Alcoolisme, drogues, porno-dépendance, workaholisme, etc. Le phénomène des addictions est aujourd’hui très répandu et touche nos Églises, et jusqu’à nos responsables d’Églises. Comment en sortir ? Après l’analyse éthique du phénomène, voici quelques clés pour être délivré de cette maladie spirituelle.
La bonne nouvelle de la libération
Il convient ici de rappeler avec force que l’Évangile est un message de libération. Comme le proclame Jésus dans son manifeste de Nazareth (Lc 4.18-19) : « L’Esprit du Seigneur est sur moi car il m’a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé pour annoncer aux captifs la délivrance, aux aveugles le recouvrement de la vue, pour apporter la liberté aux opprimés et proclamer une année de faveur accordée par le Seigneur. »
Les personnes qui souffrent d’addiction décrivent souvent leur situation comme un esclavage : elles sont esclaves de leur dépendance et leur dépendance est vécue comme une véritable prison intérieure. L’Évangile a ici toute sa pertinence. Il est la bonne nouvelle de la libération des captifs ! La puissance de l’Évangile est aussi réelle aujourd’hui qu’au temps du Christ : elle renvoie les prisonniers libres de leurs chaînes !
Les personnes qui souffrent d’addiction décrivent souvent leur situation comme un esclavage.
La libération qu’offre l’Evangile est une libération intérieure, la libération de la puissance du péché en nous. Elle nous sort de notre condition d’esclave pour faire de nous des enfants de Dieu (Jn 8.32-35) : « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité fera de vous des hommes libres […]. Vraiment, je vous l’assure, leur répondit Jésus, tout homme qui commet le péché est esclave du péché. Or, un esclave ne fait pas partie de la famille, un fils, lui, en fait partie pour toujours. Si donc c’est le Fils qui vous donne la liberté, alors vous serez vraiment libres. »
Le renoncement à l’idolâtrie et à la toute puissance
Et si les addictions étaient la manifestation moderne de l’idolâtrie ? Pour rappel l’idolâtrie ne consiste pas simplement à adorer des statues et des bouts de bois, elle est la perversion spirituelle de la foi en le Dieu unique et vrai. Dans l’idolâtrie, je mets ma confiance et ma sécurité dans ce qui n’est pas Dieu. Quelque chose ou quelqu’un prend la place de Dieu au centre de ma vie. C’est le phénomène de la dépendance. Dans l’addiction, quelque chose ou quelqu’un prend la place de Dieu. Les personnes addicts témoignent que l’objet de leur addiction prend toute la place dans leur vie, que leur vie tourne autour de cet objet, que cet objet est devenu le centre de leur vie.
Il s’agit donc pour la personne dépendante de retrouver le vrai chemin de l’adoration, de rendre à Dieu sa place, de se repentir de la place que l’objet de son addiction a prise. Il s’agit de laisser l’idole pour confesser Dieu comme seul et unique, source ultime de toute sécurité. Ce n’est pas pour rien que les premiers commandements de Dieu, au Sinaï, concernaient l’idolâtrie. Et il est intéressant de noter que Dieu commence par rappeler au peuple qu’il est le Dieu qui l’a libéré de l’esclavage en Égypte. C’est comme si Dieu disait : je vous ai libéré ne vous remettez pas sous le joug de l’esclavage en adorant de faux dieu. Seule l’adoration de Dieu libère et nous garde libre. Il faudra donc, pour la personne addict, confesser que l’objet de son addiction a pris la place qui revient à Dieu seul dans sa vie, et s’en remettre désormais complètement à Dieu.
Il s’agit de laisser l’idole pour confesser Dieu comme seul et unique, source ultime de toute sécurité.
Avec l’idolâtrie entre en jeu aussi la notion de toute-puissance. Dans l’idolâtrie, je crois trouver la toute-puissance en maîtrisant l’objet de mon idolâtrie. C’est bien sûr un mensonge car c’est en vérité l’objet de mon idolâtrie qui me possède et me maîtrise. La personne addict a un sentiment de perte de contrôle dans sa vie et elle se raccroche à son addiction pour retrouver de la puissance dans sa vie. Même si son addiction l’anéantit, elle croit faussement retrouver du pouvoir. Elle doit donc renoncer à l’illusion de toute-puissance et s’en remettre à Dieu, seul tout-puissant. Il lui faut confesser son impuissance face à l’addiction et attendre de Dieu la force nécessaire. Il lui faut accepter d’affronter ses peurs et de ressentir une certaine insécurité pour entendre Dieu lui dire : « n’aie pas peur, je suis là, fais-moi confiance ».
Retrouver la vraie communion
Enfin, il faut dire l’importance de la communauté chrétienne, de l’Église. En effet, les personnes souffrant d’addiction ont généralement un problème de lien, de relation. Elles ont troqué la vraie communion, le vrai lien, pour le lien illusoire et mensonger que procure le produit ou le comportement. Ce n’est sans doute pas un hasard si les addictions se multiplient aujourd’hui, dans notre société individualiste et atomisée. Les gens ont soif de vraies relations, d’une communion authentique. Les personnes addict font ainsi part de leur grand sentiment de solitude et de leur soif de relation. L’addiction vient combler ces manques. Mais, mécanisme pervers de l’addiction, elle ne conduit qu’à isoler et enfermer encore plus la personne dans sa solitude.
L’Eglise offre un lieu de vraies relations, de communion fraternelle authentique, un cadre d’amour et de bienveillance.
Ici, l’Église peut véritablement jouer un rôle réparateur. Elle offre un lieu de vraies relations, de communion fraternelle authentique, un cadre d’amour et de bienveillance ; elle peut permettre à la personne addict de retrouver les liens qui lui manquent. La communion fraternelle peut être un vrai « médicament » pour la personne addict, dans la mesure où celle-ci n’est pas jugée ni exclue de la communauté mais au contraire accueillie et accompagnée. Bien sûr, il ne faut pas négliger l’intervention de professionnels de santé dans l’accompagnement de la personne dépendante ; cet accompagnement est généralement nécessaire, mais l’Église peut être un lieu de soutien dans la démarche de sortie de la dépendance.
Il y a donc une bonne nouvelle pour les personnes dépendantes de nos Églises : l’Évangile offre un chemin de libération et l’Église peut être un lieu de restauration des vies brisées.