Nous sommes début décembre, la période de Noël va bientôt arriver avec son lot de joie, de festivités, et de bons moments en famille et entre amis. Le froid qui s’installe nous rappelle l’imminence de ce moment, et nous pouvons profiter, chacun à notre manière de ce temps de l’avent. Cette période de l’année est une de mes préférées, mais cette année elle est également teintée d’un petit questionnement : quid du Père Noël ?
En effet, il y a un peu moins d’un an mon épouse et moi avons eu l’immense joie d’accueillir dans notre foyer un petit garçon qui nous comble de joie et que nous efforçons d’élever de notre mieux. C’est donc tout naturellement que nous avons à cœur de lui montrer déjà, malgré son jeune âge, le sens de Noël, le vrai, tel que nous le comprenons à la lumière de la Bible. Mais dans cette démarche, quelle place donner (ou ne pas donner) au Père Noël ?
La base de la foi
Lorsque l’on parle du Père Noël, en réalité il est question de foi. Le Père Noël, qui « débarque » souvent accompagné de ses acolytes le lapin de Pâques et la petite souris dans la vie des enfants, est le sujet de leur foi. Les enfants qui croient au Père Noël, y croient avec une foi forte et inébranlable : ils sont persuadés que le Père Noël existe et que les cadeaux qu’ils reçoivent à Noël viennent de lui.
Cette foi est aussi pure et solide que la foi d’un enfant peut l’être, et pourtant, elle est basée sur une fable. Cet aspect peut paraître anecdotique et l’on pourrait se dire que le fait de croire au Père Noël permet aux enfants de se construire tout un imaginaire autour de Noël, qui participe au fait d’attendre et d’aimer cette fête.
Mais je me demande si nous avons besoin du Père Noël pour fournir à l’imaginaire de l’enfant un matériel « de qualité ». L’histoire biblique de Noël, telle que relatée dans les évangiles ne suffit-elle pas ? Nous y découvrons une jeune femme qui tombe enceinte miraculeusement et qui en est avertie par un ange, un autre ange qui rend visite à des bergers pour leur annoncer la nouvelle, des mages qui suivent une étoile jusqu’au lieu de la naissance, et pour finir, cette naissance précisément : le fils de Dieu lui-même qui naît sur Terre pour changer à jamais l’Histoire. N’y a-t-il pas là tout ce qu’il faut pour construire et alimenter tout un imaginaire ?
De plus, j’aimerais poser une question que les parents préfèrent peut-être éviter : que se passe-t-il lorsque l’enfant apprend que le Père Noël n’existe pas ? Il pourra, je pense, au mieux le prendre très bien, au pire se sentir trahi. Mais une chose demeure : ses parents lui ont fait croire dur comme fer à quelque chose qui n’existe pas. Quelle différence alors entre ce que ses parents lui ont appris sur le Père Noël et ce qu’ils lui ont appris sur Dieu ? Cette foi si pure et si solide dont je parlais plus haut ne risque-t-elle pas d’en sortir « abîmée » ?
L’apprentissage de la reconnaissance
Le Père Noël nous pose aussi la question de la reconnaissance. Comme tous parents je pense, nous avons le désir d’apprendre à notre fils la reconnaissance.
Mais comment lui enseigner cela lorsqu’en ouvrant ses cadeaux il s’écriera : « Merci Père Noël » et non pas « Merci Mamie » quand la mamie en question se trouve juste à côté de lui après avoir écumé tous les magasins (ou les sites web) pour trouver LE jouet précis qui se trouvait sur sa liste de cadeaux, dans LE coloris précis évidemment ?
On pourrait m’opposer qu’il s’agit bien de reconnaissance dans la réaction que je décris. Oui, c’est vrai, mais je me pose aussi la question de l’attachement : à qui mon enfant s’attache-t-il, et suis-je en accord avec cela ? De manière automatique nous nous attachons aux personnes qui nous manifestent leur attention et leur amour, parfois par le moyen de cadeaux.
En l’occurrence, suis-je d’accord avec le fait que mon enfant s’attache à un personnage fictif, en l’encourageant à croire que ce personnage est réel ? J’aurai, il est vrai, d’autres occasions pour enseigner la reconnaissance à mon fils, mais pourquoi ne pas déjà tirer profit de celle-ci ?
Apprendre la reconnaissance, c’est apprendre à dire merci, à le faire vraiment. Parfois en déposant un bisou sur la joue d’un oncle alors que sa barbe pique, parfois en appelant une tante dont on sait qu’elle va nous tenir la jambe pendant une heure au minimum… Bref, dire merci, être reconnaissant c’est aussi s’impliquer. Mais je me vois mal enseigner cette implication dans la reconnaissance à mon fils s’il est persuadé que son cadeau lui vient d’un personnage lointain et inaccessible, d’autant plus s’il pense que ses cadeaux lui sont « dus » parce qu’il a été sage.
L’apprentissage de la grâce
Et pour finir, que nous dit le Père Noël sur la grâce ? Eh bien précisément rien ! L’histoire que l’on raconte aux enfants pour leur faire croire au Père Noël met en avant un système où les enfants sages sont récompensés par le Père Noël qui leur offre des cadeaux, tandis que les enfants qui ne sont pas sages soit ne reçoivent pas de cadeau, voire même sont punis par le Père Fouettard, selon les versions.
Un système où chacun ne reçoit donc que ce qu’il mérite, c’est littéralement l’inverse de la grâce. Pourquoi alors substituer cette histoire à la vraie, celle de la Bible, lorsqu’au contraire, la vraie histoire m’offre un magnifique tremplin pour expliquer la grâce à mon enfant ? Je pourrai alors lui expliquer que contrairement au Père Noël qui ne fait de cadeaux qu’aux enfants qui le méritent, Jésus nous a fait le plus beau des cadeaux en se sacrifiant pour nous alors que nous ne le méritions pas et que c’est pour célébrer cela que nous nous échangeons des cadeaux à Noël même si bien souvent nous ne les méritons pas.
Conclusion
Faut-il alors chasser complètement le Père Noël de nos foyers ? Bien sûr que non ! Ces réflexions sont les miennes et ne sont en aucun cas normatives. Mais au moins réfléchir à la question, quelle que soit au final la réponse que l’on choisit d’y donner, me semble important.
On pourrait aussi plaider pour une position intermédiaire, qui tenterait d’allier la tradition du Père Noël aux objections que cet article soulève, ou le fait de conserver cette histoire avec son aspect fictif, sans chercher à la présenter comme vraie… Les bonnes idées et les solutions ne manquent pas j’en suis sûr, et elles pourront nous apporter un équilibre nécessaire, tout en étant attentif à agir par conviction, comme Paul nous invite à le faire en Romains 14.23: « Tout ce qui ne provient pas d’une conviction de foi est péché. ».
4 Commentaires
Bonjour, merci pour cet article et pour sa conclusion qui ne tranche pas la question de façon dogmatique et ouvre à la discussion.
Je m’appelle Matthieu. Je me permets cette réponse en forme de témoignage personnel. J’ai été élevé dans une famille chrétienne… et dans les traditions de Noël (normal pour un Alsacien 😉 ). J’ai cru un temps au Père Noël, j’ai très tôt placé ma confiance en Dieu.
D’aussi longtemps que je me souvienne, je n’ai jamais eu de mal à faire la différence entre Dieu et le Père Noël, et c’est toujours vers Dieu que ma reconnaissance est montée. Dans chacune de mes situations de vie, qu’elles soient joyeuses ou difficiles, c’est vers Dieu que je me suis tourné, et jamais vers le Père Noël. Cela ne m’est jamais venu à l’idée de m’adresser à lui autrement qu’une fois par an via la lettre au Père Noël expédiée à son atelier.
Comparer la mythologie de Noël et ma vie de foi m’a permis très tôt de comprendre la différence entre croyance et confiance, entre croyance et foi.
En revanche je garde en mémoire de la mythologie de Noël (et de Pâques) de mes premières années de vie des souvenirs inestimables que je chéris à chaque fois que s’installe l’hiver, et que je décore mon sapin. Ces moments d’émerveillement enfantin et de complicité entre les grandes personnes qui partageaient “le secret”, n’ont à mes yeux aujourd’hui pas de prix. Ils sont toujours l’occasion de belles émotions lorsque nous les évoquons en famille.
Je crois que, non, justement Jésus ne remplacera jamais le Père Noël, parce que justement Jésus n’appartient pas à la mythologie et au folklore. Le Père Noël, le Lapin de Pâques, les légendes populaires ont nourri mon imaginaire, alors que ma lecture de la Bible (des ouvrages pour enfants dans un premier temps) ont nourri ma connaissance, ma relation avec Dieu et ma foi. La cohabitation des deux m’a permis de faire la part des choses et de comprendre très tôt la différence entre croyance et foi, entre la prestation du Père Noël valable uniquement le 24 au soir, et la relation avec Jésus que je peux avoir 24h/24.
Et puis j’ai rejoint les Églises Évangéliques au début de l’adolescence (je vous rassure, je ne croyais plus au Père Noël, en revanche j’avais toujours soif de mieux connaître Dieu). J’ai tout de suite adhéré au corpus de foi et à la fraternité qui y régnait, mais j’ai également vite compris que le Père-Noël y était persona non grata. Mais il n’était pas le seul: il était logé à la même enseigne qu’Harry Potter, les jeux de rôle, le rock, la TV, les jeux vidéos, et 90% des films de cinéma, etc. Parfois même le sapin de Noël était banni car considéré comme un résidu de vieilles croyances païennes.
Je n’ai jamais compris cette méfiance. Il m’était naturel de penser qu’aucun de ces objets culturels ne pouvait faire de l’ombre à Jésus, et je ne voyais pas l’intérêt de m’en priver ou d’en avoir peur. Tant qu’aucun d’eux ne faisait de tort, ou ne prenait la place de Jésus que je voulais centrale dans ma vie.Avec le recul, je pense qu’il y a souvent dans nos milieux des résurgence d’iconoclasme propre au protestantisme et à certaines branches du monothéisme. Je suis convaincu qu’il faille abattre les idoles, mais je trouve dommage que certaines icônes culturelles précieuses disparaissent parce qu’elles ont été confondues avec des idoles.
Concernant les idoles, la seule raison pour laquelle je suis mal à l’aise avec le Père Noël aujourd’hui, ce n’est pas pour l’hypothétique confusion avec Jésus qu’il pourrait créer dans l’esprit d’un enfant issu de famille chrétienne: personne n’arrive à la cheville du fils de Dieu. Mais c’est parce qu’au fil des années, ce Père-Noël est devenu l’incarnation du capitalisme, une idole de l’argent et de la consommation incompatible avec la Seigneurie de Jésus-Christ. D’icône folklorique – en Alsace c’était le Christkindel (“l’enfant Jésus”) qui apportait les cadeaux- il est passé au statut d’idole de l’argent. Mais ce n’est pas grave, quand mes enfants en auront l’âge, ce sera l’occasion d’avoir une chouette discussion sur les effets de l’idolâtrie.
Car oui, aujourd’hui je suis papa de 4 enfants, et j’ai décidé de maintenir ces traditions qui relèvent du fond culturel que je souhaite transmettre à mes enfants. Je suis heureux de contribuer à faire vivre en eux cette féerie, et de les guider à côté de cela vers Christ.
L’article soulève avec justesse la question de la reconnaissance. J’encourage mes enfants chaque jour à adresser leur reconnaissance à Dieu. A Noël, plutôt que de leur demander de remercier le Père-Noël, je les aiguille vers la personne qui a eu la gentillesse de commander au Père-Noël le cadeau pour eux.
Cultiver cette féerie est selon moi une chance pour mes enfants, et j’aime leur fournir des champs où ils pourront laisser libre court à leur imagination. Car les frontières du rêve enfantin sont aujourd’hui malmenées. Les parents, accaparés par leurs carrières professionnelles et leurs loisirs abandonnent leurs enfants de plus en plus tôt aux écrans qui ne sollicitent pas beaucoup leur imagination, les abreuvent d’images et font d’eux des petits consommateurs. Ils n’ont plus la chance de s’ennuyer, de laisser divaguer leur imagination. D’autre part, ces écrans les confrontent de plus en plus tôt à la violence, la pornographie, …
En tant que parent, je ne compte pas sur la Bible (en particulier sur l’histoire de Noël) pour fournir les matériaux pour aménager cet espace de l’imaginaire. Bien au contraire, je souhaite que mes enfants comprennent que Jésus, l’Evangile et les histoires bibliques appartiennent à un autre univers: au champ du réel, de l’expérience, de la relation… et non pas au merveilleux.
Je crois qu’en tant qu’enfant, j’ai toujours su que le Père Noël n’était qu’une prolongation du bras de mes parents, alors que Dieu quant à lui était bien au-dessus d’eux.
Mon expérience d’ancien enfant, et de papa me rassure: les enfants sont bien souvent plus intelligents que nous le pensons et font assez facilement la différence entre le mythe et l’histoire. Assez instinctivement un enfant comprend que le Père Noël ne joue pas dans la même cour que Jésus. A condition que ses parents n’en aient pas fait une idole.
Une réponse un peu en retard, mais merci beaucoup Matthieu pour ton commentaire !
Tu relèves des questions très intéressantes et on pourrait (pourra 😉 ) en discuter pendant des heures ! 🙂
Une réponse un peu en retard, mais merci beaucoup Matthieu pour ton commentaire !
Tu relèves des questions très intéressantes et on pourrait (pourra 😉 ) en discuter pendant des heures ! 🙂
merci beaucoup de ce commentaire et de l’article auquel il fait référence. Participant à un petit groupe d’éveil à la foi, j’ai voulu comprendre comment tenir compte de l’omniprésence du Père Noël, et pouvoir témoigner de l’évènement de Dieu né au milieu des hommes , évènement qui transforme tout, puisqu’il fait de nous des fils et des frères sauvés par la grâce. Bien sûr qu’à 3 ou 5 ans, c’est le tout début du chemin, et découvrir que “Dieu m’aime immensément et inconditionnellement depuis toujours” , c’est le chemin que nous voulons faire avec chaque enfant, et c’est possible! Avec vous, j’ai mieux compris le magique, la croyance et la foi. Ce que j’ai compris, je vais l’offrir aux parents, nous faisant ainsi faire un bout de chemin ensemble! Merci
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