Méditations d’un confiné en période de coronavirus

Méditations d’un confiné en période de coronavirus

Plus d’une semaine, déjà, que nous sommes confinés. J’ai rempli la première semaine avec le surplus de travail lié à la réorganisation des activités. Certains diront que ça m’a évité de faire face à la réalité. Peut-être… Mais je me dis en tout cas qu’il est temps que je mette par écrit quelques-unes des pensées qui traversent ma tête. Et ces pensées sont nombreuses, pour moi comme pour la plupart des gens avec qui je parle (le plus souvent à distance).

Inquiétudes et stimulations

Les inquiétudes sont en bonne place dans ces pensées. Inquiétude pour soi, peut-être, mais surtout pour les autres, proches, connaissances, malades ou qui pourraient l’être. Les pensées s’accompagnent ainsi tout naturellement de prières-flash : « Seigneur garde-les ! » L’inquiétude croyante est comme ça : mêlée de foi et d’intercession. La foi n’est d’ailleurs pas absence de peur. Si Jésus dit : « n’ayez pas peur », c’est bien parce que la peur fait partie de notre vie.

Mais mes pensées sont aussi très souvent stimulées et entraînées par les nombreuses choses intéressantes que j’entends et que je découvre, à la lecture des journaux et à l’écoute des médias radios-télés. Du côté des sciences humaines, psychologie, sociologie, psychanalyse, histoire, les analyses sont riches et me permettent de mieux comprendre la situation que nous vivons (voir quelques exemples ci-dessous). Je sais que la théologie a besoin de cette expertise extérieure pour nourrir sa réflexion. Il est tellement important de bien comprendre ce que nous vivons et le contexte dans lequel nous sommes, pour prononcer une parole chrétienne à-propos.

« Nous ne savons pas » : bel exemple pour nous

Du côté des sciences médicales et biologiques aussi, les apports sont passionnants. La science semble bien avoir été réhabilitée par la crise du coronavirus. Et c’est tant mieux. La science a ses débats et ses contradictions, bien sûr, mais le regard qu’elle porte sur le monde et les solutions qu’elle cherche nous sont indispensables. Mon fond scientifique, issu de la période qui précède la théologie, se réjouit que la science soit prise au sérieux. J’apprécie aussi l’humilité de certains scientifiques, qui disent : « nous ne savons pas », bel exemple pour nous, même si cette sincérité est inacceptable pour une partie du public. Car aux côtés de ceux et celles qui cherchent, qui travaillent (infirmières, médecins, logisticiens, caissières, etc.), il y a tous ceux qui savent mieux que les autres et qui le disent haut et fort. En fait, avec l’apport des médias, je me sens bizarrement des deux côtés : rendu humble par la complexité de la situation, d’un côté, mais « sachant », de l’autre côté, boosté par toutes les informations dont je dispose, et par moment convaincu qu’il faudrait faire comme je le pense. Et encore, je m’abstiens des réseaux sociaux.

Manques

Le confinement, je le ressens de plus en plus fortement, crée un manque. Ce n’est pas tellement un manque alimentaire, en tout cas pour ce qui me concerne, ni de confort ou d’activité. En fait, même si une certaine solitude ne me fait pas peur, je me rends compte de plus en plus que je suis passé, il y a un peu plus d’une semaine, d’une communauté vivante, spirituelle et soudée, à l’isolement ; pas l’isolement complet, je suis en famille et j’en suis reconnaissant, mais la famille proche n’est pas le tout des relations humaines. Je réalise, de plus en plus, combien sont précieuses les petites choses relationnelles du quotidien : chanter avec d’autres ; parler de tout et de rien, mais aussi de théologie, de travail, d’avenir ; et tout simplement voir les autres vivre et travailler à nos côtés…

Combien sont précieuses les petites choses relationnelles du quotidien…

Je dois confesser que je ressens aussi par moments de la colère. L’impression que le ciel était bleu, mais que le temps a tourné à l’orage sans prévenir. Je n’en veux à personne en particulier. Et je ne veux surtout pas oublier, comme quelques-uns (rares) nous le rappellent avec raison, que d’autres régions du monde vivent cet orage en permanence, et qu’il est même bien plus violent sous d’autres cieux. Est-ce que nous aurions droit à la sérénité ? Quand j’étais gamin, l’Église chantait : « Dieu n’a pas promis que du ciel bleu » (ou quelque chose de ce genre). C’est bien ça. Depuis, les flots de la théologie du bien-être (ou de la prospérité) ont coulé sous les ponts. Et se sentir bien nous paraît faire normalement partie de la vie chrétienne. Ce deuil serait-il alors bénéfique ?

Méditations

Vous le voyez, une bonne partie de mes réflexions relèvent du bon sens plutôt que de la pensée de haut vol ; de ce que les écrits bibliques appellent sagesse (ou folie). Je ne ressens pas aujourd’hui le besoin de donner du sens à ce que nous vivons. L’histoire de l’Église montre que les chrétiens sont très souvent sinon toujours tombé à côté quand ils ont essayé. En revanche, la manière dont nous réagissons aux événements est significative. Les chrétiens, on le voit fleurir partout, ont des outils à leur disposition : la lecture de la Bible, la prière (dont le chant fait partie), l’encouragement réciproque, l’amour du prochain, la lecture. Des choses simples qui ont toujours fonctionné et qui semblent bien fonctionner aujourd’hui encore.

Les chrétiens ont des outils à leur disposition : la lecture de la Bible, la prière, l’encouragement réciproque, l’amour du prochain, la lecture.

Pour la lecture de la Bible, je me rends compte qu’elle me ressource d’autant plus qu’elle est décalée. Nous avons bien sûr le droit d’aller vers la Bible avec nos questions et nos angoisses, en cherchant réconfort et réponses. Mais je me rends compte que le contact régulier avec la Bible, sans intention autre que d’y rencontrer le Christ, pour qu’il nous touche de sa main qui guérit, le Père, pour qu’il nous étreigne de son amour, l’Esprit, pour qu’il nous vivifie, ce contact-là est ce dont nous avons réellement besoin.

Pour la prière, l’occasion nous est peut-être donnée de « prier sans cesse », sur deux modes : la prière spontanée, du cœur, dite à mi-mot, ou chantée, qui réagit en direct aux nouvelles qui nous parviennent, aux sentiments qui nous traversent. Et la prière organisée, qui s’approprie des paroles ou des chants du passé et du présent, comme le propose ici Marie-Noëlle Yoder. Pour l’encouragement réciproque et l’amour du prochain, j’observe une réelle créativité qui fait plaisir à voir : des gens qui prennent des nouvelles, qui remercient, mus par la grâce que l’on dit commune ou par la fraternité chrétienne. Aucune illusion dans mon propos : je suis suffisamment réaliste sur la condition humaine pour pouvoir me permettre d’apprécier ce que Dieu nous permet de faire de bien…

Pour la lecture, enfin, il y a tant à apprendre. J’ai l’impression que plusieurs s’en rendent compte, dans cette situation où nous sommes contraints à de nombreux égards. Et la lecture est un moyen fiable et sûr de nourrir son intellect, sa vie intérieure et sa foi. Je lis actuellement un passionnant état de la recherche sur le Nouveau Testament (The State of New Testament Studies), à côté de romans et de BD je vous rassure, et tout en continuant à travailler et à écrire… Chacun peut avoir son domaine de réflexion, bien sûr, mais la lecture nous permet d’élargir notre vision, de grandir. Comme le disait C.S. Lewis, lui-même très grand lecteur, « mes propres yeux ne me suffisent pas, je veux voir aussi par ceux des autres ». En ces temps où notre horizon se réduit, les yeux des autres nous deviennent indispensables.

Mes propres yeux ne me suffisent pas, je veux voir aussi par ceux des autres (C.S. Lewis).

Cela dit, ce ne sont que quelques déambulations méditatives, au fil sinueux d’un début de confinement, un confinement que nous n’avons pas choisi ni anticipé, mais auquel nous devons tous faire face. Que le Seigneur vous garde dans sa présence bienveillante !

Quelques exemples d’articles scientifiques :

Beaucoup d’articles riches et documentés sont logiquement publiés dans des revues ou en accès payant, mais voilà quelques textes, accessibles au moins partiellement.

1 Commentaire

  • RAMOS Samuel 10 avril 2020 10 h 02 min

    Merci beaucoup Christophe pour cette méditation. Il est appréciable de pouvoir lire des méditations / réflexions théologiques en prise avec le réel de notre existence.

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