme vous le soulignez fort bien dans le présent article.

    Il y a là un indice pour celui qui ne sait pas/plus s’arrêter : si c’est le cas, c’est qu’il est certainement « resté » ou « retourné » en Egypte !

    [Voir ma contribution à ce sujet : https://pepscafeleblogue.wordpress.com/2020/04/03/le-shabbat-de-la-terre/ ]

    Fraternellement et bon courage dans votre ministère,
    Pep’s

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