Un récit de révélation : premières observations
Mt 17.1-7 (NBS) « 1 Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, son frère, et il les conduit à l’écart sur une haute montagne. 2 Il fut transfiguré devant eux : son visage se mit à briller comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. 3 Moïse et Elie leur apparurent, qui s’entretenaient avec lui. 4 Pierre dit à Jésus : Seigneur, il est bon que nous soyons ici ; si tu le veux, je dresserai ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie. 5 Comme il parlait encore, une nuée lumineuse les couvrit de son ombre. Et une voix retentit de la nuée : Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; c’est en lui que j’ai pris plaisir. Ecoutez-le ! 6 Lorsqu’ils entendirent cela, les disciples tombèrent face contre terre, saisis d’une grande crainte. 7 Mais Jésus s’approcha, les toucha de la main et dit : Levez-vous, n’ayez pas peur ! 8 Ils levèrent les yeux et ne virent personne que Jésus, seul. »
Vision d’un autre monde… et réminiscences
Le récit de la transfiguration nous transporte dans un univers lumineux et numineux (= présentant le caractère particulier du sacré) qui pose à l’esprit moderne et prosaïque des questions embarrassantes… Par exemple, comment Pierre a-t-il fait pour reconnaître Moïse et Elie alors qu’ils n’étaient pas contemporains ? Le récit nous raconte d’ailleurs que Pierre, prosaïque sans être moderne, fait une proposition de prime abord très pratique en total décalage avec l’évènement qui se déroule sous ses yeux. Il suggère de monter trois tentes (mais d’où viendraient-elles ?) pour les trois illustres personnages en conversation devant lui. Ce moment de gloire peut-il être prolongé ? « Hors sujet ! » semble être cette réponse venue du ciel où une voix retentit dans l’ombre d’une lumière éblouissante pour désigner Jésus, une deuxième fois (Mt 3.17), comme « le Fils bien-aimé » qu’il convient « d’écouter »…
Nous avons besoin d’une clé pour bien lire un récit qui n’est pas de l’ordre d’une description clinique. À celui qui connaît l’Écriture, ce texte distille à tout moment des signes qui le renvoient à la manière dont Dieu a manifesté sa gloire dans la première alliance. La métamorphose de Jésus rappelle ce qui est arrivé à Moïse dont le visage est devenu rayonnant lors de la théophanie du Mont Sinaï (Ex 34.29). La voix qui s’exprime au sein de la nuée qui couvre la montagne, voilà un motif bien connu qui nous rappelle fortement l’exode (Ex 24.16 ; Ex 33.9). Élie a lui aussi bénéficié d’une révélation particulière de Dieu sur une montagne (1 R 19.11s), elle-même en écho à celle dont a bénéficié Moïse. Nous sommes dans l’univers de l’Ancien Testament, et en particulier celui des « théophanies » (apparitions de Dieu)
Évoquer la gloire de Dieu manifestée dans le Fils bien-aimé
Ce qui se révèle sur la montagne, c’est la splendeur et la gloire du Dieu de l’alliance en son Fils bien-aimé, Jésus. Cela commence par une vision de Jésus glorieusement transformé, discutant avec deux figures éminentes de l’histoire du peuple de Dieu, Moïse et Elie, représentant la loi et les prophètes. L’Ancien Testament nous dit de l’un qu’il est monté au ciel sans passer par la mort (2 R 2.11), et de l’autre qu’il a été enterré par Dieu lui-même (Dt 34.6). Ces deux personnages ont bénéficié d’une révélation extraordinaire de Dieu sur une montagne. Voilà Jésus en bonne compagnie, avec des gens de sa trempe, dans un échange « hors du temps » avec des champions de la foi « hors catégorie ». Les disciples sont subjugués. Et si on y demeurait dans cette gloire ? Et si on installait des tentes, comme Moïse avait installé une tente hors du camp où la gloire de Dieu descendait dans une nuée, révélant Dieu tout en cachant sa vue ? Restons-y, c’est si bon ! La proposition est interrompue dans son élan par la nuée…
Quelque chose ne correspond pas, semble-t-il, à l’exigence du moment. Si les allusions à l’Ancien Testament sont nombreuses et très marquées, l’évènement n’est pas pour autant une simple reproduction de ce qui est arrivé à Moïse et Elie. Quelque chose d’autre est en jeu. Il nous faut donc non seulement déceler le langage qu’utilise l’auteur (le langage de l’Ancien Testament), mais aussi y discerner la manière dont il éclaire la nouveauté absolue que constitue la révélation en Jésus-Christ. Cette révélation nous parle de la Révélation…
Lire la deuxième partie: Un récit de révélation : mise en perspective
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