Les personnes âgées sont-elles hors communion ?

Les personnes âgées sont-elles hors communion ?

Quand le doute frappe à la porte

Certains chrétiens sont en train de se demander si le masque sur le nez empêche la communion. Il me semble qu’il serait plus juste de dire que le masque gêne l’expression de la communion. Par contre, ce qui remet la communion en question, c’est le sentiment d’isolement, voire d’abandon, que peuvent ressentir certains membres d’Église : ceux qui ne sortent plus de chez eux, ceux qui ne peuvent que difficilement recevoir des visites (dans les EHPAD notamment). Il est aisé de comprendre que cela concerne tout spécialement une certaine génération.
Toute visite reproduit, en plus petit, ce que Jésus a accompli en venant jusqu’à nous.
Ces chrétiens âgés ont entendu parler de communion fraternelle d’innombrables fois. Suffit-il d’en parler ? Suffit-il d’attendre que cela aille mieux ? Suffit-il de dire « On pense à vous » et même « On prie pour vous » ? Toute visite reproduit, en plus petit, ce que Jésus a accompli en venant jusqu’à nous. Pas seulement celle du pasteur. Toute visite fraternelle permettra d’attendre. Mais s’il n’y pas de visites… Le Dieu de la Bible n’est-il pas un Dieu des maisons autant que des temples et des églises ?

Seul(e) dans sa maison

Je pense spécialement aux personnes âgées ou fragiles (sans être âgées) qui, alors qu’elles souhaiteraient se joindre aux réunions de l’Église, ne le peuvent plus. Toutes ne sont pas équipées pour suivre les émissions transmises par Internet. Et quand bien même. Ces personnes, un peu comme celles qui se trouvent dans une chambre d’hôpital ou dans une maison de retraite, peuvent avoir de la peine à repousser des pensées de découragement, d’amertume, voire d’incrédulité. « On est vite oublié », me disait un chrétien, un jour. Si ce chrétien ou cette chrétienne qui se sent oublié souffre, même en silence, alors toute l’Église souffre, même si elle n’en est pas consciente. Or, une Église qui souffre, surtout peut-être quand elle n’en est pas consciente, perd ses forces, perd sa joie, perd son témoignage… La parabole de la brebis perdue, qu’on pourrait appeler aussi la parabole du troupeau blessé, le dit. On a bien chanté, on a bien prêché, mais d’autres, à l’heure du repas, sont seuls devant leur assiette.
Si les maisons sont hospitalières, l’Église le sera aussi.
En réalité, être seul devant son assiette n’est pas nécessairement dramatique. Être adulte, c’est être en mesure de rester seul(e). Ce qui est un drame, par contre, c’est quand un doute prend place quant à la réalité de la communion qui existe entre les chrétiens. À cet égard, il faut dire, je crois, que les maisons sont un lieu aussi important que les salles de culte, les temples ou les églises. Visiter dans les maisons, recevoir dans sa maison, me paraît de toute première importance. À bien des égards, les maisons priment sur les lieux de réunion. Non pas pour constituer des lieux de repli frileux, mais pour être des lieux de rencontre, de partage, d’écoute, de soutien, de prière… Si les maisons sont hospitalières, l’Église le sera aussi.

Diaconie, diaconat

Visiter ou être visité(e), c’est vivre en plus petit l’incarnation du Fils de Dieu. C’est beaucoup plus grand qu’il n’y paraît. Ce n’est pas seulement social ou affectif. « Qui vous reçoit me reçoit, [dit le Seigneur à ses disciples] et qui me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé. » (Mt 10.40) Ce n’est pas seulement horizontal. L’apôtre Paul le dit au sujet de l’assistance destinée aux saints, c’est-à-dire le soutien des membres les plus vulnérables de l’Église : les personnes âgées, les personnes malades, les personnes seules, les personnes démunies. Il y en a ! Cette assistance apportée par l’ensemble des membres constitue la diaconie de l’Église. Quand elle est organisée, cela relève du diaconat . « Le secours de cette assistance [écrit Paul] non seulement pourvoit aux besoins des saints, mais il est encore une source abondante de nombreuses actions de grâces envers Dieu. » Ce n’est pas seulement horizontal ! Nous devrions nous souvenir que ce type d’engagement découle directement, normalement, de la présence du Seigneur au sein de son peuple, en fonction de ce principe qui court tout au long de l’Écriture : ce que l’on fait à un membre du corps de Christ, on le fait à Christ ! Une telle prise de conscience, avec les actes qui en découlent, devrait se vivre et se développer autour du repas du Seigneur.

Le repas du Seigneur

Toute la vie de l’Église peut se construire, en effet, à partir du repas du Seigneur : instruction, avertissements, encouragements, communion, soutien fraternel y sont, normalement, étroitement associés. C’est tout simplement la réalité de l’alliance dans laquelle notre foi se déploie. Et ceux qui sont seuls chez eux le dimanche matin ? S’ils sont seuls alors qu’ils souhaiteraient être présents, il paraît de la plus haute importance de leur apporter le pain et le vin du repas du Seigneur. Réfléchissons un instant : ceux et celles qui sont isolés dans leur maison n’ont-ils pas davantage besoin encore de ce signe que ceux qui ont chanté les cantiques dans l’assemblée et écouté la prédication ? Ils en ont plus besoin ! D’autant plus si nous comprenons que ce repas n’est pas qu’un mémorial, mais qu’il est aussi une proclamation de la foi et de l’espérance de l’Église : « Vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. » (1 Co 11.26) Ce repas ne renouvelle pas la mort de Jésus-Christ, non, mais il renouvelle l’alliance dans laquelle notre foi s’affermit. Je crois qu’à cet égard, pas un seul membre connu de l’Église ne devrait être oublié, que ce soit dans les quartiers, les villages ou les campagnes, ni dans les maisons de retraite.
Des lieux de grâce et de bénédiction.
Mais ne faut-il pas prendre garde à ne pas le vivre n’importe comment ? Certes oui : s’assurer de l’accord de la personne, être précautionneux et convenir avec elle des dispositions qui lui conviendront (masque, distance, etc.). Être prudent devrait permettre d’éviter d’avoir peur ! Les anciens ou le Conseil pastoral de l’Église devraient veiller à cela avec soin, en listant les personnes à visiter, puis constituer des équipes de deux personnes : deux anciens, deux diacres, un ancien et un diacre, un ancien et un membre fidèle, un diacre et un membre fidèle, deux membres fidèles… pour aller rejoindre ceux et celles qui sont dans les maisons et vivre avec eux le repas de communion, sobrement, sérieusement, joyeusement. Une fois par mois, par exemple. Il suffit que les personnes qui iront vers les autres aient été désignées : dès lors, ces personnes ne sont pas seules, l’Église entière est avec elles pour visiter ! Il faudrait apprendre, bien sûr, si cela ne s’est jamais fait : parler clairement, ne pas être trop long, tenir compte de l’état de la personne, de sa maturité, de son état de fatigue, de son environnement immédiat, de ses questions du moment. Il y a des choses qui peuvent se dire dans une maison qui ne se diront pas à l’Église. Le visiteur qui entend des confidences doit en garder le secret et demander à la personne l’autorisation d’en parler avec le pasteur ou les anciens, si cela semble souhaitable. La personne hésite-t-elle ? On lui laissera le temps de réfléchir et on en reparlera avec elle. La capacité d’entendre une confidence sans la répéter est un signe de maturité. La situation est-elle trop délicate ? On passera le relais à quelqu’un d’autre. Il faudrait qu’un retour puisse être fait aux anciens. Aux diacres aussi si un besoin d’assistance a été découvert. L’assistance destinée aux saints (2 Co 9.1,12) est, en effet, indissociable de l’affirmation de la foi et de l’espérance communes (Jc 2.16 ; 1 Jn 3.18). On peut imaginer aisément que de tels moments puissent être porteurs de joie, mais aussi de guérison, à la manière dont Jacques en parle (Jc 5.13-16), avec ou sans onction d’huile. On peut même imaginer que des vocations puissent se dévoiler à l’occasion d’une telle pratique. Si les maisons sont des lieux de grâce et de bénédiction, l’Église le sera aussi.

« l’Église dans tous ses états », une rubrique en partenariat avec Les Cahiers de l’École Pastorale

Les Cahiers de l’École Pastorale est une revue trimestrielle de théologie pratique et pastorale. À travers des articles de fond, des prédications et des présentations de livres, elle oeuvre à faire des ponts entre la théologie et la vie des Églises. Son but est d’encourager les pasteurs, les responsables d’Église et plus largement les chrétiens engagés dans un ministère, à penser et approfondir leur foi et leur pratique au sein de leurs Églises.

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1 Commentaire

  • DINGENGI Nona 4 juin 2021 16 h 15 min

    Article édifiant…Je ne suis pas un chrétien cher Nicolas, dans la mesure où les chrétiens eux-mêmes pensent l’être…Attaché à une paroisse propre, être à la messe tous les dimanches, brandir la bible à toutes discutions .
    Je m’estime être quelqu’un de bien, compatissant,,,,,,, Simplement humain. Voilà pourquoi, je suis me vois dans vos écrits. Cher Nicolas, vous m’avez vivifier.

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