Il était une fois…

Il était une fois…

Une histoire peut être racontée de bien des manières. La chronologie des événements, les personnages qui interviennent, les émotions mises en jeu, tout cela peut être utilisé pour créer des effets sur le lecteur. Car la forme d’un récit est importante pour communiquer son sens. L’auteur fait des choix pour véhiculer un message qui sera propre à son récit. En fait, c’est l’histoire d’une communication entre un auteur et un lecteur. C’est ce que l’analyse narrative (ou la « narratologie ») cherche à déceler : c’est une méthode qui étudie les procédés d’un texte littéraire en vue de l’interpréter.

La méthode d’exégèse traditionnelle

Depuis longtemps, la méthode d’exégèse traditionnelle est la forme d’étude la plus répandue et dominante. C’est une exégèse approfondie du texte qui passe par l’histoire de sa rédaction, son contexte historique et socio-culturel et sa réception. Cette méthode a grandement été exploitée et l’est encore aujourd’hui. Mais, la multiplicité des problèmes techniques soulevés par la reconstruction des textes et les hypothèses parfois contradictoires ont montré les limites de cette méthode. Elle avait besoin d’un complément.

L’apport de l’analyse narrative

L’analyse narrative a insufflé une nouvelle dynamique dans l’étude de la Bible. En fait, on utilisait déjà cette méthode pour les récits narratifs non-bibliques. À l’école, nous avons bien étudié Bel ami de Maupassant en nous concentrant sur l’intrigue, les personnages et leurs actions. Et bien, l’apport de cette méthode est aussi valable pour les récits bibliques. Avec l’analyse narrative, on mettait de côté les questions qui sont autour du texte pour chercher les raisons qui ont poussé l’auteur à écrire un récit de telle manière. En se focalisant sur le texte tel qu’il est, on a découvert une manière très enrichissante de l’interpréter.

Pas de compétition

Attention, la méthode d’exégèse traditionnelle et l’analyse narrative ne sont pas contradictoires et l’une ne remplace pas nécessairement l’autre. Ce sont simplement deux méthodes qui ont chacune leurs intérêts propres et leurs limites, et qui posent différentes questions au texte. Il est bon de les utiliser toutes les deux avec discernement et d’en voir les apports. Dans le meilleur des cas, toutes deux visent une meilleure compréhension du message biblique : dans ce qu’elles ont d’utile, elles sont bonnes à prendre. On peut les utiliser en fonction du type de questions que l’on pose au texte. Les deux peuvent même s’éclairer l’une l’autre afin de tirer le meilleur profit de l’étude.

Ce sont simplement deux méthodes qui ont chacune leurs intérêts propres et leurs limites, et qui posent différentes questions au texte.

Une méthode technique

L’analyse narrative est une approche qui peut rapidement devenir technique et complexe, simplement parce qu’elle a un vocabulaire avec lequel il faut se familiariser pour bien suivre les raisonnements. On peut donc s’y perdre. Le livre Pour lire les récits bibliques, Initiation à l’analyse narrative de D. Marguerat et Y. Bourquin est une bonne introduction à la narratologie et beaucoup des termes clés y sont expliqués. Il y a des termes qui tombent sous le sens comme le « narrateur » : c’est la « ʺvoixʺ narrative d’où émane le récit et qui le raconte » (p.230) et l’ « intrigue » qui est une « mise en système des évènements qui constituent l’histoire racontée » (p.229), c’est le cœur de l’histoire. Il y a aussi d’autres concepts qui sont plus spécifiques à la narratologie. Par exemple, l’ « auteur implicite » est « l’image de l’auteur telle qu’elle se révèle dans l’œuvre par ses choix d’écriture et le déploiement d’une stratégie narrative » (p.227). Aussi, un « personnage rond » est caractérisé par plusieurs traits tandis qu’un « personnage plat » n’en a qu’un seul. Une étude narrative plus approfondie du texte nécessite donc un minimum de connaissance de vocabulaire.

Le rôle du lecteur

Dans l’analyse narrative, le lecteur n’est pas passif. Certes, il se laisse entrainer par les différents indices posés par l’auteur qui lui indiquent le sens de l’histoire, mais il est attentif au moindre détail. Et il se pose beaucoup de questions. Combien de scènes y a-t-il dans ce passage ? Le lecteur observe les personnages : quel rôle ont-ils ? Est-ce qu’ils évoluent au fil du récit ? Il remarque aussi les non-dits : y a-t-il des éléments passés sous silence ? Qu’est-ce que le narrateur dit et ne dit pas ? De manière plus générale, il s’interroge sur les objectifs du texte : quels effets le narrateur espère-t-il produire chez le lecteur ? Toute question est pertinente du moment qu’elle se concentre sur l’histoire racontée.

Dans l’analyse narrative, le lecteur n’est pas passif.

Une lecture renouvelée

Grâce à l’analyse narrative, la lecture n’est pas froide et ennuyante. Toutes les trouvailles du lecteur rendent sa lecture passionnante. Cette méthode peut être poussée très loin mais elle peut aussi être le simple fait de se poser des questions sur ce qui se passe tout au long de l’histoire. Il s’agit simplement de ne pas prendre les informations comme allant de soi, d’autant plus quand on connait déjà l’histoire et qu’on est habitué au texte. Cette méthode peut aider à développer le plaisir de lire et relire les récits bibliques en voyant des choses qui passaient autrefois inaperçues. La lecture devient un véritable dialogue entre le lecteur et le texte, une interaction qui ne laisse pas insensible.

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