Il y a quelques mois, Thomas Poëtte nous rappelait que même s’il y a de la place pour la diversité dans l’Église de Christ, notre habitude évangélique de créer une nouvelle dénomination un matin sur deux ne construit pas l’unité de l’Église.
Nous aurions du mal à répondre à Paul s’il nous assenait : « Il paraît que chacun de vous dit : Moi j’appartiens à Calvin et moi à John Smyth, et moi à Wesley, et moi à Douglas Scott, et moi à Darby, et moi à Henri Blocher, et moi à John Piper. Le Christ est-il divisé ? » (voir 1 Co 1.12-13)
Mais quels changements nous permettraient-ils de faire face à Paul pour lui répondre : « Nous avons grandi, nous sommes maintenant unis » ? Concrètement, quel est notre objectif en termes d’unité ?
Je n’ai aucune réponse toute faite, mais un texte m’a fait beaucoup réfléchir, c’est celui de la Concorde de Leuenberg. La quoi ? La Concorde de Leuenberg, signée en 1973, est un accord entre les Églises luthériennes et réformées d’Europe se déclarant « en pleine communion ecclésiale ». Celle-ci n’est pas un simple consensus doctrinal ne concernant que les théologiens dans leurs bibliothèques. La Concorde affirme que les Églises signataires reconnaissent qu’elles prêchent le même évangile, qu’elles administrent les mêmes sacrements, qu’elles reconnaissent les mêmes pasteurs et qu’elles peuvent célébrer des cultes ensemble (paragraphe 33 de la Concorde). La Concorde affirme également sa volonté de voir cette unité se concrétiser structurellement avec la possibilité dans le futur de « fusion organique entre certaines Églises » (paragraphe 44 de la Concorde). C’est en effet précisément ce qui s’est passé dans les années qui suivirent avec en France la création de l’Église Protestante Unie de France (EPUdF) en 2012, fruit de l’union de l’Église réformée de France et de l’Église évangélique luthérienne de France. Tout en gardant l’identité spécifique de chaque paroisse à l’échelle locale l’union fait disparaître les structures juridiques réformées et luthériennes.
Mais en quoi cet accord entre luthériens et réformés nous concerne-il en tant qu’évangéliques. Je vous propose 3 leçons que l’on peut tirer de leur expérience :
1. Il vaut mieux travailler de « proche en proche »
Il me semble d’abord que la Concorde réussit à montrer l’intérêt qu’il y a de chercher l’unité d’abord avec ses voisins (géographiquement et théologiquement) et de faire porter cette unité sur des réalités très concrètes et locales, plutôt que de commencer par d’interminables discussions avec ceux qui nous sont les plus éloignés. Cela n’est pas un aveu d’échec concernant l’objectif ultime de l’unité de toute l’Église de Christ, mais c’est plutôt une étape nécessaire pour avancer plus sûrement.
2. L’unité ce n’est pas que de la théologie, ça doit se concrétiser
Oui, nous avons le CNEF et le travail accompli depuis sa création mérite d’être salué. Mais force est de constater que le CNEF se donne des objectifs plus modestes que la Concorde de Leuenberg. Le CNEF se fonde en effet sur une confession de foi commune et cherche à « exprimer l’unité donnée par Jésus-Christ, aux plans national, régional ou local » mais concrètement, il n’a pour vocation ni la reconnaissance mutuelle des pasteurs, ni de permettre la fusion de dénominations. Est-ce que ces deux éléments sont le « saint Graal » de l’unité ecclésiale ? Peut-être pas, mais il nous pousse à nous interroger, au-delà de l’utile mission des structures représentatives : quel changement concret, local ou structurel pourrait manifester que nous avançons vraiment vers une « pleine communion ecclésiale » ?
3. L’unité ça prend du temps
Enfin, et c’est très lié au point précédent, l’histoire de la réception de la Concorde de Leuenberg nous montre qu’une unité qui veut se concrétiser sur le terrain doit prendre du temps. Dès la signature en 1973, des pasteurs passèrent d’une « dénomination » à l’autre. Mais en France, il a fallu attendre presque 40 ans pour voir la création de l’EPUdF. Comme le disait André Birmelé en 1989 face à l’absence de changement structurel en France 16 ans après la signature : « La possibilité qu’un pasteur d’une Église puisse exercer son ministère dans une communauté d’une autre tradition […] n’en sont que les signes les plus visibles. »
Nous devons donc reconnaître et célébrer en France les fruits de notre unité évangélique comme le congrès « Bouge ta France » ou la Faculté évangélique de Vaux-sur-Seine en les considérant comme des prémices d’une moisson à venir de plus grande ampleur. Ça ressemble à quoi une Église unie ? ça ressemble à quoi des dénominations qui représentent une diversité légitime mais qui sont unies comme le Père et le Fils sont unis (Jn 17.21-23) ? Il tient à chacun d’entre nous de nous poser cette question, d’encourager les initiatives qui participent à nous rapprocher et de soi-même être à l’initiative d’engagements qui rendent visibles l’unité dans laquelle nous croyons.
4 Commentaires
Merci pour cet article.
Beaucoup a déjà été fait avec le CNEF, mais nous ne nous satisfaisons pas de la situation actuelle.
A noter : Vision-France et France-Mission sont sont en train de construire une fusion qui a une valeur prophétique !
Merci pour ton commentaire Gael ! C’est vrai que la fusion initiée entre Vision-France et France Mission est très prometteuse. Au fait, sais tu où ça en est ? Officiellement acceptée ?
L’AG de fusion est prévue pour le printemps 2018. On a encore du travail, mais ça se rapproche. C’est très enthousiasmant !!!
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