L’homme et la femme : du pareil au même ?

L’homme et la femme : du pareil au même ?

La similitude entre hommes et femmes est très importante. Elle est attestée par le premier récit de la création (Genèse 1). La négliger, c’est risquer de mettre en oubli la commune humanité, la réciprocité, l’interdépendance, l’importance de la communication verbale. La différence entre les hommes et les femmes est importante aussi. Elle est attestée par le second récit de la création (Genèse 2). La négliger, c’est risquer de mettre en oubli la complémentarité par les vocations spécifiques de l’homme et de la femme,  ancrées au plus profond de leur être.

Est-il possible de décrypter entièrement cette similitude et cette différence ? Non. Il s’y trouve une dimension de mystère. Quelque chose continuera à nous échapper, comme nous échappe en partie encore, la nature de Dieu ou celle de l’unité entre Christ et l’Eglise. C’est ainsi. Prudence donc, ce qui ne signifie pas qu’on ne peut rien dire.

1. Protéger, aider

Avec la prudence requise, il me semble possible de retenir deux verbes simples qui définissent la similitude et la différence entre la vocation spécifique de l’homme à l’égard de la femme et celle de la femme vis-à-vis de l’homme. Le mot vocation est important en ce qu’il définit un devoir et donc un sens, autrement que le fait la notion de droit à défendre dont on parle tout le temps.

À la vocation de l’homme, je crois juste d’associer le verbe protéger ; à la vocation de la femme, le verbe aider. Il n’est pas difficile d’observer la similitude entre ces deux actions. Il est intéressant aussi de remarquer qu’elles ne sont pas, pour autant, entièrement similaires.

La similitude se voit dans le besoin que chacun a de l’autre. Besoin d’être protégée, besoin d’être aidé. Personne ne devrait faire le fier. Ces besoins ne sont pas absolument vitaux. L’homme peut vivre sans femme, et la femme sans homme, il faut le dire. Cependant le manque de protection peut s’avérer pénalisant, parfois périlleux ; de même que le manque d’aide. Je ne crois pas beaucoup me tromper en disant que beaucoup de femmes pâtissent d’un manque de protection, tandis que beaucoup d’hommes auraient besoin d’une aide qui leur manque. Est-ce faire la part plus belle aux uns qu’aux autres, de dire cela ? Je ne le crois pas. Les tempéraments des uns et des autres ne vont-ils pas influer sur la manière de protéger et d’aider ? Sans aucun doute. Mais le principe demeure.

2. L’oubli de ma vocation

Le problème, c’est l’oubli de la vocation des uns et des autres : l’homme oublie de protéger ; la femme oublie d’aider.

Accepter d’être aidé ou protégée suppose une mesure d’humilité qui n’est pas toujours au rendez-vous

Il arrive aussi que les femmes, bien qu’ayant besoin de protection, n’en veuillent pas. Il semble que cela nuirait à leur image ou les exposerait à être dépendantes. Elles refusent la protection, tout en en ressentant le besoin. De même, bien des hommes peuvent refuser d’être aidés, pour les mêmes raisons d’orgueil et de suffisance, alors qu’ils en auraient grandement besoin. Disons simplement qu’accepter d’être aidé ou protégée suppose une mesure d’humilité qui n’est pas toujours au rendez-vous, reconnaissons-le. Ce besoin réciproque apparaît à plusieurs reprises sous la plume de l’apôtre Paul : « Toutefois, dans le Seigneur, la femme n’est pas sans l’homme, ni l’homme sans la femme. Car, de même que la femme a été tirée de l’homme, de même l’homme existe par la femme, et tout vient de Dieu » (1 Co 11.11-12).

Ainsi, en parlant d’aide et de protection, nous rappelons tout à la fois la responsabilité et le devoir de chacun vis-à-vis de l’autre, dans le couple, mais aussi de manière beaucoup plus générale, car il y a là une dimension créationnelle et donc universelle – et aussi le caractère fragile et le manque qui se trouvent inscrits chez l’homme comme chez la femme.

3. Le besoin de l’autre

On peut aller jusqu’à évoquer la dimension de l’enfant qui demeure chez tout homme et chez toute femme, quand même il ou elle aurait acquis une grande maturité. Il me paraît assez évident, en effet, que tout homme porte en lui la dimension d’un garçonnet et celle d’un père ; que toute femme porte en elle la dimension d’une fillette et celle d’une mère. Est-ce paradoxal ? Sans doute. Est-ce incohérent ? Je ne le crois pas. Ainsi, Jésus, Paul ou Jean peuvent-ils exhorter les disciples à être fidèles, fermes et combattants, tout en les appelant « enfants » et même « petits enfants ».

Savoir cela est-il indifférent ? Probablement pas, autant pour le regard que chacun porte sur lui-même que pour le regard qu’il porte sur l’autre, homme ou femme. Et notamment sur le regard qu’il porte sur les femmes s’il est un homme, ou le regard qu’elle porte sur les hommes si elle est une femme. Dans les deux cas, ce regard dit à l’autre : Je vois en toi ce qu’il y a de fragile et je veux y prendre garde : te protéger ou t’aider. Ce regard dit aussi : Sois un homme fort, remplis ta vocation et protège-moi ; sois une femme forte, remplis ta vocation et sois mon aide !

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4. Respecter la différence

Les vocations masculines et féminines sont-elles similaires ? Nous avons dit qu’elles le sont. En effet, protéger c’est aider, et aider c’est protéger ! Elles diffèrent cependant ; elles ne sont pas tout à fait interchangeables. Cette différence est-elle importante ? Elle l’est. Elle est cependant moins aisée à définir que ne l’est la similitude. C’est là, notamment, que se situe la dimension d’un mystère. Un mystère est-il une réalité à laquelle on ne comprend rien ? Non, c’est une réalité que l’on ne peut pas comprendre entièrement. Des précautions sont donc de mise et une limite doit être respectée.

Je crois que le verbe protéger, sans dire tout sur la vocation des hommes vis-à-vis des femmes, dit quelque chose de juste. Il en est de même pour le verbe aider au sujet de la vocation de la femme. L’homme ne fait-il donc que protéger ? Non, il fait bien d’autres choses encore, mais il ne doit pas omettre de protéger, sans quoi il y aura probablement un péril. La femme n’a-t-elle qu’à aider ? Sans doute pas, mais elle ne doit pas oublier d’être en aide, sans quoi il y aura également un péril. Une de ces deux vocations est-elle moins importante ou moins digne que l’autre ? Non. La difficulté réside dans le refus de protéger – ou d’être protégée, dans le refus d’aider ou d’être aidé.

5. Pourquoi protéger ?

Parce que la femme a été tirée du côté de l’homme et que le lieu de son repos est sous la protection de son bras. L’apôtre Paul le dit, se référant au deuxième récit de la création (1 Co 11.8-9 ; 1 Tm 2.13). Pourquoi protéger ? Parce que la femme, dans sa constitution profonde, est un être plus vulnérable, « qui peut se bousculer plus facilement » écrit l’apôtre Pierre (1 Pi 3.7). Est-ce parler mal des femmes que de dire cela ? Pas le moins du monde. Pourquoi protéger ? Parce que la femme, d’une certaine manière, représente en elle-même la condition humaine (Gn 3.20) ou celle de l l’Église (Ep 5.25-27) qui, sans protection, sont exposées à mille dangers. On pense à cette parole de Naomie à ses deux belles-filles : « Que  l’Éternel  vous fasse trouver du repos dans la maison d’un mari ! » (Ruth 1.9). Ainsi, l’homme qui, lui-même, a besoin d’être aidé, se doit-il de protéger, comme Christ le fait.

Protéger ne peut-il pas infantiliser ? Il ne le faut en aucun cas. Une femme adulte n’est pas moins adulte qu’un homme ! Elle l’est parfois plus…

6. Pourquoi aider ?

Parce que, dès la création, il apparaît qu’il n’est pas bon que l’homme soit seul (Gn 2.18). Il lui faut, comme vis-à-vis, un être qui lui soit tout à la fois semblable et différent, comme une sorte d’écho sur la terre de l’altérité qui existe entre lui et Dieu (Gn 2.20)[1]. C’est comme si l’homme, sans vis-à-vis féminin, avait toutes les chances de perdre le sens et la mesure de sa nature. Peut-être pouvons-nous dire que sans vis-à-vis féminin, l’homme peut être tenté d’oublier qu’il n’est pas une bête et qu’il n’est pas Dieu ; cela dès avant la chute consécutive au péché.

Aider ne signifie donc pas seulement « donner un coup de main » dans les tâches matérielles, ou encore moins dire « oui » tout le temps. Si un homme a une mauvaise idée, la femme l’aide-t-elle en devenant sa complice ? Pas du tout. Elle peut l’inviter à réfléchir et, dans certains cas, se désolidariser, sans esprit de rébellion. Souvent une femme peut aider un homme en faisant appel à sa conscience.

Il est beau et dramatique d’observer combien aujourd’hui ces vocations sont à la fois préservées et perturbées. Magnifiquement préservées, y compris dans le monde, par la grâce de Dieu ; dramatiquement perturbées, y compris dans l’Église, malheureusement, par conformité au monde. On pourrait écrire mille livres pour illustrer cela.

Conclusion : ni trop, ni trop peu

Je termine cette évocation avec une formule qui m’est chère : ni trop, ni trop peu. Il faudra toujours corriger, comme nous le rappelle l’Écriture (2 Tm 3.16.). Que d’injustices et que de souffrances à cause du trop, à cause du trop peu. L’un est-il moins grave que l’autre ? Certainement pas.

Trop protéger, comme trop aider, c’est se mettre à la place de Dieu, c’est donner libre cours à l’instinct de propriété ou de domination, par cupidité ou désir de vengeance, peut-être inconscient. Cela est vrai dans l’éducation des enfants, dans la vie des couples, comme dans l’Église  ou dans la société d’une manière générale. C’est se servir de l’autre pour soi. L’amour est alors absent.

Trop peu protéger ou trop peu aider, c’est oublier le mandat créationnel que chacun a reçu de Dieu ; c’est oublier la dimension du service comme un dû, avec les beaux fruits qu’il porte. C’est se complaire en soi-même, c’est se méprendre sur le sens de la liberté, c’est nourrir des illusions trompeuses, c’est s’exposer à des manques et à des périls innombrables. L’amour est encore absent.

L’épidémie de divorces à laquelle nous assistons – et aussi l’homosexualité pour laquelle les médias font tant de publicité – disent l’une et l’autre : Pourquoi s’encombrer d’un homme ? Pourquoi s’encombrer d’une femme ? L’autre sexe est devenu indésirable[2]. C’est oublier la belle vocation créationnelle : protéger, aider, de la part de Dieu.

Avons-nous ici trop distingué les vocations spécifiques de l’homme et de la femme ? Je ne le crois pas. « C’est une joie pour le juste de pratiquer ce qui est juste » (Pr 21.15).

Le mariage est un don excellent, une institution splendide, que confirme un double amour. Le diable, qui est l’ennemi et le destructeur du mariage, anéantit l’amour naturel entre époux. Aussi, les anciens avaient-ils joliment raison de faire ainsi la leçon à leurs enfants : Ma chère fille, comporte-toi envers ton mari de telle façon qu’il soit rempli de joie quand, sur le chemin du retour, il apercevra le faîte de la maison. Et si le mari vit et se conduit avec sa femme de telle façon qu’elle a chagrin à le voir partir et qu’elle est en liesse quand il rentre, alors tout est pour le mieux.

(Martin Luther, Propos de table)

[1] C’est la raison pour laquelle Paul associe l’homosexualité et l’idolâtrie, l’une et l’autre relevant de la confusion des genres (Rm 1.24-27).

[2] Indésirable, ou désirable sans lendemain, sur le mode de la consommation… L’amour est absent.

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