Billy Graham : un homme de Dieu a changé d’adresse

Billy Graham : un homme de Dieu a changé d’adresse

Un jour, vous lirez ou entendrez que Billy Graham est mort. N’en croyez pas un traître mot. Je serai alors plus vivant que je ne le suis maintenant. J’aurai juste changé d’adresse ; je serai alors dans la présence du Seigneur.

Vous avez peut-être lu cette citation de Billy Graham sur les réseaux sociaux. Le décès, mercredi 22 février au matin du prédicateur William Franklin Graham Junior à quatre-vingt-dix-neuf ans a été relayé par de nombreux croyants et de nombreux médias, chrétiens ou non. Car le télévangéliste nord-américain a marqué le vingtième siècle. Durant plus de soixante ans, il a prêché l’évangile à 220 millions de personnes en « live », remplissant des stades. Il a rencontré les puissants de la planète et a impulsé un réveil dans son pays et dans le monde. Une semaine après son décès et même après la multitude d’articles, d’hommages politiques et chrétiens et même d’honneurs qui lui ont été rendus, il nous faut à notre tour rendre aussi hommage à ce simple passionné, saisi par l’urgence de l’appel que Dieu lui a confié pour toucher de nombreuses personnes.

Il a prêché l’évangile à 220 millions de personnes

Un homme avec un style

Près d’un mètre quatre-vingt-dix, la carrure et le visage d’un acteur hollywoodien, Billy Graham avait une certaine prestance. La dépêche AFP parle ainsi de « son charisme, sa voix de stentor et ses prêches fougueux ». Parce que Billy Graham, c’était avant tout un style, une énergie, une conviction. Sa manière de parler était simple, claire et précise, s’adressant à des foules comme s’il s’adressait à une seule personne. Son message aussi était simple : dans un monde mauvais, le Christ est la seule espérance des hommes. L’appel à donner sa vie à Dieu était pressant et fort. Sa capacité à rassembler des foules immenses l’avait inscrit dans la lignée des grands prédicateurs, comme George Whitefield, Charles G. Finney, Dwight L. Moody et Billy Sunday avant lui.  Mais il était unique. Parce que Billy Graham a aussi été l’un des premiers à utiliser les mass media pour évangéliser. En 1943, après des études de théologie, il obtient la chaire d’une église en banlieue de Chicago. Et cette année-là, il prend en charge l’émission dominicale d’une radio de Chicago, une heure de chants et de sermon : le télévangéliste est né. Il a su par la suite habilement utiliser la radio et la télévision pour faire passer le Message. Il a organisé plus de 400 rassemblements dans des stades et des salles de concert, mené des “croisades” dans 185 pays, écrit une trentaine de livres traduits en une quarantaine de langues et prononcé des prédications suivies par des millions de téléspectateurs, depuis ses débuts en octobre 1947 à Grand Rapids, Michigan.

Sa manière de parler était simple, claire et précise, s’adressant à des foules comme s’il s’adressait à une seule personne.

Un homme influent

Né en 1918 à Charlotte en Caroline du Nord dans une famille de fermiers presbytériens, William Franklin Graham se convertit à 16 ans, lors d’une campagne de « réveil » menée par un pasteur du Kentucky : Mordecai Ham. Son appel à le servir intervient plus tard, lorsqu’il est au “Florida Bible Institute”. Devenu pasteur en 1939, il se lance dans des missions itinérantes d’évangélisation. Sa première “croisade “, en 1949, à Los Angeles, attire des foules considérables pendant deux mois. Il fonde par la suite sa propre structure, la “Billy Graham Evangelistic Association” (BGEA) avec des collaborateurs fidèles et efficaces. La croisade géante de Londres, en 1954, marque le début de sa notoriété en Europe. En France, 100 000 personnes viennent l’écouter au Palais omnisports de Paris-Bercy en 1986, traduit par Robert Somerville. Son utilisation de la transmission directe par satellite lui permet d’atteindre 30 autres villes françaises. Une influence non seulement en France et dans la francophonie, mais aussi dans le monde. En pleine guerre froide, il est le premier évangélique à prêcher derrière le Rideau de fer, en Hongrie en 1977, puis en 1982 en URSS. Mais ce sont surtout deux visites en Corée du Nord, en 1992 et 1994, qui le font connaître sur la scène internationale.

En France, 100 000 personnes viennent l’écouter au Palais omnisports de Paris-Bercy en 1986

Ce rayonnement grâce à son aura, son charisme et son style l’ont mené au rang de “pop-star de la Bible et un quasi pape protestant” selon les médias nationaux. Billy Graham a côtoyé les plus grands de ce monde : des dirigeants, des figures célèbres, des religieux comme le pape Jean-Paul II et Mère Teresa. Avec la reine Elizabeth, il entretiendra une relation amicale, décrite d’ailleurs dans la série Netflix The Crown (saison 2, épisode 6).

“Pop-star de la Bible et un quasi « pape » protestant”

Mais son influence est surtout importante auprès des présidents américains qu’il a côtoyé, sans exception, depuis Harry Truman jusqu’à Barack Obama. Le “pasteur de l’Amérique” (c’est ainsi que George Bush senior l’avait surnommé) a été l’interlocuteur incontournable, l’aumônier officieux, le conseiller spirituel des présidents des États-Unis pendant plusieurs décennies. Et ceux-ci ont eu recours à lui dans des moments clés : Richard Nixon pour sa prière d’investiture, George W. Bush senior lors de la guerre du Golfe en 1991. George W. Bush junior a même confié avoir arrêté de boire à 40 ans et “trouvé le chemin de Dieu” grâce à lui. Présence réconfortante en temps de crise, Billy Graham avait dirigé un service religieux national après les attentats du 11 septembre 2001. Il avait présidé le service de l’enterrement du président Lyndon Johnson en 1973 et avait pris la parole aux funérailles de Richard Nixon en 1994.  En 2007, lors de l’inauguration de la bibliothèque et du musée Billy Graham à Charlotte, trois anciens présidents étaient présents: George W. Bush senior, Jimmy Carter et Bill Clinton.

Le “pasteur de l’Amérique” a été l’interlocuteur incontournable, l’aumônier officieux, le conseiller spirituel des présidents des Etats-Unis.

Un homme imparfait… et intègre

Plusieurs « accrocs » viennent compléter le portrait d’un homme, heureusement, pas parfait. Certains relèvent qu’il a pris du temps avant de soutenir les droits civiques des noirs américains et qu’il n’a pas considéré le réchauffement climatique comme une vraie menace. D’autre part, il a soutenu la guerre des États-Unis au Vietnam. Et finalement, beaucoup lui reprochent sa relation trop étroite avec Richard Nixon. Après le scandale du Watergate, il regretta son implication dans la politique partisane et prit ses distances avec le milieu. Il y a aussi une autre ombre au tableau. Son ministère de prédicateur itinérant a eu un coût sur sa famille, notamment son épouse, comme le rappelle l’article du Washington Post. Enfin, certaines critiques théologiques sont venues : son interprétation trop littérale de l’Écriture ou le côté très simpliste de son message.

Son ministère de prédicateur itinérant a eu un coût sur sa famille, notamment son épouse.

Mais malgré son exposition, il est resté intègre, ferme sur ses principes. Il s’est protégé des scandales d’argent et de sexe, notamment grâce à un « Modesto Manifesto » signé avec ses deux associés. Parmi l’un de ses principes: ne jamais être seul dans une pièce avec une femme autre que son épouse. Un principe aujourd’hui suivi par le vice-président américain Mike Pence. D’autre part, après son ambivalence concernant les droits civiques des noirs américains, il a abandonné la pratique de prêcher devant des audiences soumises à la ségrégation et il a fait plusieurs visites de « réconciliation raciale » dans le Sud. Il est resté en dehors de plusieurs controverses, préférant rester attaché à l’Évangile et sa proclamation.

Un homme à ne pas oublier

Billy Graham était un témoin international du Christ, qui a laissé une trace dans l’histoire. L’héritage le plus significatif de Billy Graham est la Déclaration de Lausanne de 1974. Un document qui résume l’engagement des évangéliques sur le plan missionnaire, servant de référence encore aujourd’hui.  C’est lors du Congrès de Lausanne que la Déclaration a été rédigée. Plusieurs milliers de responsables évangéliques du monde entier avaient été invités par Billy Graham et le théologien anglican John Stott pour cette occasion. On doit aussi de nombreuses actions à Billy Graham, comme le lancement du mensuel “Christianity Today” ou de l’organisation “Youth for Christ” (Jeunesse pour Christ) dont il fut le premier plein temps. Son étiquette non confessionnelle a véritablement rassemblé. Sa dimension œcuménique est aussi à souligner. Il a maintenu le dialogue avec les catholiques et s’est entretenu de nombreuses fois avec le Pape Jean-Paul II. Les évêques catholiques d’Amérique et d’ailleurs n’ont d’ailleurs pas manqué de lui rendre hommage.

 

Ce n’est pas de l’évangélisation de masse, c’est de l’évangélisation individuelle, à une échelle massive.

Billy Graham

Tout cela a fait de lui un évangéliste hors-normes, témoin de Jésus-Christ dans le monde. Même s’il s’adressait à des stades entiers, il aimait dire que « ce n’est pas de l’évangélisation de masse, c’est de l’évangélisation individuelle, à une échelle massive. » Le sociologue Sébastien Fath, qui lui a consacré une biographie en 2002, rappelle son caractère unique dans un billet de blog. Oui, un témoin unique du Christ au XXe siècle est parti la semaine dernière. Il a changé d’adresse, pour vivre dans la présence de celui qui l’a sauvé.

Pour aller plus loin

3 Commentaires

  • DF 8 mars 2018 10 h 26 min

    C’est Robert Somerville qui a été le traducteur de Billy Graham à Bercy en 1986
    Merci pour l’article

    • Simon van der Does 11 mars 2018 17 h 21 min

      Merci pour la précision, c’était bien lui donc c’est modifié ! Vous étiez présent à ce moment-là ?

  • Simon van der Does 11 mars 2018 17 h 20 min

    Merci pour la précision, c’est modifié ! Vous étiez présent ?

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