Un progrès moral de notre société, vraiment ? L’affaire Weinstein, ce producteur hollywoodien dénoncé par des dizaines d’actrices pour diverses atteintes sexuelles, a déclenché une libération de la parole des femmes. #meetoo, et #Balancetonporc en francophonie, ont mené bien des femmes à oser parler des actes abusifs dont elles sont les victimes. Certains se plaignent des évolutions morales négatives de leur société. Ici, au contraire, notre foi en la Providence divine nous amène à nous réjouir du réel progrès que constitue la possibilité même d’en parler.
Chrétiens pudibonds ?
Il existe des passages durs ou choquants des Écritures. Par exemple le récit de Tamar, au chapitre 38 de la Genèse, qui parle d’éjaculation au sol, de prostitution et du quasi inceste d’une bru avec son beau-père. L’auteur anonyme du blog « Friendly Atheist » interpelle à ce sujet les croyants : « Comment se fait-il que les chrétiens ne parlent pas de Genèse 38 de la même manière qu’ils citent les chapitres qui précèdent et qui suivent ? » Il souligne qu’on évite ce chapitre comme s’il s’agissait du 13e étage d’un gratte-ciel. Eh bien, démentons l’idée que la foi chrétienne soit pudibonde et voyons ensemble en quoi cette histoire, aux aspects si troublants, présente une actualité extraordinaire !
Démentons l’idée que la foi chrétienne soit pudibonde!
Un gouvernement masculin odieux
Genèse 38 raconte l’histoire d’une femme, Tamar, aux prises avec un environnement masculin lourdement oppressant. Joseph vient d’être vendu comme esclave par ses frères. Juda avait alors insisté sur l’avantage financier de ce procédé, le préférant à un assassinat (Gn 37.26-27)…
Le patriarche poursuit ici sa chute morale : il s’éloigne du clan familial et épouse une Cananéenne. Il trouve à son premier fils, Er, une bru : Tamar (sans doute Cananéenne aussi). Er est si méchant que Dieu lui ôte la vie. Un second fils de Juda, Onân, doit épouser Tamar selon la coutume du lévirat, pour lui assurer un descendant. Mais, tout en profitant de coucher avec elle, il éjacule à terre (selon la contraception sommaire du coitus interruptus). Son motif implicite est la cupidité : si Tamar a un fils, celui-ci prendra la place du défunt Er comme aîné et successeur premier de Juda. Ainsi Onân veut capter l’héritage et la bénédiction de son frère. Pour ce comportement abject Dieu abrège la vie du second mari de Tamar.
Juda promet alors son troisième fils à Tamar : comme celui-ci n’est pas encore nubile, elle doit rentrer chez ses parents et attendre. En vain, car le patriarche se joue de sa bru. Il a peur de voir un autre fils mourir : Tamar ne l’épousera jamais. Elle s’en rendra compte en temps voulu (38.11, 14b).
Tamar est ainsi le jouet d’hommes dominants, odieux et trompeurs. Un jouet ? Vraiment ?
Tamar est ainsi le jouet d’hommes dominants, odieux et trompeurs. Un jouet ? Vraiment ?
Une femme qui résiste et qui conquiert ses droits
Bien des années après, Tamar se masque en prostituée sacrée alors que Juda est de passage près de chez elle. C’est lui qui, sans la reconnaître, sollicite ses faveurs sexuelles – il devait être client de ce genre de commerce… Tamar reçoit le sceau, le cordon et le bâton de Juda – objets très personnels – en gage du chevreau prévu pour payer sa prestation. Elle se retire aussitôt du « marché » de la prostitution et le patriarche ne parviendra donc pas à la retrouver pour récupérer ses gages et lui payer son dû.
Tamar est enceinte de cette union. Trois mois après, Juda apprend que sa bru s’est prostituée et ordonne – hypocrite ! – qu’elle soit brûlée vive. Tamar lui fait alors parvenir les gages : un #Balancetonporc magistral ! Juda sursoit à l’exécution et confesse que sa bru est plus juste que lui.
Une femme improbable, élue pour notre salut
Au-delà de son histoire personnelle, Tamar est une personne clé dans le déploiement du plan de rédemption de l’humanité. Cananéenne, elle se situe hors de la parenté d’Abraham, montrant parmi d’autres exemples fréquents, que Dieu élit souvent des personnes improbables et inattendues. Pérets, second jumeau de Tamar, dans une course avec son frère, sort le premier du sein de sa mère : le cadet est élu à la place de l’aîné.
Plus tard Ruth, une Moabite, étrangère aussi au peuple de Dieu, devient Israélite. La généalogie qui clôt son histoire débute non avec Abraham ou Juda… mais avec Pérets ! et finit avec David (Rt 4.18-22). La généalogie de Jésus débutant l’Évangile de Matthieu poursuit l’insistance sur la grâce divine en y ajoutant à Tamar et Ruth, Rahab la prostituée Cananéenne et « la femme d’Urie » (c’est-à-dire Bath-Shéba, dont l’adultère est ainsi souligné) (Mt 1.1-16).
Tamar est ainsi un jalon essentiel de la lignée qui mène au Sauveur des hommes. Bonne nouvelle pour tous les improbables et les hors-jeu !
Tamar est ainsi un jalon essentiel de la lignée qui mène au Sauveur des hommes. Bonne nouvelle pour tous les improbables et les hors-jeu ! Et ne le sommes-nous pas tous, du fait de la corruption du péché ?
Tamar, un exemple pour nous
Qui oserait juger Tamar d’avoir procédé de manière peu orthodoxe ? La situation était épouvantable : domination, instrumentalisation de la femme, sexualité égoïste, cupidité, hypocrisie abyssale et violence mortelle. Sans avoir elle-même toutes les lumières de la révélation divine, cette femme a agi au mieux, résistant héroïquement à une bande d’affreux !
Qui oserait juger Tamar d’avoir procédé de manière peu orthodoxe ?
On peut philosopher aujourd’hui sur les excès langagiers de l’expression #Balancetonporc, mais face à des puissants protégés par une scandaleuse impunité, la parole ne peut être qu’incisive – telle celle des prophètes bibliques face à l’injustice. Par Tamar, Dieu appelle les femmes à refuser la domination masculine, à la dénoncer et à se battre pour leurs droits. Il veut que les hommes s’engagent avec elles dans ce combat.
Soyons tous le sel d’une terre qui, si souvent, a la mortelle fadeur de l’injustice, de la haine et de la violence.
2 Commentaires
Comme quoi , de temps en temps les évangéliques peuvent se permettre d’être politiquement corrects…
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