« Lever le voile » (2) : où adorer Dieu ?

« Lever le voile » (2) : où adorer Dieu ?

« Vous chercherez l’Eternel au lieu que votre Dieu choisira parmi toutes vos tribus pour y placer son nom et l’y faire demeurer ; c’est là que tu iras. » (Dt 12.5)

Avant l’entrée dans la terre promise, avant même de préciser le contenu du culte, le Saint d’Israël donne un ordre à son peuple : il devra détruire les lieux de cultes idolâtres et le servir au lieu que lui-même choisira. Ainsi l’Eternel choisit Silo, puis Jérusalem pour en faire sa demeure.

La question du lieu de culte est centrale dans tout l’Ancien Testament. Sous son angle, le schisme s’affirme par exemple comme une catastrophe en ce qu’il pousse les Samaritains vers l’idolâtrie (puisqu’ils construisent d’autres lieux de culte, Dan, Bethel). Il fait de l’exil un sujet de profond désarroi : « Comment chanterions-nous le cantique de l’Eternel sur un sol étranger ? » (Ps 137.4)

Mais dans l’Evangile, voilà que Jésus annonce la destruction du temple et de la ville… Le message semble clair : ici-bas, le lieu disparaît.

Alors que dire ? Ce pan de l’Ancien Testament doit-il être jeté aux oubliettes ? Il nous semble que ce serait aller trop vite en besogne.

1. Vous êtes le temple de Dieu…

« L’heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne, ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. (…) Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car ce sont de tels adorateurs que le Père recherche. » (Jn 4.23)              
Dans son échange avec la Samaritaine, Jésus évacue la question du lieu pour mettre tout l’accent sur la dimension spirituelle du culte. Il faut dire que l’attachement si scrupuleux de nombreux juifs à leur temple ne les a pas empêché d’en trahir l’esprit : « Il est écrit : Ma maison sera une maison de prière. Mais vous, vous en avez fait une caverne de voleurs. » (Lc 19.46) Et aussi que cela les a conduit dans une assurance fausse, superstitieuse, contre laquelle claironnaient déjà les prophètes : « Ne vous confiez pas en des paroles trompeuses, en disant : C’est ici le temple de l’Eternel, le temple de l’Eternel, le temple de l’Eternel ! » (Jr 7.4)

L’esprit religieux tord tout. Comme les autres prescriptions, celle concernant le lieu a révélé l’échec de l’homme de bonne volonté.

Pour autant, l’image du temple ne disparaît pas dans le Nouveau Testament. Jésus fait glisser le sens du mot : « Il parlait du temple de son corps… » (Jn 2.21) et Paul étend cette évolution : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » (1 Co 3.16). Désormais, le temple est cette « maison spirituelle » formée par la réunion des « pierres vivantes » que nous sommes (1 P 2.5).   

S’il y a bien une rupture par rapport au lieu comme réalité physique, nous comprenons que les dispositions de la loi gardent une portée spirituelle, indispensable : exhortation à la mise à part, avertissement par rapport à l’idolâtrie. Et l’incapacité des Juifs à garder leur temple en pureté, entre en résonnance avec nos vies communautaires et personnelles ; si l’Esprit ne nous secourt pas, nous sommes incapables d’honorer la parole : « garde ton cœur plus que toute autre chose. » (Pr 4.23)

2. …Notre cité est dans les cieux

Si la notion de temple est transposée dans la Nouvelle Alliance, il en est de même pour Jérusalem.

La ville terrestre, objet jusqu’à aujourd’hui de toutes les attentes pour les Juifs (l’année prochaine à Jérusalem…), s’avère être un lieu sempiternel d’aveuglement et de déception, « elle enfante pour l’esclavage ». Mais le Nouveau Testament dépasse cet aspect et nous invite à voir dans la ville sainte l’évocation d’une autre cité : « la Jérusalem d’en haut est libre, c’est elle qui est notre mère. » (Ga 4.26)

Nous sommes ici devant une réalité spirituelle et invisible qui n’est pas de l’ordre de cette création mais que nous contemplons dès à présent avec les yeux de la foi.

Sous cet éclairage, l’Ancien Testament redevient une source inépuisable d’inspiration.

Par exemple, la prière de Daniel – en direction de Jérusalem – rappelle au chrétien qu’il oriente sa prière vers le lieu où règne son Seigneur : « Voici donc comment vous devez prier : Notre Père qui es aux cieux ! » (Mt 6.9). De même, le chant des exilés auprès des fleuves de Babylone précise l’esprit de nos cantiques : « Si je t’oublie, Jérusalem, que ma droite m’oublie ! Que ma langue s’attache à mon palais si je ne me souviens de toi, si je ne mets Jérusalem au-dessus de tout autre joie. » (Ps 137.6)

Notons que c’est inspirés par les auteurs de l’Ancien Testament que ceux du Nouveau ont décrit ce lieu dont nous nous approchons lorsque nous rendons un culte à Dieu : « Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion et de la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, des myriades d’anges ; de la réunion et de l’assemblée des premiers-nés inscrits dans les cieux… » (Hb 12.22)

Nous sommes ici devant une réalité spirituelle et invisible qui n’est pas de l’ordre de cette création mais que nous contemplons dès à présent avec les yeux de la foi.

Mais alors, comment ne pas rester perplexes devant l’admiration que certains vouent à leur lieu de culte ou de vie ? Que penser de cet engouement des chrétiens pour le pèlerinage en terre sainte qui ressemble de très près à celui des musulmans à la Mecque? N’est-ce pas « recoudre le voile » ? Si le Seigneur ne donne plus de lieu avec une dimension sacrée, ceux qu’on se donne ne deviennent-ils pas des lieux idolâtres ?

Conclusion

Ici-bas les chrétiens se rassemblent en « églises », ils s’unissent pour rendre un culte. En Jésus-Christ, ils appartiennent à la cité céleste dont le temple est le Seigneur Dieu tout-puissant.

Cette vision glorieuse renouvelle notre zèle ici-bas. L’Epouse – que les visions de Jean associent à la Jérusalem d’en haut (Ap 21) – trouve en effet son pendant sur la terre à travers l’Eglise. Celle-ci n’est pas parfaite mais elle se prépare et son sein console déjà (Es 66.11).

De même qu’Abraham vint s’établir par la foi dans la terre promise tout en attendant « la cité qui a de solides fondations, celle dont Dieu est l’architecte et le constructeur » (Hb 11.10), nous servons l’Eglise et y rendons un culte dans l’espérance.

Les autres articles de la série:

“Lever le voile” (1) : l’Ancien Testament, ombre ou projecteur?

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